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anglais, livre XI, chapitre VI : « Si la puissance exécutrice n'a pas le droit d'arrêter les entreprises du corps législatif, celui-ci sera despolique; car, comme il pourra se donner >> tout le pouvoir qu'il peut imaginer, il anéan» tira toutes les autres puissances. » Si c'est là un axiome politique dont on ne peut méconnoître la vérité, il faut l'appliquer. Or, le Roi n'a d'autre moyen d'arrêter les entreprises de la Chambre des Députés, que la dissolution; mais la loi des élections est telle, qu'on ne peut se flatter qu'une Chambre complétement renouvelée fût plus aristocratique que les précédentes. Ce moyen est donc dangereux; alors ce n'est pas un moyen la Chambre démocratique qui le sait très bien, n'en aura que plus de confiance et plus de témérité. Admettez que, dans la session prochaine ou la suivante, le principe démocratique y soit plus dominant encore que dans les dernières, ce n'est pas une hypothèse imaginée à plaisir et hors de vraisemblance. Quel sera le sort des diverses lois fondamentales devant cette Chambre? Si vous lui présentez la loi sur le concordat, le mieux qui puisse arriver, c'est qu'elle la rejette; car les dispositions qu'elle y mettroit seroient telles que la religion de l'Etat et ses ministres seroient encore plus compromis que dans l'état vague et incertain où les laisse l'absence de la loi, peut-être même considérât

comme une imprudence de faire délibérer

sur une question en elle-même si importante. S'il étoit possible que cela devînt effectivement une imprudence, cela suffiroit seul pour prouver que le chef de l'Etat a perdu son indépendance; que sa prérogative de faire exécuter, dans le royaume, les traités qu'il signe avec les souverains, n'existe plus que dans la Charte, c'està-dire en droit, mais qu'elle est paralysée par le fait.

Si c'est la loi de la responsabilité des ministres qui est proposée, vous pouvez prévoir que par elle cette Chambre étendra son pouvoir et s'immiscera dans l'exécution des lois. Rien ne pouvant arrêter une puissance qui peut sans obstacle sortir de ses limites, elle fera remonter son droit jusqu'à la conception de la Charte. Elle l'interprétera à son gré, et supposera au Roi législateur une volonté différente de celle qui évidemment fut la sienne. La contradiction la mieux fondée en principes comme en raison ne pourra ni l'effrayer ni la convaincre : elle veut, et elle peut tout ce qu'elle veut.

Remettez devant cette Chambre, en discussion, les deux lois fondamentales déjà faites: celle sur les élections deviendra telle que sa réélection ou l'élection de ses partisans seront infaillibles, et par la loi du recrutement elle placera l'armée dans sa dépendance. Ce n'est plus alors par sa seule force d'inertie, mais par l'action d'une puissance devenue sans bornes,

qu'elle se reportera au-delà de la Charte, et qu'elle pourra mettre en discussion le droit même de la faire. Le jour où cette discussion est commencée, tous les pouvoirs sont envahis, et si la Chambre démocratique croit utile pour elle de conserver le Monarque, ou un Monarque, pour avoir plus sûrement et en réalité la république, il faudra que cela soit ainsi.

Tous les faits de notre révolution, comme ceux qui en Angleterre précédèrent le protectorat, prouvent que telle est la marche de la démocratie; si elle est déjà entrée dans cette voie, elle peut y rentrer encore; elle peut vouloir l'ombre de la monarchie, mais elle ne peut en supporter la réalité, quelle que raisonnablement tempérée qu'elle puisse être. Alors, quelle sera la situation du Monarque?. Mais qui oseroit la décrire quand elle l'est dans le testament du Roi-martyr? Je ne suis excusable de recourir à un passage écrit d'une main sainte et royale, que parce qu'il donnera de l'autorité à mes foibles efforts, dont l'unique but est la conservation du trône de Louis XVI à son auguste famille.

« Je recommande à mon fils, s'il avoit le malheur de devenir Roi, de songer qu'il se doit tout entier au bonheur de ses concitoyens; qu'il doit oublier toute haine et tout ressentiment, et nommément ce qui a rapport aux malheurs et aux chagrins que j'éprouve; qu'il ne peut faire

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le bonheur des peuples qu'en régnant suivant, les lois; mais en même temps qu'un Roi ne peut les faire respecter et faire le bien qui est dans son cœur qu'autant qu'il a l'autorité nécessaire, et qu'autrement, étant lié dans ses opérations et n'inspirant point de respect, il est plus nuisible qu'utile.

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Après cette citation, je ne puis plus que résumer ce chapitre pour apprécier l'incompétence, ce qu'elle est en effet, pour en avoir une idée nette, et la bien concevoir, il faut remonter aux principes. Ces principes, je ne les fais pas, je les rappelle, et les voici

J'accorde que, pour conserver l'économie du système, il faille absolument que la seconde Chambre soit démocratique, comme on ne, pourroit se refuser à reconnoître que les lois fondamentales sont indispensables, il n'en sera que plus démontré que ces lois doivent exister antécédemment à la puissance legislative. En effet, ces lois, dans quelque système, d'après quelques principes, qu'il soit convenable, raisonnable et libéral même de les faire, toujours est-il vrai que, selon qu'elles seront faites, les trois branches de la puissance législative seront plus ou moins modifiées et diversement constituées. Qu'on réfléchisse un moment à l'effet différent que produiroient, telle ou telle autre loi, sur les élections, sur le concordat, sur le recrutement, et on conviendra qu'il en

résultera une constitution ou un droit politique dont la nature sera celle qu'on aura donnée aux lois dont je viens de parler. Si ce sont ces lois qui doivent constituer le gouvernement, ce qu'il doit être, ces lois, d'après quelques principes qu'on les fasse, sont donc constituantes. Trois pouvoirs auxquels on se contenteroit de dire : vous serez égaux en puissance, voilà votre seule règle, constituez-vous, ne pourront jamais y parvenir l'un des trois, ou chacun des trois, selon son intérêt, car ils ne sont pas consubstantiels (il n'est pas donné de l'être à des pouvoirs humains), opposera tantôt la force d'inertie en refusant, tantôt le droit de mal faire ou de faire méchamment la loi. J'entends par méchamment, de manière à ce que l'équilibre soit rompu en sa faveur. Alors le peuple reste sans lois, ou, ce qui est pis, il en a de mauvaises, et une nouvelle désorganisation sociale, après tant d'autres, le menace encore. Il faut donc nécessairement distinguer le pouvoir constituant de la puissance législative; il faut que le premier exerce la plénitude de son droit, avant que l'autre commence l'exercice du sien. Si par le fait cela n'est pas ainsi, le fait n'est qu'une circonstance accidentelle qui ne peut investir la puissance législative d'une compétence qu'elle n'a pas. Il faut corriger le fait, car vous ne pouvez confondre deux pouvoirs si différens et si distans l'un de l'autre ; et si vous les confondez, tout est, et tout sera confondu.

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