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moine des églises ayant été formé par des conceffions particulieres, & une efpece de dérogation à l'ordre établi, il falloit des chartres pour cela; au lieu que les conceffions faites aux leudes étant des conféquences de l'ordre politique, on n'avoit pas befoin d'avoir, & encore moins de conferver une chartre particuliere. Souvent même les rois fe contentoient de faire une fimple tradition par le fceptre, comme il paroît par la vie de S. Maur.

Mais la troisieme formule (a) de Marculfe nous prouve affez que le privilege d'immunité, & par conféquent celui de la juftice, étoient communs aux eccléfiaftiques & aux féculiers, puifqu'elle eft faite pour les uns & pour les autres. Il en eft de même de la constitution de Clotaire II. (b)

(a) Liv. I. Maximum regni noftri augere credimus monimentum, fi beneficia opportuna locis ecclefiarum, aut cui volueris dicere, bonivolá deliberatione concedi

mus.

(8)Je l'ai citée dans le chapitre précédent : Epifcopi vel potentes.

CHAPITRE

XXIII.

Idée générale du livre de l'établiffement de la monarchie Françoife dans les Gaules, par M. l'Abbé DUBOS.

L eft bon qu'avant de finir ce livre, j'examine un peu l'ouvrage de M. l'abbé Dubos, parce que mes idées font perpétuellement contraires aux fiennes; & que, s'il a trouvé la vérité, je ne l'ai pas trouvée.

Cet ouvrage a féduit beaucoup de gens, parce qu'il eft écrit avec beaucoup d'art; parce qu'on y fuppofe éternellement ce qui eft en question; parce que plus on y manque de preuves, plus on y multiplie les probabilités; parce qu'une infinité de conjectures font mifes en principe, & qu'on en tire comme conféquences d'autres conjectures. Le lecteur oublie qu'il a douté, pour commencer à croire. Et comme une éru dition fans fin eft placée, non pas dans le fyftême, mais à côté du fyftême, Pefprit eft diftrait par des acceffoires, & ne s'occupe plus du principal. D'ailleurs, tant de recherches ne permettent

pas d'imaginer qu'on n'ait rien trouvé; la longueur du voyage fait croire qu'on eft enfin arrivé.

Mais, quand on examine bien, on trouve un coloffe immenfe qui a des pieds d'argile; & c'est parce que les pieds font d'argile, que le coloffe eft immenfe. Si le fyftême de M. l'abbé Dubos avoit eu de bons fondemens il n'auroit pas été obligé de faire trois mortels volumes pour le prouver; il auroit tout trouvé dans fon fujet; &, fans aller chercher de toutes parts ce qui en étoit très-loin, la raifon ellemême se seroit chargée de placer cette vérité dans la chaîne des autres vérités. L'hiftoire & nos lois lui auroient dit: Ne prenez pas tant de peine : nous » rendrons témoignage de vous.»

CHAPITRE XXIV.

Continuation du même fujet. Réflexion fur le fond du fyfiême.

M

'ONSIEUR l'abbé Dubos veut ôter toute espece d'idée que les Francs foient entrés dans les Gaules en con

quérans :

quérans: felon lui, nos rois, appellés par les peuples, n'ont fait que fe mettre à la place, & fuccéder aux droits des empereurs Romains.

Cette prétention ne peut pas s'appli quer au temps où Clovis, entrant dans les Gaules, faccagea & prit les villes ; elle ne peut pas s'appliquer non plus au temps où il défit Syagrius, officier Romain, & conquit le pays qu'il tenoit: elle ne peut donc fe rapporter qu'à celui où Clovis, devenu maître d'une grande partie des Gaules par la violence, auroit été appellé, par le choix & l'amour des peuples, à la domination du refte du pays. Et il ne fuffit pas que Clovis ait été reçu, il faut qu'il ait été appellé; il faut que M. l'abbé Dubos prouve que les peuples ont mieux aimé vivre fous la domination de Clovis, que de vivre fous la domination des Romains ou fous leurs propres lois. Or les Romains de cette partie des Gaules qui n'avoit point encore été envahie par les barbares, étoient, felon M. l'abbé Dubos, de deux fortes; les uns étoient de la confédération Armorique, & avoient chaffé les officiers de l'empeTome IV. E

reur

fe défendre eux-mêmes pour " contre les barbares, & fe gouverner par leurs propres lois; les autres obéiffoient aux officiers Romains. Or M. l'abbé Dubos prouve-t-il que les Romains qui étoient encore foumis à l'empire, ayent appellé Clovis? point du tout. Prouve-t-il que la république des Armoriques ait appellé Clovis, & fait même quelque traité avec lui? point du tout encore. Bien loin qu'il puiffe nous dire quelle fut la deftinée de cette république, il n'en fauroit pas même montrer l'existence; & quoiqu'il la fuive depuis le temps d'Honorius jufqu'à la conquête de Clovis, quoiqu'il y rapporte avec un art admirable tous les événemens de ces temps-là, elle eft reftée invifible dans les auteurs. Car

il

y a bien de la différence entre prouver, par un paffage de Zozime (a), que, fous l'empire d'Honorius, la contrée Armorique (b) & les autres provinces des Gaules fe révolterent & formerent une espece de république ; & faire voir que, malgré les diverfes pacifications

(a) Hift. liv. VI.

(b) Totufque tractus Armoricus, aliæque Galliarum provincia. Ibid.

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