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chimique et météorologique de nos travaux, dont il avait fait son domaine spécial.

Si je m'adresse aux Magistrats de cette ville, je recueille, sous un point de vue différent, un témoignage qui n'est ni moins flatteur, ni moins unanime. Le citoyen s'est montré au Conseil municipal, aussi franc aussi dévoué aux jours de nos malheurs, que l'homme instruit s'est montré recommandable au milieu de notre Société.

Si je porte mes regards sur son honorable famille, et particulièrement sur sa respectable veuve, la tristesse la plus profonde empreinte sur les visages, atteste toute l'excellence des vertus domestiques de notre Collégue.

Enfin, MM., si mes recherches s'étendent aux diverses classes de citoyens dont cette ville et ses environs se composent; l'estime pour M. Tisset est dans tout les cœurs, son éloge dans toutes les bouches. Il est une classe qui va plus loin encore et qui comble sa mémoire de bénédictions; c'est celle des indigens auxquels ses médicamens, ses conseils et même ses soins étaient gratuitement donnés. Qu'il me pardonne de révéler ici sa

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charité. Les malheureux qu'il a secourus n'ont été indiscrets qu'après sa mort. Tant qu'il a vécu, ils se sont tus sur ses bienfaits, qu'il cachait avec autant de soin que les pervers en mettent à cacher leurs méchantes actions.

Tel notre Collégue a marché, sans la moindre déviation, dans sa carrière uniforme et douce, au milieu de travaux utiles, d'œuvres excellentes et de l'accomplissement de tous ses devoirs publics et domestiques.

Que les orateurs employent toutes les ressources, développent toutes les richesses de l'éloquence, pour célébrer dignement la mémoire de ces hommes fameux qui ont rem-pli un rôle imposant sur le théâtre du monde ; qu'ils fassent ressortir, par les couleurs les plus éclatantes, les grands talens ou les actions illustres de ce petit nombre d'êtres privilégiés qui, franchissant les limites ordinaires, ont pris une place à part dans l'histoire des sciences ou dans l'histoire des empires; ces pompeux panégyriques, pourvu que le mensonge ou du moins l'exagération ne viennent pas les souiller, ont cela d'é

minemment avantageux, qu'ils offrent à tous les regards, l'espèce humaine arrivée, dans quelques-uns de ses individus, à son plus haut degré d'élévation, et qu'ils entretiennent cette émulation si nécessaire qui pousse l'homme vers les choses grandes et généreuses.

Cependant, plus ces modèles ont de hauteur, plus il est difficile de les atteindre, et plus ils approchent de ce beau idéal et désespérant auquel la presque totalité des humains ne peut jamais parvenir.

Mais, MM., lorsque, sans prendre un ton plus élevé que le sujet ne le comporte, on récite avec candeur et vérité, comme je crois l'avoir fait, la vie de l'homme de bien, qui, placé dans les rangs intermédiaires de la Société, a su joindre à la pratique de toutes les vertus religieuses et morales, des talens distingués et la connaissance approfondie de l'art qu'il exerçait; lorsque les jours de cet homme véritablement recommandable se sont écoulés au milieu de ceux qui font, ou qui entendent son éloge; alors non-seulement on intéresse la bienveillance d'une assemblée qui va au-devant de ce que vous racontez, et qui s'associe à tous les regrets

exprimés; mais ce tribut déposé sur la cendre dont le nom seul désarme la

d'un mort

sont pas

médisance, a ce précieux résultat de présenter à tous, dans des proportions qui ne démesurées, un modèle que tous peuvent imiter, et de servir ainsi d'exemple et d'encouragement à la classe très-nombreuse qui occupe une place à-peu-près égale dans les rangs de la Société.

Quel censeur pourrait donc blâmer cet usage généralement adopté par les Sociétés disséminées sur la surface de la France, de consacrer quelques instans à la mémoire de ceux de leurs Membres dont elles pleurent la perte, et de louer en eux la vertu et les talens utiles qui ont un éclat moins éblouissant, mais une valeur aussi réelle que les hauts faits et la gloire ? N'avons-nous pas en effet plus besoin encore de citoyens utilement vertueux que de citoyens célèbres ?

Rarement j'en conviens, ces Sociétés auront à colorier des portraits historiques, mais elles se complairont toujours à tracer des portraits de famille, destinés à l'enceinte particulière où d'honorables souvenir les envi

ronnent, et où les regards de tous les spectateurs peuvent les reconnaître.

C'est à ces affections, bien respectables et pour ainsi dire domestiques, que Jacques Delille appliquait ces vers aussi vrais et touchans que profondément sentis :

Par-tout les cris du

sang,

et les larmes du cœur,

Les cités, les hameaux, les palais, les cabanes ; Tous ont leurs morts, leurs pleurs, leurs cercueils et leurs mânes.

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