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payer cette dîme & cette redevance, & même d'entretenir les maisons de l'évêché ou du monaftere, fous peine de perdre les biens donnés. Charlemagne (a) renouvella les réglemens de Pépin.

Ce que les évêques difent dans la même lettre, que Charlemagne promit, pour lui & fes fucceffeurs, de ne plus partager les biens des églifes aux gens de guerre, eft conforme au capitulaire de ce prince donné à Aix-la-Chapelle l'an 803, fait pour calmer les terreurs des eccléfiaftiques à cet égard: mais les donations déjà faites fubfifterent toujours (b). Les evêques ajoutent, & avec raifon , que Louis le débonnaire fuivit la conduite de Charlemagne, & ne donna point les biens de l'églife aux foldats.

(a) Voyez fon capitulaire de l'an 803, donné à Worms, édit. de Baluze, p. 411, où il regle le contrat précaire; & celui de Francfort, de l'an 794, page 267, art. 24, fur les réparations des maifons; & celui de l'an 800, page 330.

(b) Comme il paroît par la note précédente, & par le capitulaire de Pépin, roi d'Italie, où il eft die que le roi donneroit en fief les monafteres à ceux qui fe recommanderoient pour des fiefs. Il est ajouté à la loi des Lombards, liv. III, tit. 1, §. 30, & aux lois faliques, recueil des lois de Pépin, dans Echard, pag, 195, tit. 26, art, 41

Cependant les anciens abus allerent fi loin que, fous les enfans de Louis lé débonnaire (a), les laïques établiffoient des prêtres dans leurs églifes, ou les chaffoient, fans le confentement des évêques. Les églifes fe partageoient entre les héritiers (b); &, quand elles étoient tenues d'une maniere indécente, les évêques n'avoient d'autre reffource que d'en retirer les reliques (c).

Le capitulaire (d) de Compiegne établit que l'envoyé du roi pourroit faire la vifite de tous les monafteres avec l'évêque, de l'avis & en préfence de celui qui le tenoit (e); & cette regle générale prouve que l'abus étoit gé

néral.

Ce n'eft pas qu'on manquât de lois pour la reftitution des biens des églifes. Le pape ayant reproché aux évêques leur négligence fur le rétablissement des monafteres, ils écrivirent (ƒ) à Charles

(a) Voyez la conftitution de Lothaire I, dans la loi des Lombards, liv. III, loi I, §. 43. (b) Ibid. §. 44.

(c) Ibid.

(d) Donné la vingt-huitieme année du regne de Charles le chauve, l'an 868, édit. de Baluze, p. 203. (e) Cum concilio & confenfu ipfius qui locum retinet. f) Concilium apud Bonoilum, feizieme année de Charles le chauve, l'an 856, édit. de Baluze, p. 78.

Le chauve, qu'ils n'avoient point été touchés de ce reproche, parce qu'ils n'en étoient pas coupables; & ils l'avertirent de ce qui avoit été promis, réfolu & ftatué dans tant d'affemblées de la nation. Effectivement ils en citent neuf.

On difputoit toujours. Les Normands arriverent, & mirent tout le monde d'accord.

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CHAPITRE XII.

Etablissement des dîmes.

Es réglemens faits fous le roi Pépin avoient plutôt donné à l'église l'efpérance d'un foulagement qu'un foulagement effectif: & comme Charles Mar tel trouva tout le patrimoine public entre les mains des eccléfiaftiques, Charlemagne trouva les biens des eccléfiaftiques entre les mains des gens de guerre. On ne pouvoit faire reftituer à ceux-ci ce qu'on leur avoit donné; & les circonftances où l'on étoit pour lors rendoient la chofe encore plus impraticable qu'elle n'étoit de fa nature. D'un autre côté, le chriftianisme ne

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devoit pas périr, faute de miniftres (a), de temples & d'inftructions.

Cela fit que Charlemagne établit (6) les dîmes, nouveau genre de bien, qui eut cet avantage pour le clergé, qu'étant finguliérement donné à l'églife, il fut plus aifé dans la fuite d'en reconnoître les ufurpations.

On a voulu donner à cet établiffement des dates bien plus reculées : mais les autorités que l'on cite, me femblent être des témoins contre ceux qui les alleguent. La conftitution (c) de Clotaire dit feulement qu'on ne leveroit point de certaines dîmes (d) fur les biens

(a) Dans les guerres civiles qui s'éleverent da temps de Charles Martel, les biens de l'églife de Rheims furent donnés aux laïques. On laiffa le clergé fubfifter comme il pourroit, est-il dit dans la vie de S. Remy. Surius, tome I, page 279.

(b) Loi des Lombards, liv. III, tit. 3, §. 1 & 2. (c) C'eft celle dont j'ai tant parlé au chapitre Iv ci-deffus, que l'on trouve dans l'édition des capitu laires de Baluze, tome I. art. II. page 9.

(d) Agraria & pafcuaria, vel decimas porcorum, ecclefiæ concedimus; ità ut actor aut decimator in rebus ecclefiæ nullus accedat. Le capitulaire de Charlemagne, de l'an 800, édition de Baluze, p. 336, explique très bien ce que c'étoit que cette forte de dime dont Clotaire exempte l'églife; c'étoit le dixieme des cochons, que l'on mettoit dans les forêts du roi pour engraiffer & Charlemagne veut que fes juges le payent comme les autres, afin de donner l'exemple. On voit que c'étoit un droit feigneurial ou écono mique.

de l'églife: bien loin donc que l'églifelevât des dîmes dans ces temps-là, toute fa prétention étoit de s'en faire exempter. Le fecond concile de Mâcon (a), tenu l'an 585, qui ordonne que l'on paye les dîmes, dit, à la vérité, qu'on les avoit payées dans les temps anciens: mais il dit auffi que, de fon temps, on ne les payoit plus.

Qui doute qu'avant Charlemagne on n'eût ouvert la bible, & prêché les dons & les offrandes du lévitique? Mais je dis qu'avant ce prince les dîmes pouvoient être prêchées, mais qu'elles n'étoient point établies.

J'ai dit que les réglemens faits fous le roi Pépin avoient foumis au paiement des dîmes, & aux réparations des églifes, ceux qui poffédoient en fief les biens eccléfiaftiques. C'étoit beaucoup d'obliger par une loi, dont on ne pou voit difputer la juftice, les principaux de la nation à donner l'exemple.

Charlemagne fit plus: & on voit, par le capitulaire de Willis (b), qu'il obligea fes propres fonds au payement des (a) Canone V, ex tomo I conciliorum, antiquorum Gallia, operá Jacobi Sirmundi.

(b) Art. 6, édit. de Baluze, p. 332. Il fut donné l'an 800.

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