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plan. On ne trouve, dans les lois Saliques & Ripuaires, aucune trace d'un tel partage de terres; ils avoient conquis, ils prirent ce qu'ils voulurent, & ne firent de réglemens qu'entr'eux.

Diftinguons donc le procédé des Bourguignons & des Wifigoths dans la Gaule, celui de ces mêmes Wifigoths en Espagne, des foldats auxiliaires (a) fous Auguftule & Odoacer en Italie, davec celui des Francs dans les Gaules & des Vendales en Afrique (b). Les premiers firent des conventions avec les anciens habitans, & en conféquence un partage de terres avec eux; les feconds ne firent rien de tout cela.

CHAPITRE VIII.

CE

Continuation du même fujet.

E qui donne l'idée d'une grande ufurpation des terres des Romains par les Barbares, c'eft qu'on trouve, dans les lois des Wifigoths & des Bourguignons, que ces deux peuples eurent les

(a) Voyez Procope, guerre des Goths. (b) Guerre des Vandales.

deux

deux tiers des terres : mais ces deux tiers ne furent pris que dans de certains quartiers qu'on leur affigna.

Gondebaud (a) dit, dans la loi des Bourguignons, que fon peuple, dans fon établiffement, reçut les deux tiers des terres; & il eft dit dans le fecond fupplément (6) à cette loi, qu'on n'en donneroit plus que la moitié à ceux qui viendroient dans le pays. Toutes les terres n'avoient donc pas d'abord été partagées entre les Romains & les Bourguignons.

On trouve, dans les textes de ces deux réglemens, les mêmes expreffions; ils s'expliquent donc l'un & l'autre ; & comme on ne peut pas entendre le fecond d'un partage univerfel des terres, on ne peut pas non plus donner cette fignification au premier.

Les Francs agirent avec la même modération que les Bourguignons; ils ne dépouillerent pas les Romains dans toute l'étendue de leurs conquêtes. Qu'au

(a) Licet eo tempore quo populus nofter mancipiorum tertiam & duas terrarum partes accepit, &c. loi des Bou. guignons, tit. 54, §. 1.

(b) Ut non ampliùs à Burgundionibus qui infrà venerunt, requiratur quàm ad præfens neceffitas fuerit,

medietas terræ, art. 11.

Tome IV.

B

roient-ils fait de tant de terres? Ils prirent celles qui leur convinrent, & lailferent le refte.

CHAPITRE IX.

Jufte application de la loi des Bourguignons & de celle des Wifigoths fur le partage des terres.

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L faut confidérer que ces partages ne furent point faits par un efprit tyrannique, mais dans l'idée de fubvenir aux befoins mutuels des deux peuples qui devoient habiter le même pays.

La loi des Bourguignons veut que chaque Bourguignon foit reçu en qualité d'hôte chez un Romain. Cela eft conforme aux moeurs des Germains qui, au rapport de Tacite (a), étoient le peuple de la terre qui aimoit le plus à exercer l'hofpitalité.

La loi veut que le Bourguignon ait les deux tiers des terres, & le tiers des ferfs. Elle fuivoit le génie des deux peuples, & fe conformoit à la maniere dont ils fe procuroient la fubftance. Le Bourguignon, qui faifoit paître des (a) De moribus German.

troupeaux, avoit befoin de beaucoup de terres, & de peu de ferfs; & le grand travail de la culture de la terre exigeoit que le Romain eût moins de glebe, & un plus grand nombre de ferfs. Les bois étoient partagés par moitié , parce que les befoins à cet égard étoient les mêmes.

On voit, dans le code (a) des Bourguignons, que chaque barbare fut placé chez chaque Romain. Le partage ne fut donc pas général : mais le nombre des Romains qui donnerent le partage, fut égal à celui des Bourguignons qui le reçurent. Le Romain fut léfé le moins qu'il fut poffible: le Bourguignon, guerrier, chaffeur & pafteur, ne dédaignoit pas de prendre des friches; le Romain gardoit les terres les plus propres à la culture; les troupeaux du Bourguignon engraiffoient le champ du Romain.

(4) Et dans celui des Wifigoths.

CHAPITRE X.

Des fervitudes.

L eft dit, dans la loi (a) des Bourguignons, que quand ces peuples s'établirent dans les Gaules, ils reçurent les deux tiers des terres, & le tiers des ferfs. La fervitude de la glebe étoit donc établie dans cette partie de la Gaule, avant l'entrée des Bourguignons (b).

La loi des Bourguignons, ftatuant fur les deux nations, diftingue formellement, dans l'une & dans l'autre, les nobles, les ingénus & les ferfs (c). La fervitude n'étoit donc point une chofe particuliere aux Romains, ni la liberté & la nobleffe une chofe particuliere aux barbares.

Cette même loi dit (d) que, fi un affranchi Bourguignon n'avoit point donnéune certaine fomme à fon maître, nireçu une portion tierce d'un Romain,

(a) Tit. 54.

(b) Cela eft confirmé par tout le titre du code de agricolis & cenfitis & colonis.

(c) Si dentem optimati Burgundioni vel Romano nobili excufferit, tit. 26, §. 1 ; & Si mediocribus perfonis ingenuis, tàm Burgundionibus quàm Romanis : ibid. §. 2. (d) Tit. 574

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