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Les trois freres, Lothaire, Louis & Char les, chercherent chacun de leur côté, à attirer les grands dans leur parti, & à fe faire des créatures. Ils donnerent, à ceux qui voulurent les fuivre, des préceptions des biens de l'églife; & pour gagner la nobleffe, ils lui livrerent le clergé.

On voit, dans les capitulaires (a), que ces princes furent obligés de céder à l'importunité des demandes, & qu'on leur arracha fouvent ce qu'ils n'auroient pas voulu donner: on y voit que le clergé fe croyoit plus opprimé par la nobleffe que par les rois. Il paroît en'core que Charles le chauve (b) fut celui

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(a) Voyez le fynode de l'an 845, apud Teudonis villam, art. 3 & 4, qui décrit très bien l'état des chofes ; auffi bien que celui de la même année tenu au palais de Vernes, art. 12; & le fynode de Beauvais, encore de la même année, art. 3, 4 & 6; & le capitulaire in villá Sparnaco, de l'an 846, art. 20 ; & la lettre que les évêques affemblés à Rheims écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8.

(b) Voyez le capitulaire ia villá Sparnaco, de l'an 846. La nobleffe avoit irrité le roi contre les évêques, de forte qu'il les chaffa de l'affemblée; on cheifit quelques canons des fynodes, & on leur déclara que ce feroient les feuls qu'on obferveroit; on ne leur accorda que ce qu'il étoit impoffible de leur refuser. Voyez les articles 20, 21 & 22. Voyez auffi la lettre que les évêques affemblés écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8; & l'édit de Piftes, de l'an 864, art. 5.

qui attaqua le plus le patrimoine du clergé; foit qu'il fût le plus irrité contre lui, parce qu'il avoit dégradé fon pere à fon occafion; foit qu'il fût le plus timide. Quoi qu'il en foit, on voit dans les capitulaires (a) des querelles continuelles entre le clergé qui demandoit fes biens, & la nobleffe qui refusoit qui éludoit, ou qui différoit de les rendre; & les rois entre deux.

C'est un spectacle digne de pitié, de voir l'état des chofes en ces temps-là. Pendant que Louis le débonnaire faifoit aux églifes des dons immenfes de fes domaines, fes enfans diftribuoient les biens du clergé aux laïques. Souvent la même main qui fondoit des abbayes nouvelles, dépouilloit les anciennes. Le clergé n'avoit point un état fixe.

(a) Voyez le même capitulaire de l'an 846, in villá Sparnaco. Voyez auffi le capitulaire de l'affemblée tenue apud Marfnam, de l'an 847, art. 4, dans laquelle le Clergé fe retrancha à demander qu'on le remit en poffeffion de tout ce dont il avoit joui fous le regne de Louis le débonnaire. Voyez auffi le capitulaire de l'an 851, apud Marfnam, art. 6 & 7, qui maintient la nobleffe & le clergé dans leurs poffeffions: & celui apud Bonoilum, de l'an 856, qui eft une remontrance des évêques au roi, fur ce que les maux après tant de lois faites, n'avoient pas été réparés: & enfin la lettre que les évêques affemblés à Rheims écrivirent, l'an 858, à Louis le Germanique, art. 8,

On lui ôtoit; il regagnoit : mais la couronne perdoit toujours.

Vers la fin du regne de Charles le chauve, & depuis ce regne, il ne fut plus guere queftion des démêlés du clergé & des laïques fur la reftitution des biens de l'églife. Les évêques jeterent bien encore quelques foupirs dans leurs remontrances à Charles le chauve, que l'on trouve dans le capitulaire de l'an 856, & dans la lettre (a) qu'ils écrivirent à Louis le Germanique l'an 858: mais ils propofoient des chofes, & ils réclamoient des promeffes tant de fois éludées, que l'on voit qu'ils n'avoient aucune espérance de les obtenir.

Il ne fut plus queftion (b) que de réparer en général les torts faits dans l'églife & dans l'état. Les rois s'engageoient de ne point ôter aux leudes leurs hommes libres, & de ne plus donner les biens eccléfiaftiques par des préceptions (c); de forte que le clergé & la nobleffe parurent s'unir d'intérêts.

(a) Article 8.

(b) Voyez le capitulaire de l'an 851, art. 6 & 7. (c) Charles le chauve, dans le fynode de Soiffons, dit, qu'il avoit promis aux évêques de ne plus donner de préceptions des biens de l'Eglife ». Capitulaire de l'an 853, art. 11, édit, de Baluze, tome II, p. 56,

Les étranges ravages des Normands, comme j'ai dit, contribuerent beaucoup à mettre fin à ces querelles.

Les rois tous les jours moins accrédités, & par les caufes que j'ai dites & par celles que je dirai, crurent n'avoir d'autre parti à prendre que de fe mettre entre les mains des eccléfiaftiques. Mais le clergé avoit affoibli les rois, & les rois avoient affoibli le clergé.

En vain Charles le chauve & fes fucceffeurs appellerent-ils le clergé (a) pour foutenir l'état, & en empêcher la chute; en vain se fervirent-ils (b) du refpect que les peuples avoient pour ce corps,

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(a) Voyez dans Nitard, liv. IV, comment, après la fuite de Lothaire, les rois Louis & Charles confulterent les évêques, pour favoir s'ils pourroient prendre & partager le royaume qu'il avoit abandonné. En effet, comme les évêques formoient entr'eux un corps plus uni que les leudes, il convenoit à ces prin.ces d'affurer leurs droits par une réfolution des évêques, qui pourroient engager tous les autres feigneurs "à les fuivre.

(b) Voyez le capitulaire de Charles le chauve, apud Saponarias, de l'an 859, art. 3. « Venlon, que j'a"vois fait archevêque de Sens, m'a facré; & je ne » devois être chaffé du royaume par perfonne, faltem » fine audientiâ, & judicio epifcoporum, quorum minifterio in regem fum confecratus, & qui chroni Dei funt dicti, in quibus Deus fedet, & per quos fua decernit judicia; quorum paternis correctionibus & » cafligatoriis judiciis me fubdere fui paratus, & in præfenti fum fubditus.

pour

pour maintenir celui qu'on devoit avoir pour eux; en vain chercherent-ils à› donner de l'autorité à leurs lois par. l'autorité des canons (a); en vain joignirent-ils les peines eccléfiaftiques aux peines civiles (6); en vain, pour contrebalancer l'autorité du comte, donnerent-ils à chaque évêque la qualité de leur envoyé dans les provinces (c): il fut impoffible au clergé de réparer le : mal qu'il avoit fait; & un étrange malheur, dont je parlerai bientôt, fit tomber la couronne à terre.

CHAPITRE XXIV. Que les hommes libres furent rendus capa bles de poffeder des fiefs.

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'AI dit que les hommes libres alloient

à la guerre fous leur comte, & les vaffaux fous leur feigneur. Cela faifoit que les ordres de l'état fe balançoient

(4) Voyez le capitulaire de Charles le chauve, de Carifiaco, de l'an 857, édit. de Baluze, tome II, p. 88. ' art. 1, 2, 3, 4 & 7.

(b) Voyez le fynode de Piftes, de l'an 862, art 4; & le capitulaire de Carloman & de Louis II, apud Vernis Palatium", de l'an 883, art. 4 & 5.

(c) Capitulaire de l'an 876, fous Charles le chauve, in fynodo Pontigonenfi, édit, de Baluze, art. 12.

Tome IV.

I

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