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gée, et les agriculteurs laissés dans une sorte d'abandon, gémissant sous le joug de lois ou de coutumes oppressives, on n'avait pas cependant attendu à une époque aussi avancée que celle dont nous nous occupons aujourd'hui, pour sentir l'importance de l'art agricole. Sans aller chercher des exemples chez les peuples voisins, on peut voir à différentes époques la protection que plusieurs de nos Rois lui ont accordée. Henri iv rendant des édits favorables aux campagnes, formant ce vœu si connu et si paternel pour l'aisance et la prospérité du laboureur, et, pendant plusieurs mois, se faisant lire chaque jour les immortelles leçons d'Olivier de Serres sur l'art de cultiver nos champs, conférant de vive voix avec ce patriarche de l'agriculture, décernant dans l'Orléanois un épi d'or au laboureur dont le champ offrait la plus belle culture et la plus riche moisson donnait à l'agriculture de puissans encouragemens. Qui pourrait ignorer comme il fut puissamment secondé dans ses vues par son digne ministre Sully, qui tenait pour maxime et répétait souvent que pâture et labour sont les deux mamelles de l'Etat. »

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<Louis xv exemptant de toutes contributions, pendant plusieurs années, les terres nouvellement défrichées, facilitant par la multiplication et le perfectionnement des grandes routes l'échange réciproque de toutes les denrées du sol Français, favorisait l'agriculture et lui rendait de nouveaux terrains. Et de nos jours, quelle marque d'intérêt et de protection n'accorda pas au laboureur et à l'art agricole, le meilleur et le plus vertueux des Monarques, dont le nom ne se prononce qu'avec un saint attendrissement mêlé de respect, l'infortuné Louis xvI. Ici il abolissait dans tous ses domaines la servitude personnelle, fléau odieux de l'agriculture; là, il introduisait lui-même dans les forêts de Fontainebleau ces immenses plantations de nos sapins, qui sont aujourd'hui un objet d'admiration. C'est encore ce prince qui, à une autre époque, traita lui-même avec le roi d'Espagne, et en obtint la concession et l'introduction en France du beau troupeau de mérinos placé à Rambouillet, source première de notre prospérité en ce genre, qui, comme un fleuve bienfaisant, répandu ensuite dans di

verses parties de la France a porté par-tout avec lui la richesse et la fécondité. »

L'auteur, après avoir retracé rapidement les noms des écrivains et des agronomes distingués qui, par leurs écrits savans ou leurs travaux-pratiques ont bien mérité de la science agricole, signale à la reconnaissance publique la mémoire d'un ancien membre de la Société, M. Pinteville de Cernon, qui depuis de longues années donnait l'exemple, et qu'on peut regarder comme l'Olivier de Serres du département; il sut, dans un sol ingrat, créer et féconder un vaste domaine agricole, l'enrichir de beaux troupeaux, des en

par

grais considérables et de grandes plantations.

M. Moignon observe que ces exemples étaient rares, trop peu imités, et que l'agriculture n'était pas assez généralement en honneur. Il examine et développe ensuite les causes nombreuses qui depuis vingt à trente ans lui ont fait prendre un essor plus grand et plus général. Au nombre de ces causes il place les Sociétés d'agriculture: «Créées, dit-il, en même tems dans tous les départemens, elles donnèrent à-la-fois le précepte et l'exemple. Guidées par le flambeau de l'expérience, elles

publièrent les modes d'assolement les plus utiles, elles propagèrent les meilleures méthodes de culture, elles généralisèrent l'emploi des prairies artificielles : leurs livres ne furent pas toujours lus, mais les exemples utiles que donnèrent les membres de ces Sociétés savantes furent bientôt imités par le laboureur le plus esclave de la routine. »

Les causes que l'auteur assigne ayant dû exercer une influence générale, il pense que l'amélioration de l'agriculture a dû avoir lieu dans toutes les contrées de la France, avec les modifications apportées par les circonstances et les localités. Il se borne à examiner les progrès de l'agriculture dans le département de la Marne, dont il présente le résumé suivant :

< On observe que, dans diverses commu

nes,
des terrains jusqu'alors incultes et cou-
verts de ronces et d'épines sont aujourd'hui,
sillonnés par le soc de la charrue; ici on re-
marque une industrie plus active; là un
meilleur systême d'assolement; plus loin, l'in-
troduction des prairies artificielles, une aug-
mentation dans les troupeaux de gros bétail
et de bêtes à laines; ailleurs on se livre plus

Π

en grand qu'autrefois à l'éducation des abeil

dans

les, à la culture de la pomme de terre ; diverses communes la masse des anciens engrais est augmentée, leur emploi mieux-apprécié et utilisé; dans d'autres, des engrais nouveaux, plâtre et cendres fossiles sont introduits et couvrent de nombreuses prairies artificielles, les laines sont perfectionnées par le croisement des races des troupeaux de mérinos sont introduits et se multiplient, de nombreuses plantations de différens genres ont été exécutées et commencent à ombrager des terrains que la nature semblait avoir voués à une éternelle stérilité. Heureuse la Société d'avoir concouru à ces améliorations; heureuse d'avoir été puissamment secondée dans ses travaux par le premier Magistrat du département, auquel aucun genre de bien n'est étranger, qui dans des tems difficiles a empêché tant de mal, et qui fait depuis longtems les délices de ses administrés ! »

L'auteur ne dissimule point les maux qu'ont faits à l'agriculture du département les deux invasions dont il a été le théâtre, et l'épizootie qui les a suivies. Des plantations considérables ont été anéanties; de nombreux trou

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