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le voilà retenu par le pied dans sa chambre tout le reste du jour.

MONTAIGNE, Livre I, 49.

Ib. (De la Mode).

La façon de se vestir presente luy faict ["nostre peuple"] incontinent condamner et mespriser l'ancienne, d'une resolution si grande et d'un consentement si universel que vous diriez que c'est quelque espece de manie qui luy tourneboule.

La question est une invention merveilleuse et toutà-fait sùre pour perdre un innocent qui a la complexion foible, et sauver un coupable qui est né robuste. Ib. (De quelques Usages).

MONTAIGNE, Livre II, 5.

C'est une dangereuse invention que celle des gehenes, et semble que ce soit plustost un essay de patience que de verité: car pourquoy la douleur me fera elle plustost confesser ce qui en est qu'elle ne me forcera de dire ce qui n'est pas? Et, au rebours, si celuy qui n'a pas fait ce dequoy on l'accuse est assez patient pour supporter ces tourments, pourquoy ne le sera celuy qui l'a fait, un si beau guerdon que de la vie luy estant proposé?

L'étude des textes ne peut jamais être assez recommandée; c'est le chemin le plus court, le plus sur et le plus agréable pour tout genre d'erudition: ayez les choses de la première main; puisez à la source.

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MONTAIGNE, Livre III, 13.

Qui ne diroit que les gloses augmentent les doubtes et l'ignorance, puis qu'il ne se voit aucun livre, soit humain, soit divin, auquel le monde s'embesongne, duquel l'interpretation face tarir la difficulté? Le centiesme commentaire le renvoye à son suivant, plus espineux et plus scabreux que le premier ne l'avoit trouvé. Quand est il convenu entre nous: "Ce livre en a assez, il n'y a meshuy plus que dire?"

BAYLE (1647-1706)

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L'Ane de Buridan est une espece de Proverbe. Je ne sai si j'ai bien deviné ce qui c'étoit. J'ai cru assez long-temps que ce n'étoit autre chose qu'un Exemple que Buridan avoit donné de la dépendance dans laquelle les bêtes vivent par raport aux objects des sens. Il m'est venu depuis peu une autre pensée; c'est que l'Ane de Buridan étoit un Sophisme que ce philosophe proposoit comme une espece de Dilemme, afin que quelque chose qu'on lui répondit, il en tirât des conclusions embarrassantes. Il suposoit, ou un Ane bien affamé entre deux mesures d'avoine de même force, ou un Ane autant pressé de la soif que de la faim, entre une mesure d'avoine et un seau d'eau qui agissoient également sur ses organes. Aiant fait cette suposition, il demandoit, que fera cet Ane? Si on lui repondoit, il demeurera immobile: "donc," concluoit-il, "il mourra de soif et de faim, aiant tout auprès de lui dequoi boire et dequoi manger." Cela paroissoit absurde; il

pouvoit donc mettre les rieurs de son côté contre celui qui lui auroit fait cette réponse. Que si on lui répondoit, cet Ane ne sera pas assez bête pour se laisser mourir de faim ou de soif dans une telle situation: "donc, concluoit-il, il se tournera d'un côté plutôt que de l'autre, encore que rien ne la pousse plus fortement vers cet endroit-là que vers celui-ci; donc, il est doüé de franc arbitre, ou bien il peut arriver que de deux poids en équilibre, l'un fasse remuer l'autre." Ces deux conséquences sont absurdes: il ne restoit donc que de répondre que l'Ane se trouveroit plus fortement ébranlé par l'un des objets; mais, c'étoit renverser la suposition, et ainsi Buridan gagnoit le procès de quelque maniere que l'on répondit à sa Demande.

Dictionnaire (Buridan: Rem. C). 1696.

MONTAIGNE, Livre II, 14.

See citation under Spinoza, p. 138.

Horace n'y entendoit rien lorsqu'il disoit: "Que Dieu me donne la santé et les richesses: pour ce qui est de la tranquillité d'esprit, je saurai bien me la procurer moi-même; c'est mon affaire." Det vitam, det opes, æquum mi animum ipse parabo. Il se trompoit grossierement. La chose pour laquelle il ne croyoit pas avoir besoin du secours de Dieu, étoit celle qu'il devoit la moins attendre de ses propres forces, et la premiere qu'il devoit demander à Jupiter. Car il est beaucoup plus facile d'obtenir par son industrie les

honneurs et les richesses, que la paix de l'âme. Mais dira-t-on, les honneurs et les richesses dépendent de plusieurs causes dont nous ne pouvons disposer. Il est donc nécessaire de prier Dieu qu'il les trouve à notre avantage. Je repondrai que le calme des passions, le repos du cœur, et le contentement de l'esprit, dépendent de mille autres causes, qui sont encore moins à notre disposition. La constitution de l'estomach, des visceres, des vaisseaux lymphatiques, des fibres du cerveau, et de cent autre organes dont les Anatomistes ne savent pas encore le siége ni la figure, produit en nous une infinité de passions et de mouvements involontaires. Pouvonsnous changer ces organes-là? Sont-ils en nostre puissance?

MONTAIGNE, Livre II, 12.

Ib. (Reinesius: Rem. B).

Il est certain que nostre apprehension, nostre jugement et les facultez de nostre ame en general souffrent selon les mouvemens et alterations du corps, lesquelles alterations sont continuelles.

THE EARL OF SHAFTESBURY (1671-1713)

It is evident that if an angry temper bears, or an amorous one refrains, so that neither any cruel nor immodest action can be forced from such a person, though ever so strongly tempted by his constitution, we applaud his virtue above what we should naturally do if he were free of this temptation and these propensities.

At the same time there is nobody will say that a propensity to vice can be an ingredient in virtue, or any way necessary to complete a virtuous character.

There seems therefore to be some kind of difficulty in the case, but it amounts only to this. If there be any part of the temper in which ill passions or affections are seated, whilst in another part the affections towards moral good are such as absolutely to master those attempts of their antagonists, this is the greatest proof imaginable that a strong principle of virtue lies at the bottom, and has possessed itself of the natural temper. Whereas if there be no ill passions stirring, a person may be indeed more cheaply virtuous, that is to say, he may conform himself to the known rules of virtue without sharing so much of a virtuous principle as another. Yet if that other person, who has the principle of virtue so strongly implanted, comes at last to lose those contrary impediments supposed in him, he certainly loses nothing in virtue; but on the contrary, losing only what is vicious in his temper, is left more entire to virtue, and possesses it in a higher degree.

L

Characteristics (An Inquiry concerning Virtue or Merit, I, ii, 4). 1699.

MONTAIGNE, Livre II, 11.

Il me semble que la vertu est chose autre et plus noble que les inclinations à la bonté qui naissent en nous. . . . Celuy qui, d'une douceur et facilité naturelle, mespriseroit les offences receues, feroit chose tres belle et digne de louange; mais celuy qui, picqué et outré jusques au vif d'une offence,

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