Page images
PDF
EPUB

de la race ducale, & on choififfoit le duc parmi eux ; ils avoient une compofition quadruple. La compofition pour le duc excédoit d'un tiers celle qui étoit établie pour les Agilolfingues. «Parce » qu'il est duc, dit la loi, on lui rend un » plus grand honneur qu'à fes parens. »

Toutes ces compofitions étoient fixées à prix d'argent. Mais comme ces peuples, fur-tout pendant qu'ils fe tinrent dans la Germanie, n'en avoient guere; on pouvoit donner du bétail du blé, des meubles, des armes, des chiens, des oifeaux de chaffe, des terres (a), &c. Souvent même la loi (6) fixoit la valeur de ces chofes; ce qui explique comment, avec fi peu d'argent, il y eut chez eux tant de peines pécuniaires.

Ces lois s'attacherent donc à marquer avec précifion la différence des torts, des injures, des crimes, afin que

(a) Ainfi la loi d'Ina eftimoit la vie une certaine fomme d'argent, ou une certaine portion de terre. Leges Ina regis, titulo de villico regio, de prifcis Anglorum Legibus. Cambridge, 1644.

(b) Voyez la loi des Saxons, qui fait même cette fixation pour plufieurs peuples, chap. xvIII. Voyez auffi la loi des Ripuaires, tit. 36, §. 11; la loi des Bavarois, tit. 1, §. 10 & 11. Si aurum non habet, donet aliam pecuniam, mancipia, terram, &c.

i

chacun connût au jufte jufqu'à quel point il étoit léfé ou offenfé; qu'il fût exactement la réparation qu'il devoit recevoir, & fur-tout qu'il n'en devoit pas recevoir davantage.

Dans ce point de vue, on conçoit que celui qui fe vengeoit après avoir reçu la fatisfaction commettoit un

grand crime. Ce crime ne contenoit pas moins une offenfe publique qu'une offenfe particuliere : c'étoit un mépris de la loi même. C'eft ce crime que les légiflateurs (a) ne manquerent pas de punir.

Il y avoit un autre crime qui fut furtout regardé comme dangereux (b) lorfque ces peuples perdirent dans le gouvernement civil quelque chofe de leur efprit d'indépendance, & que les rois

s'attacherent à mettre dans l'état une meilleure police; ce crime étoit de ne

(a) Voyez la loi des Lombards, liv. I, tit. 25. §. 21; ibid. liv. I, tit. 9, §. 8 & 34; ibid. §. 38; & le capitul de Charlemagne, de l'an 802, ch. xxx11, contenant une instruction donnée à ceux qu'il envoyoit dans les provinces.

(b) Voyez dans Grégoire de Tours, liv. VII, chapitre XLVII, le détail d'un procès où une partie perd la moitié de la compofition qui lui avoit été adjugée pour s'être fait juftice elle-même, au lieu de recevoir la fatisfaction, quelques excès qu'elle eût fouffert depuis.

vouloir point faire, ou de ne vouloir pas recevoir la fatisfaction. Nous voyons, dans divers codes des lois des barbares, que les légiflateurs (a) y obligeoient. En effet, celui qui refufoit de recevoir la fatisfaction, vouloit conferver fon droit de vengeance; celui qui refufoit de la faire, laiffoit à l'offenfé fon droit de vengeance : & c'est ce que les gens fages avoient réformé dans les inftitutions des Germains, qui invitoient à la compofition, mais n'y obligeoient pas.

Je viens de parler d'un texte de la loi falique, où le légiflateur laiffoit à la liberté de l'offenfé de recevoir ou de ne recevoir pas la fatisfaction; c'eft cette loi (b) qui interdifoit à celui qui avoit dépouillé un cadavre le commerce des hommes, jufqu'à ce que les parens, acceptant la fatisfaction, euffent demandé

(a) Voyez la loi des Saxons, ch. III, §. 4; la loi des Lombards, liv. I, tit. 37, §. 1 & 2 ; & la loi des Allemands, tit. 45, §. 1 & 2. Cette derniere loi permettoit de fe faire juftice foi-même, fur le champ & dans le premier mouvement. Voyez auffi les capitulaires de Charlemagne, de l'an 779, ch. xx11; de l'an 802, chap. xxx11; & celui du même de l'an 805, chap. v.

(b) Les compilateurs des lois des Ripuaires pa piffent avoir modifié ceci. Voyez le titre 85 de ces lois.

qu'il pût vivre parmi les hommes. Le respect pour les chofes faintes fit que ceux qui rédigerent les lois faliques ne toucherent point à l'ancien ufage.

Il auroit été injufte d'accorder une compofition aux parens d'un voleur tué dans l'action du vol, ou à ceux d'une femme qui avoit été renvoyée après une féparation pour crime d'adultere. La loi des Bavarois (a) ne donnoit point de compofition dans des cas pareils, & pu niffoit les parens qui en pourfuivoient la vengeance.

1

Il n'eft pas rare de trouver dans les codes des lois des barbares, des compofitions pour des actions involontaires. La loi des Lombards eft prefque toujours fenfée; elle vouloit (b) que, dans ce cas, on composât fuivant fa générofité, & que les parens ne puffent plus pourfuivre la vengeance.

Clotaire II. fit un décret très-fage : il défendit (c) à celui qui avoit été volé de recevoir fa compofition en fecret, &

(a) Voyez le décret de Taffillon, de popularibus legibus, art. 3, 4, 10, 16, 19; la loi des Angles, tit. 7, §. 4.

(b) Liv. I, tit. 9, §. 4.

(c) Pactus pro tenore pacis inter Childebertum & Clotarium, anno 593; & decretio Clotarii II, regis circa annum 593, ch. XI.

fans l'ordonnance du juge. On va voir tout à l'heure le motif de cette loi.

CHAPITRE

X X.

De ce que l'on a appellé depuis la juftice des feigneurs.

[ocr errors]

UTRE la compofition qu'on devoit payer aux parens pour les meurtres, les torts & les injures, il falloit encore payer un certain droit que les codes des lois des barbares appellent fredum (a). J'en parlerai beaucoup; & pour en donner l'idée, je dirai que c'eft la récompenfe de la protection accordée contre le droit de vengeance. Encore aujourd'hui, dans la langue Suédoife, fred veut dire la paix.

Chez ces nations violentes, rendre la juftice n'étoit autre chofe qu'accorder, à celui qui avoit fait une offenfe, fa protection contre la vengeance de celui qui l'avoit reçue; & obliger ce dernier à recevoir la fatisfaction qui lui

(a) Lorfque la loi ne le fixoit pas, il étoit ordinairement le tiers de ce qu'on donnoit pour la compofition, comme il paroît dans la loi des Ripuaires, ch. Lxxxix, qui eft expliquée par le troifieme capitulaire de l'an 813, édit, de Baluze, tome I, page 512.

« PreviousContinue »