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elles. Certes si ce fut un bienfait, qu'on ne peut révoquer en doute, qu'un code civil qui règle, d'une manière uniforme, tous les rapports des Français entre eux, n'en sera-ce pas un infiniment plus grand qu'un corps de lois politiques, qui enchaînera la monarchie aux institutions et celles-ci à la monarchie? C'étoit une bizarrerie bien grande, sans doute, que chaque province eût un code civil particulier, et fût régie par des coutumes si dissemblables; mais enfin, et malgré les inconvéniens, cela étoit praticable. Il est au contraire impossible qu'il n'y ait pas un seul et même corps de droit politique pour l'ensemble d'un Etat; il est miraculeux qu'on puisse s'en passer si long-temps; il est bien chanceux de compter sur la continuation d'un pareil prodige, d'autant que les institutions ont de considérables, d'incalculables effets sur les rapports des citoyens entre eux. Leurs relations d'intérêts s'accroissent, se multiplient, se bonifient, en raison du nombre, de l'importance et de la solidité de ces institutions; plus elles. sont inébranlables, plus la confiance augmente et vivifie toutes les branches de l'industrie humaine. Les rapports, c'est-à-dire les transactions des régnicoles, sont chaque jour innombrables, et la prospérité publique en est le résultat assuré. C'est surtout le jour où Louis XVIII promulguera ses lois fondamentales, que les nations le proclameront le premier entre les Rois législa

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teurs des temps modernes; mais le premier, sans restriction, parce que ces lois porteront toutes l'empreinte de sa prévoyance et de sa sagesse.

Le second effet sera de faire cesser, en un moment, cette agitation des esprits; de mettre un terme à cette incertitude, que traîne toujours après lui et avec lui un gouvernement qui, n'ayant pas pour agir et faire agir uniformément des lois faites, est continuellement obligé de balancer les partis les uns par les autres, de leur faire à tous une chouette d'autant plus difficile, qu'il ne peut impunément laisser prendre l'avantage à aucun d'eux. La masse du peuple reste impassible sans doute, et calme en effet ; mais elle a le sentiment de cette incertitude; elle est enveloppée par un vague indéfinissable ; sa confiance ne peut naître que de sa sécurité, et celle-ci ne peut s'établir, tant qu'elle peut prévoir ou redouter des événemens. Il n'y en a plus qui soient le moins du monde probables, quand sur toute la surface de la France, dans chaque département, se trouvent placées et définitivement organisées des institutions créées selon la monarchie, qui lui soient inhérentes en harmonie parfaite avec elle, et par conséquent avec la Charte.

Un effet encore infailliblement salutaire et durable será de créer, par nos institutions, de nouvcaux et considérables intérêts tous monarchi

ques. L'esprit devenu excellent des grands corps de l'Etat, purifiera l'esprit général, et il en naîtra une véritable opinion publique, qu'il sera possible de consulter, qui produira d'heureux effets; nous aurons un véritable esprit public ce ne sera plus, comme aujourd'hui, cette opinion vacillante, résultat éphémère ou des feuilles journalières et hebdomadaires qui s'évertuent inutilement à la former, ou des pamphlets qui l'agitent un moment, sans lui imprimer aucun caractère. Nos assemblées délibérantes seront toujours partagées en minorités et majorités ; mais elles seront également dévouées au Roi et à la monarchie. Cette chance, aujourd'hui si désastreuse, chance qui, presque toujours, s'est réalisée, de voir telle minorité devenir la majorité, ne sera plus à redouter. Si, par impossible, elle se réalisoit, ses entreprises seroient infiniment faciles à réduire. Le rejet qu'elle voteroit d'une loi, ou les modifications qu'elle dem anderoit, et dont le Roi ne voudroit pas, ne diminueroit en rien les forces vitales du gouvernement, le Monarque les ayant toutes données. La prérogative royale de dissoudre produiroit alors tout son effet. Enfin, et dans quelques mois, nous serions affranchis pour jamais de tous ces changemens que n'a cessé de faire et que fera toujours la démocratie, lorsqu'elle a été, lorsqu'elle sera instituée en pouvoir : dans quelques mois, et à heuré fixe, nous pourrions revoir

la monarchie entièrement rétablie, mais tem→ pérée par le système représentatif, combiné luimême tel qu'il doit l'être pour les Français; la liberté politique assurée par la Charte, et mieux garantie encore qu'elle ne l'est en Angleterre, car elle le seroit par les puissances intermédiaires, par les institutions, par l'ensemble des grands intérêts qui naîtront simultanément, et partout, de nos lois fondamentales.

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Une réflexion qu'on ne manquera pas de faire, et qui paroîtra fort sérieuse, sera que cette mesure peut influer sur le crédit public: je la prévois, pour en dire mon avis. Si on consultoit, avant la mesure et individuellement, les divers actionnaires de l'emprunt, chacun répondroit selon ses opinions politiques, qui sont en grande partie sous l'influence des journaux et des pamphlets, dont Paris est le grand entrepôt mais, par ce procédé, on seroit mal éclairé : il faut calculer l'effet sur les opinions financières. Or, les opinions financières ne suivent d'autre direction que celle de leur intérêt, qu'elles savent qu'elles entendent à merveille et si bien, que tel homme pourroit fort bien ne point aimer le gouvernement, tel qu'il est, et lui confier tout son argent, parce qu'il est convaincu de sa loyauté. Il y a mieux, il y en auroit un sur dix mille qui douteroit même de sa loyauté, qu'il lui confieroit encore ses capitaux, parce qu'il sait que la confiance est généralement établie, eţ

qu'elle doit infailliblement produire une hausse dont il seroit bien fâché de ne pas profiter. Comme c'est une opinion bien prédominante, car elle est universelle, que la loyauté la plus entière est dans l'âme de tous les Bourbons, ce qui tendroit à garantir le trône et la légitimité de toute atteinte, ne pourroit donc qu'augmenter la confiance qu'inspire la famille régnante. Ce n'est là qu'un premier point de la question. Il est incontestable que la seconde cause du crédit public, c'est le système représentatif. Si la déclaration ou l'ordonnance royale laissoit le moindre doute, ce qui est impossible, ou n'alloit pas même, par ses expressions, au devant du doute, sur la conservation du système représentatif et du droit de voter les dépenses publiques et les impôts par les élus du peuple, alors, sans doute, le crédit en souffriroit sensiblement. Mais, s'il est évident pour tous que le but est précisément de conserver le système représentatif, de le placer hors de toutes les vicissitudes qu'il a éprouvées depuis vingt-huit ans, et qui ont été telles, que nous ne l'avons obtenu en effet que depuis le retour du Roi et de sa volonté libérale, alors les opinions financières, qui apprécient la stabilité tout ce qu'elle vaut, qui redoutent même l'apparence des changemens, seront d'autant plus tranquillisées, qu'il n'y aura plus de convulsions ni d'orages politiques à redouter. Le trône des Bourbons sera

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