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SÉANCE PUBLIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE,

COMMERCE, SCIENCES ET ARTS

DU DÉPARTEMENT DE LA MARNE, Tenue à Châlons, le 27 août 1824:

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DISCOURS prononcé à l'ouverture de la séance, par M. l'abbé BECQUEY, Vicaire-Général du diocèse de Châlons, Président annuel.

MESSIEURS,

CETTE Solennité académique que vous celebrez au milieu de la cité comme une Fête de famille, a pour objet d'accélérer la marche de l'esprit humain dans la carrière des arts utiles.

Vous vous êtes imposés cette tâche honorable, et vous là remplissez en répandant la lumière. Pour ent favoriser le progrès, vous annoncez avec éclat les découvertes nouvelles faites au profit de l'industrie agricole et commerciale à l'avantage des arts, des sciences et des lettres.

Lorsque vous déroulez devant le public le compte de vos travaux, vous mettez en quelque sorte à l'exposition le tableau de vos efforts et de vos conquêtes de l'année. L'œil de vos concitoyens reconnaissans s'y repose avec complaisance, et vous le soumettez ensuite à l'examen de l'Europe savante.

Aujourd'hui rien ne manque à vos vœux ; il me semble même que tout concourt dans cette réunion, non-seulement à l'embellir, mais encore à la rendre imposante.

Déjà vous comptez dans vos rangs des hommes éminens en dignité et en mérite, qui s'honorent d'être vos émules, quand vous-mêmes vous les honorez comme vos protecteurs et vos modèles.

En ce moment aussi, vos regards satisfaits aperçoivent de toute part, dans cette enceinte, les amis les plus dévoués de la Religion et du Roi, de la France et de sa gloire.

Les sentimens les plus nobles les ont rassemblés sous votre bannière, leur présence qui vous les exprime répond à votre attente; cette présence m'en

courage.

J'oserai, devant l'élite d'une ville connue dans l'histoire par sa fidélité aux doctrines religieuses et monarchiques, donner l'essor à mes pensées sur un sujet majestueux dans sa cause, et précieux à l'humanité dans ses effets.

Je vais offrir aux sages de mon pays le fruit de mes méditations sur l'Architecture sacrée. Le projet est nouveau, il est d'une exécution difficile; mais, Messieurs, lorsque, sous vos auspices, j'essaie de louer l'art par excellence, cette entreprise ne peut être sans quelque gloire, fût-elle même téméraire.

Je définis l'Architecture sacrée, l'art de bâtir avec magnificence en l'honneur de Dieu, dans le besoin de l'homme.

Si je la considère à son origine et dans ses progrès, je reconnais qu'elle doit sa naissance à de grandes causes morales et sociales, et son perfectionnement aux efforts réunis des arts libéraux et mécaniques.

L'ingénieuse nécessité apprit d'abord à nos premiers parens à s'emparer des ressources que leur présentait la terre natale et le sol hospitalier, pour se créer des abris contre l'inclémence de l'air, contre les attaques de l'animal féroce et du reptile venimeux.

Mais, en se multipliant, les enfans des hommes formaient des familles. La plupart des membres de ces familles, doués de l'esprit d'observation, contemplaient, avec ravissement le spectacle que le ciel et la terre étalent le jour et la nuit avec tant de régularité et de

pompe.

Leur imagination étonnée demandait compte à leur raison de cette admirable succession de prodiges, et aussitôt la première des vérités descendue des cieux pour éclairer l'homme à son entrée dans le monde, apparaissait à leur esprit.

Elle envahissait toutes les facultés de l'ame; elle pénétrait le fond des cœurs, cette inévitable pensće que les phénomènes du firmament, de la nature et de la vie, sont des créations continuelles de la volonté d'une intelligence infinie à laquelle appartient l'empire de l'univers.

C'est de ce principe, dont la racine est dans l'éternité, qui a précédé les sociétés, qui les aggrège, et n'a jamais vieilli avec elles; c'est d'une idée si chère à notre raison et en même temps si féconde, qu'est née l'Architecture sacrée.

Le code le plus ancien des annales du genre humain nous en a transmis la preuve.

Nous y lisons que les Patriarches, entourés de leurs nombreuses familles, érigeaient des monumens pieux, dressaient des autels, répandaient l'huile et les parfums

sur la pierre, et la dédiaient à l'Étre invisible dont les cieux racontent la gloire, et qui publie lui-même ses perfections dans les merveilles dont il a rempli la plus petite de ses œuvres.

C'est donc aux époques les plus reculées de l'histoire que remonte l'art de bâtir, en témoignage de la toute-puissance de Dieu et de l'humble reconnaissance de l'homme.

Sans doute les premières constructions de ces peuples pasteurs et nomades, ne présentaient que des forines grossières et agrestes, que les essais de l'enfance d'un art qui cependant ennoblissait son berceau, en consacrant à la Divinité les prémices de ses efforts.

Aussi je me hâte de reporter vos regards sur les âges du monde où la religion, en enseignant la sagesse aux multitudes, les réunissait en corps de nation, et les agglomérait dans les cités.

Son influence alors a été prodigieuse; elle a fouillé dans les profondeurs du cœur humain, pour y poser les fondemens de la civilisation générale.

Elle a disséminé ses préceptes, et leur vertu électrique et attractive a remué le monde; elle a fécondé le génie; elle a fait éclore tous les germes du talent; et comme sa force est ascendante, elle a progressivement élevé l'industrie, les sciences et les arts vers Dieu, leur cause sublime.

L'Architecture, ainsi devenue l'élève de la religion, s'est montrée bientôt la rivale de la nature; elle a voulu décorer aussi la surface de la terre; elle a magnifiquement élancé comme elle ses œuvres vers le Ciel. En effet, de combien d'édifices religieux l'antiquité, dans ses fastes, nous a décrit la noble structure! L'imagination conçoit à peine l'effet de leurs majestueuses proportions. La main de l'homme est si faible et la beauté de ces monumens était si surpre

nante! Il en est que leur siècle a placés au nombre des merveilles du monde; il en est aussi dont les débris pompeux et savans étonnent et instruisent encore le nôtre.

Cependant, je n'arrêterai point votre attention sur les temples que les nations idolâtres ont bâtis, à grands frais, pour honorer leurs divinités fantastiques; considérons-les pourtant comme d'illustres témoins qui attestent que, dans les égaremens niême de sa raison, l'homme est dominé par le besoin invincible de rattacher ses destinées à une puissance surnaturelle et céleste, par le sentiment profond de sa faiblesse et de sa dépendance.

J'ai réservé toute votre admiration pour le temple célèbre que l'Architecture, inspirée par la religion, a élevé dans Jérusalem, au Dieu vivant et véritable. La simple énumération des matériaux et des bras employés à l'érection de ce monument fameux, est d'une éloquence ravissante.

On voit le chêne et le cèdre descendre des montagnes du Liban; la mer écumer sous le poids des marbres de Paros, et des flottes sans nombre apporter l'or d'Ophir et les métaux les plus purs des îles de

Tharsis.

On voit de toute part la nature empressée d'offrir ses rares productions à l'art par excellence qui entreprenait un chef-d'œuvre le talent l'a porté au sommet de la perfection, et le Très-Haut lui-même l'a couronné; il a daigné le couvrir et le combler de sa gloire.

Si je suivais l'Architecture sacrée dans son accroissement et dans ses périodes, je la présenterais en Egypte et dans l'Arabie, mâle et imposante comme les grands tableaux de la nature; en Grèce, savante, harmonieuse et sublime; au midi de l'Europe, simple, mais animée; et dans le nord, sauvage et sévère jus

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