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tion. Je persiste au surplus à reconnoître que la meilleure forme de procéder à la rédaction de ces lois, sera celle qui conviendra le mieux au Monarqué. C'est sa pensée, c'est sa volonté qu'il faut développer par des dispositions précises, mais qui d'ailleurs n'auront aucun caractère aucune forme, qui ne deviendront lois que quand Sa Majesté y aura mis la dernière main, les aura modifiées selon sa sagesse, et les aura promulguées dans les mêmes formes et selon la même formule adoptées pour la promulgation de la Charte.

De combien de dangers, de chances malencontreuses, d'agitations sourdes, et pourtant menaçantes, le gouvernement se trouveroit débarrassé, si le Roi veut user de la plénitude du pouvoir inhérent à sa seule volonté. Il y a des cas, dit Montesquieu, « où la puissance du Monarque doit agir dans toute son étendue; il en est d'autres où elles doit se renfermer dans certaines limites. » Le sublime, dans l'art de gouverner, est de connoître quelle est la partie du pouvoir, grande ou petite, que l'on doit employer dans les diverses circonstances. Ici la circonstance est grande, impérieuse, et même de sa nature elle est unique, car elle ne peut plus se représenter. Il s'agit de conserver l'intégrité du pouvoir constituant, ou d'admettre la puissance législative au partage de ce pouvoir. Il s'agit de reconnoître que ce pouvoir, étant

inhérent à la souveraineté, ne peut être cxercé que par le souverain lui-même; il s'agit d'apprécier les inévitables conséquences qu'une marche contraire produiroit; car si les lois dont il s'agit sont faites par la puissance législative, on consacreroit, par le fait, que la souveraineté est exercée par les trois branches de la puissance législative, et, par conséquent, divisées par le fait entre ces trois branches. Il n'y a plus alors qu'un pas trop facile pour arriver à la théorie de la souveraineté du peuple. Espérons. avec confiance de la sagesse, de la prévoyance d'un Roi si éclairé, qu'il ne fera pas une concession aussi importante; espérons qu'il conservera sans partage un pouvoir dont ses fidèles sujets ne redoutent aucunement l'exercice dans ses mains, que ses ennemis seuls peuvent convoiter, et qu'ils tenteront de lui surprendre par tous les moyens qu'on laissera à leur disposition.

CHAPITRE XI.

Quel effet politique produiroit l'incompétence déclarée des Chambres pour voter des lois fondamentales?Crédit public.

L'INCOMPÉTENCE déclarée produira deux effets bien distincts: celui du premier moment et celui qui résultera de la promulgation même des lois fondamentales. Comme nous sommes accoutumés depuis trente ans à vivre au jour le jour, voyons d'abord quel peut être le premier effet.

Si jamais on a dû s'attendre aux cris, aux écrits et aux criailleries d'une faction désappointée, certes ce sera en pareille occurrence. Lui ôter l'espoir de refaire la monarchie à sa guise, c'est la frapper au cœur. Il n'est pas douteux qu'elle invoquera ce qu'elle appelle ses droits imprescriptibles; il seroit même possible qu'elle qualifiât la simple proposition de contre-révolutionnaire; ce ne seroit pas sans raison; car, si elle est adoptée, la révolution est finie sans retour. Cela est cruel pour ceux qui ont tant d'intérêt à la voir se prolonger. Vains et inutiles efforts d'une faction désormais im

puissante, puisqu'elle n'aura plus une seule institution pour point d'appui ! Elle en sera aussitôt convaincue, que la mesure même sera prise; il ne lui sera pas plus possible d'en douter, que du retour de la lumière, quand l'éclipse a cessé. C'est donc avant même que la mesure soit prise qu'ils s'exclameront davantage; toutefois leur conduite sera sage et mesurée; car ils ne voudront pas ajouter une preuve de plus à toutes celles qui existent déjà, et rendre la mesure d'autant plus indispensable par leurs propres excès. Leurs écrits seuls seront violens. J'entends déjà, je distingue d'ici chacune des voix qui s'élè veront: Quoi! la France ne sera plus organisée et réorganisée cent fois! On veut sans nous, malgré nous et devant nous, faire de la France, en quelques mois, une monarchie forte et de toute part invulnérable, même par de mauvaises lois. Est-ce là ce qu'on nous avoit promis? Ne devions-nous pas compter que de session en session, des discussions orageuses s'engageroient sous notre influence? Quoi, tout sera jugé, irrévocablement décidé en six mois, et nous ne serons ni appelés, ni consultés, ni même écoutés! Voilà, non ce qu'on dira, mais ce qu'on pensera, etles véritables motifs de tout ce qu'on imprimera. Si cette brochure obtient quelque faveur, c'est elle qui recevra les premières et les plus vives bordées; c'est contre elle, s'ils ne peuvent pas s'en tenir au dédain, qu'ils se déchaîneront

davantage. La question sera déjà vieille, et leur artillerie épuisée, quand la mesure même sera prise. Que feront-ils le lendemain? Attaquer encore la mesure par des écrits, cela est rigoureusement possible; les chefs laisseront faire les pamphlets, mais ils n'en espéreront plus rien; ils savent bien que si la mesure est prise, elle s'exécutera. Il faut se compter avant de se soumettre. Voilà, l'oreille basse, ce qu'ils auront à se dire. Le compte est bien plus aisé à faire le lendemain que la veille. La confiance n'est plus la même. Il y a beaucoup de gens très-prudens dans ce partilà, ct, je dois le dire aussi, dans tous les partis. La mesure d'ailleurs produit un singulier effet : les royalistes de toutes les nuances ayant tous un espoir fondé que la monarchie va incessamment reposer sur des bases inébranlables, qu'une Chambre démocratique ne pourra plus déplacer, se trouvent réunis sans autre forme de réconciliation, mais par le fait seul que la monarchie, le Roi, son auguste famille, et les principes de la légitimité dans l'ordre invariable de la primogéniture, sont désormais hors de toute atteinte. On a eu raison de dire que les royalistes ne sont pas un parti. Oui, en droit, voilà ce qu'on doit dire et surtout imprimer; mais, quand ils sont divisés entre eux, et qu'une faction leur est opposée, le fait alors, s'il n'est pas contestable, dénature le droit : mais si la réunion est opéréc par cela même que les intérêts sont confondus

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