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FONDAMENTALES

CONSIDÉRÉES

DANS LEURS RAPPORTS POLITIQUES.

CHAPITRE PREMIER.

Introduction.

LES divers peuples de l'Europe sont tous affectés plus ou moins de la même maladie. C'en est une réelle que de vouloir changer la forme du gouvernement. Quoique plusieurs souverains aient résisté jusqu'ici à ce désir que manifestent sans relâche ceux qui se disent les organes de l'opinion publique, il paroît assez probable que dans peu d'années toute l'Europe aura adopté le système représentatif combiné avec la monarchie. C'est, au moins, ce que nos écrivains les plus libéraux annoncent tous les jours. Cette

époque sera mémorable : il est possible qu'il en résulte de grands avantages pour les peuples et même pour les rois, si on procède à un changement si considérable, sans précipitation, et en mettant à profit les lumières de l'expérience; mais de combien de maux ne sommes-nous pas menacés, si, malgré les précautions qu'on voudra prendre, l'esprit révolutionnaire s'empare du mouvement qui va s'opérer. Le dix-neuvième siècle finiroit par être un siècle de ténèbres; car la civilisation, au lieu de faire des progrès vers la perfectibilité, rétrograderoit vers la barbarie.

La France a voulu changer la forme de son gouvernement; c'étoit une monarchie tempérée, et les belles-lettres, les sciences et les arts y étoient honorés; son commerce intérieur et extérieur très-florissant; ses belles et nombreuses colonies augmentoient ses richesses; sa marine étoit formidable et disposée à recevoir les plus grands accroissemens; sa prépondérance, dans les quatre parties du Monde, la plaçoit au premier rang des plus grandes puissances. La plupart de ces avantages....... Mais écartons de tristes souvenirs. La France, dont les moyens de prospérité sont inépuisables, parviendra, sous le gouvernement légitime de son Roi, à réparer les désordres et tous les désastres que ses dissensions intestines et la guerre lui ont successivement causés; mais quelque importance qu'elle ait pu attacher au système

représentatif, la France (1) n'en auroit pas voulu, si elle avoit pu prévoir et calculer à quel prix elle l'obtiendroit. Les peuples, nos voisins, sc persuadent sans doute, alors que leurs orateurs demandent, ou plutôt qu'ils réclament un changement dans leur constitution, qu'ils sauront profiter de la douloureuse expérience que nous avons faite, et passer à côté d'une révolution, en opérant tous, et presque simultanément, un changement complet dans leur DROIT POLITIQUE. Cela est possible, mais bien difficile : les chances qui s'opposent à ce que cette transition se fasse sans de grandes convulsions, sont si multipliées, qu'il faut des miracles de prudence, de sagesse, renouvelés chaque jour et partout, pendant plusieurs années, pour atteindre un but d'ailleurs si désirable, non seulement pour les peuples affectés de cette maladie de perfectibilité, mais pour le bien de l'humanité entière, et peut-être plus particulièrement pour la France; car la France est plus intéressée que toute autre puissance à ce que la paix se maintienne en Europe, et surtout à ce qu'elle ne soit pas frappée de cet esprit de vertige dont nous avons été si tourmentés. Nous n'en sommes pas assez guéris pour que ce mal épidémique, contagieux de sa na

(1) Quand je dis la France, il est évident que je n'entends pas parler de quelques têtes folles qui peuvent s'y trouver

encore.

ture, ne vînt nous reprendre, s'il parvenoit à s'établir chez nos voisins. L'histoire de notre révolution a été racontée de tant de manières différentes, et le plus souvent avec des couleurs si brillantes, si séduisantes, que les peuples, s'ils ne sont pas guidés et surveillés de très-près, rencontreront les mêmes écueils, et tomberont précisément dans les mêmes excès que nous n'avons pas su éviter. C'est une erreur de croire que les faits historiques, même véridiquement racontés, soient une leçon pour les peuples. Comment cela seroit-il possible? Les rois et les sages de la terre ont de grands efforts à faire pour mettre à profit leur propre expérience et celle des âges antérieurs. Il seroit téméraire toutefois, et ce n'est pas mon intention, de considérer comme nulles les leçons de l'histoire, et celles surtout qu'on pourra tirer de notre. révolution, quand elle sera utilement et convenablement écrite; mais l'heure de l'écrire n'est pas encore arrivée : je veux dire seulement que ce n'est pas aux peuples en fermentation qu'elle sera profitable, mais bien au petit nombre des hommes qui lisent avec fruit, comparent, méditent et réfléchissent; elle sera infructueuse pour eux-mêmes, s'ils sont sans influence, et ils seront nécessairement entraînés par le torrent s'ils ne sont pas consultés pour le resserrer dans de justes limites, et le contenir par de fortes digues. Il est encore temps d'espérer que

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