indéfinie. Ces mêmes hommes, si jaloux de la liberté, vont partout prônant et vantant sans mesure les beautés neuves que les étrangers doivent, selon eux, à leur mépris pour les règles. Ils nous exhortent à les ́ imiter, à les transporter dans notre littérature, jusquelà terne, froide et timide. Eux-mêmes, dans leurs écrits, nous donnent l'exemple de ces imitations qui doivent, si on les en croit, nous enrichir. C'est ainsi, Messieurs, que de nos jours on veut livrer l'empire des arts à la licence, nous inspirer la passion aveugle des innovations, et ravaler notre gloire littéraire pour établir le règne d'une nouvelle littérature. Quoique le goût public soit fortement menacé par d'imprudens novateurs, nous ne devons pas désespé rer de notre gloire littéraire, l'ame vive du Français peut s'ouvrir à l'enthousiasme des nouveautés, mais le faux ne peut prendre racine parmi nous, et notre délicatesse nous ramène bientôt dans le vrai. Aussi, il m'est doux de le reconnaître, si les saines doctrines sont vivement attaquées, elles ont d'illustres défenseurs. Oui, Messieurs, il est encore parmi nous des hommes qui, fidèles aux anciennes traditions, savent donner à leur style de la force sans enflûre, de la délicatesse sans affectation, exciter le sentiment par l'expression même du sentiment, sans accumuler les catastrophes, sans renoncer à cette simplicité si justement chérie de nos pères, et qui, habiles à discerner les changemens que doivent apporter à notre littérature des mœurs et des institutions nouvelles, la rendent plus grave, plus utile, plus nationale. Qu'estil besoin de les désigner? Ils sont placés ou se placeront un jour à la tête de notre moderne littérature. Je sens, Messieurs, qu'il ne convient ni à mon âge ni à mon inexpérience de donner des conseils, de distribuer la louange ou le blâme. Mais si j'étais approuvé par vous, par l'Ami des arts qui préside à cette solennité, et qui, par reconnaissance pour les lettres, charmes des courts loisirs que lui laisse une administration vaste et pénible, protège les littérateurs ; alors, fort de toute votre autorité, et devenu votre interprète, je dirais : O vous! contempteurs des règles du goût, qui vous êtes témérairement engagés dans la carrière des innovations, rentrez en vous-mêmes, et quittez de funestes erreurs. C'est en respectant les principes que nous nous sommes élevés audessus des autres nations; c'est en méprisant ces principes qu'elles se sont égarées. Renoncez à ce fol enthousiasme que vous inspirent les grands hommes étrangers; admirez leur génie et condamnez leur goût; soyez justes envers eux ; ce sentiment ne peut coûter à des français. Nous sommes trop riches pour être jaloux. Mais cessez de les imiter, parce qu'ils ont écrit pour des peuples dont le caractère diffère trop du nôtre. Pour vous, écrivains que les siècles précédens n'auraient pas désavoués ; vous, surtout, jeunes auteurs, qui nous donnez plus que des espérances, suivez la carrière où vous êtes entrés elle seule mène à la gloire. Vos succès passés vous répondent de la reconnaissance future de votre patrie. Déjà elle vous prépare ces couronnes qui ont ceint le front de nos grands hommes; conservez la pureté de votre goût, la vivacité de votre imagination, la délicatesse de vos sentimens ; ainsi par vous fleurira toujours notre gloire; ainsi le laurier d'Apollon couvrira éternellement de son ombre le beau sol de notre France. LA FABLE ET L'HISTOIRE. Pav M. Ch. Pein. L'ANTIQUITÉ, dans ses brillans mensonges, Le sentiment avait créé l'erreur Tout s'animait; une pierre, une fleur, Ce fleuve errant aux champs de Syracuse, Nobles rameaux qui couronnez la gloire, Ainsi la Fable enchantait les erreurs ; Les Dieux moins fiers, ou peut-être les hommes Aux gens obscurs. Ainsi l'humanité Put devenir capable de produire Tous les trésors de la Mythologie; Mais l'âge vient; le cœur désenchanté Dans ce recueil des humaines misères Je suis exact, je n'ai rien inventé, Et le récit de ma muse naïve Ce peuple-roi, ces Romains si vantés, Pauvres des arts, riches de libertés, Ornaient leur culte et ses solennités En y mêlant la danse et la musique. Les baladins, qu'un emploi glorieux Associait aux louanges des dieux, Étaient payés par la caisse publique. Mais aux grands jours, en ces temps solennels, Où le service était plus qu'ordinaire, Ils recevaient pardessus leur salaire Un supplément en vin, en bonne chère, Tributs pieux de la foi des mortels. Ce supplément n'était que volontaire, Mais par le temps déjà bien cimenté. Comme d'un droit à l'abri des atteintes. Il avait fait mainte réforme utile, |