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barbare. Hébon étoit des premiers, & non pas des feconds. D'ailleurs, je ne fais comment on peut dire qu'un ferf, tel qu'Hébon, auroit été Saxon ou Germain: un ferf n'a point de famille, ni par conféquent de nation. Louis le débonnaire affranchit Hébon; & comme les ferfs affranchis prenoient la loi de leur maître, Hébon devint Franc, & non pas Saxon ou Germain.

Je viens d'attaquer; il faut que je me défende. On me dira que le corps des antruftions formoit bien dans l'état un ordre diftingué de celui des hommes libres mais que, comme les fiefs furent d'abord amovibles, & enfuite à vie, cela ne pouvoit pas former une nobleffe d'origine, puifque les prérogatives n'étoient point attachées à un hef héréditaire. C'eft cette objection qui a fans doute fait penfer à M. de Valois qu'il n'y avoit qu'un feul ordre de citoyens chez les Francs: fentiment que M. l'abbé Dubos a pris de lui, & qu'il a abfolument gâté à force de mauvaifes preuves. Quoi qu'il en foit, ce n'eft point M. l'abbé Dubos qui auroit pu faire cette objection. Car, ayant

donné trois ordres de nobleffe Romaine, & la qualité de convive du roi pour le premier, il n'auroit pas pu dire que ce titre marquât plus une nobleffe d'origine que celui d'antruftion. Mais il faut une réponse directe. Les antruftions ou fideles n'étoient pas tels, parce qu'ils avoient un fief; mais on leur donnoit un fief, parce qu'ils étoient antruftions ou fideles. On fe reffouvient de ce que j'ai dit dans les premiers chapitres de ce livre: Ils n'avoient pas pour lors, comme ils eurent dans la fuite, le même fief: mais, s'ils n'avoient pas celui-là, ils en avoient un autre, & parce que les fiefs fe donnoient à la naiffance, & parce qu'ils fe donnoient fouvent dans les affemblées de la nation ; & enfin, parce que, comme il étoit de l'intérêt des nobles d'en avoir, il étoit auffi de l'intérêt du roi de leur en donner Ces familles étoient

diftinguées par leur dignité de fideles, & par la prérogative de pouvoir fe recommander pour un fief. Je ferai voir, dans le livre fuivant (a), comment, par les circonftances des temps, il y

(a) Chap. XXIII.

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eut des hommes libres qui furent admis à jouir de cette grande prérogative, & par conféquent à entrer dans l'ordre de la nobleffe. Cela n'étoit point ainfi du temps de Gontran & de Childebert fon neveu; & cela étoit ainfi du temps de Charlemagne. Mais quoique, dès le temps de ce prince, les hommes libres ne fuffent pas incapables de pofféder des fiefs, il paroît, par le paffage de Tégan rapporté ci-deffus, que les ferfs affranchis en étoient abfolument exclus. M. l'abbé Dubos (a), qui va en Turquie pour nous donner une idée de ce qu'étoit l'ancienne nobleffe Françoife, nous dira-t il qu'on fe foit jamais plaint en Turquie de ce qu'on y élevoit aux honneurs & aux dignités des gens de baffe naiffance, comme on s'en plaignoit fous les regnes de Louis le débonnaire & de Charles le chauve? On ne s'en plaignoit pas du temps de Charlemagne, parce que ce prince diftingua toujours les anciennes familles d'avec les nouvelles; ce que Louis le débonnaire & Charles le chauve ne firent pas.

(a) Hiftoire de l'établissement de la monarchie Françoife, tome III, liv. VI, chap. Iv, page 302.

Le public ne doit pas oublier qu'il eft redevable à M. l'abbé Dubos de plufieurs compofitions excellentes. C'eft fur ces beaux ouvrages qu'il doit le juger, & non pas fur celui-ci. M. l'abbé Dubos y eft tombé dans de grandes fautes, parce qu'il a plus eu devant les yeux M. le comte de Boulainvilliers, que fon fujet. Je ne tirerai de toutes mes critiques que cette réflexion : Si ce grand homme a erré, que ne dois-je pas craindre ?

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CHAPITRE PREMIER. Changemens dans les offices & les fiefs. 'ABORD les comtes n'étoient envoyés dans leurs diftricts que pour un an; bientôt ils acheterent la continuation de leurs offices. On en trouve un exemple dès le regne des petits-enfans de Clovis. Un certain Peonius (a) étoit comte dans la ville d'Auxerre, il envoya fon fils Mummolus porter de l'argent à Gontran, pour être continué dans fon emploi; le fils donna de l'argent pour lui-même, & obtint la place du pere. Les rois avoient déjà commencé à corrompre leurs propres graces.

(a) Grégoire de Tours, liv. IV, chap. XLII.

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