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ceux qui fe recommandoient pour un fief, mais de ceux qui changeoient leur aleu en fief, & fortoient, pour ainfi dire, de la juridiction civile, pour entrer dans la puiffance du roi, ou du feigneur qu'ils vouloient choisir.

Ainfi ceux qui étoient autrefois nuement fous la puiffance du roi, en qualité d'hommes libres fous le comte, devinrent infenfiblement vaffaux les uns des autres; puifque chaque homme libre pouvoit choifir pour feigneur qui il vouloit, ou du roi, ou des autres feigneurs.

2°. Qu'un homme changeant en fief une terre qu'il poffédoit à perpétuité, ces nouveaux fiefs ne pouvoient plus être à vie. Auffi voyons-nous, un moment après, une loi générale (a) pour donner les fiefs aux enfans du poffeffeur elle eft de Charles le chauve, un des trois princes qui contracterent.

Ce que j'ai dit de la liberté qu'eurent tous les hommes de la monarchie depuis le traité des trois freres, de choifir pour feigneur qui ils vouloient, du

(4) Capitulaire de l'an 877, tit. 53, art. 9 & 10, apud Carifiacum: Similiter & de noftris vafallis faciendum eft, &c. Ce capitulaire fe rapporte à un autre de la même année & du même lieu, art. 3.

roi ou des autres feigneurs, fe confirme par les actes paffés depuis ce temps-là.

Du temps de Charlemagne (a), lorfqu'un vaffal avoit reçu d'un feigneur -une chofe, ne valût-elle qu'un fou, il ne pouvoit plus le quitter. Mais, fous Charles le chauve, les vaffaux (b) purent impunément fuivre leurs intérêts ou leur caprice : & ce prince s'exprime fi fortement là-deffus, qu'il femble plutôt les inviter à jouir de cette liberté, qu'â la reftreindre. Du temps de Charlemagne, les bénéfices étoient plus perfonnels que réels; dans la fuite, ils devin rent plus réels que perfonnels.

(a) Capitulaire d'Aix-la-Chapelle, de l'an 813, art. 16. Quod nullus feniorem fuum dimittat, poftquàm ab eo acceperit valente folidum unum. Et le capitulaire de Pépin, de l'an 783, art. 5.

(b) Voyez le capitulaire de Carifiaco, de l'an 856, art. 10 & 13, édit. de Baluze, tome II, p. 83, dans lequel le roi & les feigneurs eccléfiaftiques & laïques convinrent de ceci : Et fi aliquis de vobis fit cui fuus fenioratus non placet, & illi fimulat ad alium feniorem meliùs quàm ad illum acaptare poffit, veniat ad illum, & ipfe tranquille & pacifico animo donat illi commea tum.... &quod Deus illi cupierit ad alium feniorem. acaptare potuerit, pacificè habeat.

CHAPITRE XXVI. {

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Changement dans les fiefs. 1

L n'arriva pas de moindres changemens dans les fiefs que dans les aleux. On voit, par le capitulaire (a) de Compiegne, fait fous le roi Pépin, que ceux à qui le roi donnoit un bénéfice donnoient eux-mêmes une partie de ce bénéfice à divers vaffaux; mais ces parties n'étoient point diftinguées du tout. Le roi les ôtoit, lorfqu'il ôtoit le tout; &, à la mort du leude, le vaffal perdoit auffi fon arriere fief: un nouveau bénéficiaire venoit, qui établiffoit auffi de nouveaux arriere-vaffaux. Ainfi l'arrierefief ne dépendoit point du fief; c'étoit la perfonne qui dépendoit. D'un côté, l'arriere-vaffal revenoit au roi, parce qu'il n'étoit pas attaché pour toujours au vaffal; & l'arriere fiefrevenoit de même au roi, parce qu'il étoit le fief même & non pas une dépendance du fief.

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Tel étoit l'arriere vaffelage, lorfque les fiefs étoient amovibles; tel il étoit encore, pendant que les fiefs furent à

(a) De l'an 757, art. 6, édit. de Baluze, p. 181.

vie. Cela changea, lorfque les fiefs pafferent aux héritiers, & que les arriere fiefs y pafferent de même. Ce qui relevoit du roi immédiatement n'en releva plus que médiatement; & la puiffance royale fe trouva, pour ainfi dire reculée d'un degré, quelquefois de deux, & fouvent davantage.

On voit, dans les livres des fiefs (a), que, quoique les vaffaux du roi puffent donner en fief, c'eft-à-dire en arrierefief du roi, cependant ces arriere-vaffaux ou petits vavaffeurs ne pouvoient pas de même donner en fief; de forte que ce qu'ils avoient donné, ils pouvoient toujours le reprendre. D'ailleurs, une telle conceffion ne paffoit point aux enfans comme les fiefs, parce qu'elle n'étoit point cenfée faite felon la loi des fiefs.

Si l'on compare l'état où étoit l'arrierevaffelage, du temps que les deux féna teurs de Milan écrivoient ces livres avec celui où il étoit du temps du roi Pépin, on trouvera que les arriere-fiefs conferverent plus long-temps leur nature primitive, que les fiefs.

(a) Liv. I, chap. 1.

(b) Au moins en Italie & en Allemagne.

Mais, lorfque ces fénateurs écrivirent, on avoit mis des exceptions fi générales à cette regle, qu'elles l'avoient presque anéantie. Car fi celui qui avoit reçu un fief du petit vavaffeur l'avoit fuivi à Rome dans une expédition, il acquéroit tous les droits de vaffal (a): de même, s'il avoit donné de l'argent au petit vavaffeur pour obtenir le fief, celui-ci ne pouvoit le lui ôter, ni l'empêcher de le transmettre à son fils, jusqu'à ce qu'il lui eût rendu fon argent. Enfin, cette regle n'étoit plus fuivie dans le fénat de Milan (6).

(a) Liv. 1: des fiefs, chap. 1. (b) Ibid.

CHAPITRE XXVII. Autre changement arrivé dans les fiefs.

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U temps de Charlemagne (c), on étoit obligé, fous de grandes peines, de fe rendre à la convocation, pour quelque guerre que ce fut; on ne recevoit point d'excufes; & le comte qui auroit exempté quelqu'un, auroit

(c) Capitulaire de l'an So2, art. 7, édit. de Buluze j page 365

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