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où il fe trouva plus de bénéfices pour l'armée, ni aucun fonds pour fon entretien; il faudra bien convenir que les anciens bénéfices avoient été aliénés. Ce temps eft celui de Charles Martel, qui fonda de nouveaux fiefs, qu'il faut bien diftinguer des premiers.

Lorfque les rois commencerent à donner pour toujours, foit par la corruption qui fe gliffa dans le gouvernement, foit par la conftitution même qui faifoit que les rois étoient obligés de récompenfer fans ceffe; il étoit naturel qu'ils commençaffent plutôt à donner à perpétuité les fiefs que les comtés. Se priver de quelques terres étoit peu de chofe ; renoncer aux grands offices, c'étoit perdre la puiffance même.

CHAPITRE

CHAPITRE

VIII.

Comment les alleux furent changés en

fiefs.

A maniere de changer un alleu en fieffe trouve dans une formule de Marculfe (a). On donnoit sa terre au roi; illa rendoit au donateur en ufufruit ou bénéfice, & celui-ci défignoit au roi fes héritiers.

Pour découvrir les raifons que l'on eut de dénaturer ainfi fon alleu, il faut que je cherche, comme dans des abymes les anciennes prérogatives de cette nobleffe, qui depuis onze fiecles, eft couverte de pouffiere, de fang & de fueur.

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Ceux qui tenoient des fiefs avoient de très-grands avantages. La compofition pour les torts qu'on leur faifoit étoit plus forte que celle des hommes fibres. Il paroît par les formules de Marculfe, que c'étoit un privilege du vaffal du roi, que celui qui le tueroit payeroit fix cents fous de compofition. Ce privilege étoit établi par la loi (a) Liv. I, formule 13. Tome IV.

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falique (a) & par celle des Ripuaires (b); &, pendant que ces deux lois ordonnoient fix cents fous pour la mort du vaffal du roi, elles n'en donnoient (c) que deux cents pour la mort d'un ingénu, Franc, barbare, ou homme vivant fous la loi falique; & que cent pour celle d'un Romain.

Ce n'étoit pas le feul privilege qu'euffent les vaffaux du roi. Il faut favoir que, quand un homme (d) étoit cité en jugement, & qu'il ne fe préfentoit point ou n'obéiffoit pas aux ordonnances des juges, il étoit appellé devant le roi; &, s'il perfiftoit dans fa contumace, il étoit mis hors de la protection du roi (e), & perfonne ne pouvoit le recevoir chez foi, ni même lui donner du pain : or, s'il étoit d'une condition ordinaire, fes biens étoient confifqués (f); mais, s'il étoit vaffal du roi, ils ne l'étoient pas (g). Le premier, par fa contumace, étoit

(a) Tit. 44. Voyez aufîi les titres 66, §. 3 & 4; & le titre 74.

(b) Titre 11.

Voyez la loi des Ripuaires, tit. 7 ; & la loi falique, tit. 44, art. 1 & 4.

76.

(d) Loi falique, tit. 59 & 76.

(e) Extrà fermonem regis, loi falique, tit. 59 &

(f) Ibid. tit. 59, §. 1.

(g) bid. tit. 76, §. I.

cenfé convaincu du crime; & non pas le fecond. Celui-là (a), dans les moindres crimes, étoit foumis à la preuve par l'eau bouillante; celui-ci (b) n'y étoit condamné que dans le cas du meurtre. Enfin un vaffal du roi (c) ne pouvoit être contraint de jurer en juftice contre un autre vaffal. Ces privileges augmen terent toujours; & le capitulaire de Carloman (d) fait cet honneur aux vaffaux du roi, qu'on ne peut les obliger de jurer eux-mêmes, mais feulement par la bouche de leurs propres vaffaux. De plus, lorfque celui qui avoit les honneurs ne s'étoit pas rendu à l'armée fa peine étoit de s'abftenir de chair & de vin, autant de temps qu'il avoit manqué au fervice: mais l'homme libre (e), qui n'avoit pas fuivi le comte, payoit une compofition (f) de foixante fous, & étoit mis en fervitude jufqu'à ce qu'il l'eût payée.

Il est donc aifé de penfer que les Francs qui n'étoient point vassaux du (a) Loi falique, tit. 56 & 59.

(b) Ibid. tit. 76, §. I.

(c) Ibid. tit. 76, §. 2.

(d) Apud vernis palatium, de l'an 883, art. 4 & 11. (e) Capitul. de Charlemagne, qui eft le fecond de l'an 812, art. 1 & 3.

(f) Heribannum

roi, & encore plus les Romains, chercherent à le devenir; & qu'afin qu'ils ne fuffent pas privés de leurs domaines, on imagina l'ufage de donner fon alleu au roi, de le recevoir de lui en fief, & de lui défigner fes héritiers. Cet ufage continua toujours; & il eut fur-tout lieu dans les défordres de la feconde race, où tout le monde avoit befoin d'un protecteur, & vouloit faire corps (a) avec d'autres feigneurs ; & entrer pour ainfi dire, dans la monarchie féo. dale, parce qu'on n'avoit plus la monarchie politique.

Ceci continua dans la troifieme race, comme on le voit par plufieurs (6) chartres; foit qu'on donnât fon alleu, & qu'on le reprît par le même acte; foit qu'on le déclarât alleu, & qu'on le reconnût en fief. On appelloit ces fiefs, fiefs de reprife.

Cela ne fignifie pas que ceux qui avoient des fiefs les gouvernaffent en bons peres de familles; &, quoique les hommes libres cherchaffent beaucoup à

(a) Non infirmis reliquit hæredibus, dit Lambert d'Ardres, dans du Cange, au mot alodis.

(b) Voyez celles que du Cange cite au mot alodis ; & celles que rapporte Galland, traité du franc-alleu, page 14 & fuiv.

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