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rellement le bien, & pour tout dire! enfin, le filside Charlemagne, put avoir des ennemis i nombreux (a), fi violens, fi irréconciliables, fi ardens à l'offenfer, fi infolens dans fon humiliation, fi déterminés à le perdre: Et ils l'auroient perdu deux fois fans retour, fi fes enfans, dans le fond plus honnêtes gens qu'eux, euffent pu fuivre un projet & convenir de quelque chofe.

CHAPITRE

LA

2

X X I.

Continuation du même sujet.

A force que Charlemagne avoit mife dans la nation fubfifta affez fous Louis le débonnaire, pour que l'état pût fe maintenir dans fa grandeur, & être refpecté des étrangers. Le prince avoit l'efprit foible; mais la nation étoit guerriere. L'autorité fe perdoit au-dedans, fans que la puiffance parût diminuer au dehors.

Charles Martel, Pépin & Charlemagne gouvernerent l'un après l'autre la

(4) Voyez le procès-verbal de fa dégradation, dans le recueil de Duchesne, tome II. p. 331. Voyez auffi fa vie écrite par Tégan. Tanto enim odio laborabant, ut tæderet eos vitâ ipfius, dit l'auteur incertain, daas Duchejne, tome II, p. 307.

monarchie. Le premier flatta l'avarice des gens de guerre: les deux autres celle du clergé; Louis le débonnaire mécontenta tous les deux.

Dans la conftitution Françoife, le roi, la nobleffe & le clergé avoient dans leurs mains toute la puiffance de l'état. Charles Martel, Pépin & Charlemagne, fe joignirent quelquefois d'intérêts avec l'une des deux parties pour contenir l'autre, & prefque toujours avec toutes les deux : mais Louis le débonnaire détacha de lui l'un & l'autre de ces corps. Il indifpofa les évêques par des réglemens qui leur parurent rigides, parce qu'il alloit plus loin qu'ils ne vouloient aller eux-mêmes. Il y a de très-bonnes lois faites mal-à-propos. Les évêques, accoutumés dans ces temps-là à aller à la guerre contre les Sarrafins & les Saxons (a), étoient bien

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(a) Pour lors les évêques & les clercs commen» cerent à quitter les ceintures & les baudriers d'or, les couteaux enrichis de pierreries qui y étcient fufpendus, les habillemens d'un goût exquis, les »éperons dont la richeffe accabloit leurs talons. Mais » l'ennemi du genre humain ne fouffrit point une "telle dévotion, qui fouleva contr'elle les ecclé"fiaftiques de tous les ordres, & fe fit à elle-même "la guerre ». L'auteur incertain de la vie de Louis le débonnaire, dans le recueil de Duchefne, tome II. page 298.

éloignés de l'efprit monaftique. D'un autre côté, ayant perdu toute forte de confiance pour fa nobleffe, il éleva des gens de néant (a): il la priva de fes emplois (b), la renvoya du palais, appella des étrangers. Il s'étoit féparé de ces deux corps, il en fut abandonné.

(a) Tégan dit que ce qui fe faifoit très-rarement fous Charlemagne, fe fit communément fous Louis.

(b) Voulant contenir la nobleffe, il prit pour fon chambrier un certain Benard, qui acheva de la défefpérer.

CHAPITRE

X XII.

Continuation du même sujet.

Marchie, c'eft que ce prince en

AIS ce qui affoiblit fur-tout la mo

diffipa les domaines (c). C'eft ici que Nitard, un des plus judicieux hiftoriens que nous ayons; Nitard, petit-fils de Charlemagne, qui étoit attaché au parti de Louis le débonnaire, & qui écrivoit l'hiftoire par ordre de Charles le chauve, doit être écouté.

Il dit «< qu'un certain Adelhard avoit » eu pendant un temps un tel empire

(c) Villas regias, quæ erant sui & avi & tritavi, fidelibus fuis tradidit eas in poffeffiones fempiternas fecit enim hoc diù tempore. Tégan, de geftis Ludovici pii

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fur l'efprit de l'empereur, que ce » prince fuivoit fa volonté en toutes » choses; qu'à l'inftigation de ce favori, il avoit donné les biens fifcaux (a) à » tous ceux qui en avoient voulu; & » par-là avoit anéanti la république (b) ». Ainfi, il fit dans tout l'empire ce que j'ai dit qu'il avoit fait en Aquitaine (c); chofe que Charlemagne répara, & que perfonne ne répara plus.

L'état fut mis dans cet épuifement où Charles Martel le trouva lorfqu'il parvint à la mairerie; & l'on étoit dans ces circonstances, qu'il n'étoit plus *queftion d'un coup d'autorité pour le

rétablir.

Le fifc fe trouva fi pauvre, que, fous Charles le chauve, on ne maintenoit perfonne dans les honneurs (d); on n'accordoit la fureté à perfonne que pour de l'argent: quand on pouvoit détruire les Normands (e), on les laiffoit échapper pour de l'argent : & le

(a) Hinc libertates, hinc publica in propriis ufibus diftribuere fuafit. Nitard, liv. IV, à la fin.

(b) Rempublicam penitùs annulavit. Ibid.

(c) Voyez livre XXX, chap. XIII.

(d) Hincmar, lettre premiere à Louis le begue. (e) Voyez le fragment de la chronique du monaftere de S. Serge d'Angers, dans Duchefne, tome II,

page 401.

premier confeil que Hincmar donne à Louis le begue, c'eft de demander, dans une affemblée, de quoi foutenir les dépenfes de fa maison.

CHAPITRE

XXIII.

Continuation du même fujet.

La protection

E clergé eut fujet de fe repentir de la protection qu'il avoit accordée aux enfans de Louis le débonnaire. Ce prince, comme j'ai dit, n'avoit jamais donné de préceptions (a) des biens de l'églife aux laïques: mais bientôt Lo-ythaire en Italie, & Pépin en Aquitaine, quitterent le plan de Charlemagne, & reprirent celui de Charles Martel. Les eccléfiaftiques eurent recours à l'empereur contre les enfans; mais ils avoient affoibli eux-mêmes l'autorité qu'ils réclamoient. En Aquitaine, on eut quelque condefcendance; en Italie, on n'obéit pas.

Les guerres civiles qui avoient troublé la vie de Louis le débonnaire, furent germe de celles qui fuivirent fa mort.

le

(a) Voyez ce que difent les évêques dans le fynode de l'an 845, apud Teudonis villam, art. 4. 198

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