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Oronte, sur le sien, tel qu'un mont escarpé,
Voit fondre un large flot: par sa chute frappé,
Le pilote tremblant, et la tête baissée,

Suit le flot qui retombe; et l'onde courroucée
Trois fois sur le vaisseau s'élance à gros bouillons,
L'enveloppe trois fois de ses noirs tourbilions;
Et, cédant tout à coup à la vague qui gronde,
La nef tourne, s'abîme, et disparoît sous l'onde :
Alors, de toutes parts, s'offre un confus amas
D'armes et d'avirons, de voiles et de mâts,
Les débris d'Ilion, son antique opulence,
Et quelques malheureux sur un abîme immense..
Déjà d'llionée et du vaillant Abas

L'eau brise le tillac, le vent courbe les mâts;
Déjà du vieil Alète et du fidèle Achate
Le vaisseau fatigué s'ouvre, se brise, éclate;
Et les torrens vainqueurs entrent de tous côtés.
Cependant de ses flots, sans son ordre agités,
Neptune entend le bruit; il entend la tempête
Mugir autour d'Énée, et gronder sur sa tête;
Il voit flotter épars les débris d'Ilion,
En devine la cause, et reconnoît Junon.

Aussitôt, appelant Eurus et le Zéphyre,

«Eh quoi ! sans mon aveu, quoi! dans mon propre-empire,

» D'une race rebelle enfans audacieux,

>> Vents, vous osez troubler et la terre et les cieux ! » Je devrois..... Mais des flots il faut calmer la rage.

>> Un autre châtiment suivroit un autre outrage.

Pòst mihi non simili poenâ commissa luetis.
Maturate fugam, regique hæc dicite vestro :
Non illi imperium pelagi, sævumque tridentem,
Sed mihi sorte datum. Tenet ille immania saxa,
Vestras, Eure, domos : illâ se jactet in aulâ
Eolus, et clauso ventorum carcere regnet.

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Sic ait, et dicto citiùs tumida æquora placat,(15

Collectasque fugat nubes, solemque reducit.
Cymothoë, simul et Triton adnixus, acuto
Detrudunt naves scopulo : levat ipse tridenti,
Et vastas aperit syrtes, et temperat æquor;
Atque rotis summas levibus perlabitur undas.
Ac veluti magno in populo cùm sæpè coorta est
Seditio, sævitque animis ignobile vulgus;
Jamque faces et saxa volant; furor arma ministrat :
Tum, pietate gravem ac meritis si fortè virum quem
Conspexere, silent, arrectisque auribus adstant;
Ille regit dictis animos, et pectora mulcet.
Sic cunctus pelagi cecidit fragor, æquora postquam
Prospiciens genitor, coloque invectus aperto,
volans dat lora secundo.

Flectit equos, curruque

Defessi Eneadæ, quæ proxima, littora cursu

» Fuyez, et courez dire à votre souverain

>>

»

Que le sort n'a pas mis le trident en sa main,

Que moi seul en ces lieux tiens le sceptre des ondes. >> Son empire est au fond de vos roches profondes:

>> Qu'il y tienne sa cour, et, roi de vos cachots,

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Que votre Éole apprenne à respecter mes flots.▾

Il dit, et d'un seul mot il calme les orages,

Ramène le soleil, dissipe les nuages.

Les Tritons, à sa voix, s'efforcent d'arracher
Les vaisseaux suspendus aux pointes du rocher;
Et lui-même, étendant son sceptre secourable,
Les soulève, leur ouvre un chemin dans le sable,
Calme les airs, sur l'onde établit le repos,
Et de son char léger rase, en volant, les flots.
Ainsi, quand signalant sa turbulente audace
Se déchaîne une ardente et vile populace,
La rage arme leurs bras: déjà volent dans l'air
Les pierres, les tisons, et la flamme et le fer.
Mais d'un sage orateur si la vue imposante
Dans l'ardeur du tumulte à leurs yeux se présente,
On se tait, on écoute, et ses discours vainqueurs
Gouvernent les esprits et subjuguent les cœurs.
Ainsi tombe la vague; ainsi des mers profondes
Neptune d'un coup d'œil tranquillise les ondes,
Court, vole, et, sur son char roulant sous un ciel par,
De la plaine liquide il effleure l'azur..

Des Troyens cependant, fatigués par l'orage,

Les cris impatiens appellent le rivage,

Contendunt petere, et Libyæ vertuntur ad oras.

Est in secessu longo locus: insula portum (16
Efficit objectu laterum, quibus omnis ab alto
Frangitur inque sinus scindit sese unda reductos.
Hinc atque hinc vasta rupes geminique minantur
In coelum scopuli, quorum sub vertice latè
Equora tuta silent; tum silvis scena coruscis (17
Desuper, horrentique atrum nemus imminet umbrâ.
Fronte sub adversâ scopulis pendentibus antrum;
Intus aquæ dulces, vivoque sedilia saxo,
Nympharum domus : hîc fessas non vincula naves
Ulla tenent, unco non alligat ancora morsu.(18
Huc septem Æneas collectis navibus omni

Ex numero subit; ac, magno telluris amore (19
Egressi, optatâ potiuntur Troës arena,

Et sale tabentes artus in littore ponunt. (20

Ac primùm silici scintillam excudit Achates, (2

Et

pour gagner la rive ils redoublent d'efforts.
Dans un golfe enfoncé, sur de sauvages bords,
S'ouvre un port naturel, défendu par une île,
Dont les bras étendus, brisant l'onde indocile,
Au fond de ce bassin, par deux accès divers,
Ouvrent un long passage aux flots bruyans des mers.
Des deux côtés du port un vaste roc s'avance,
Qui menace les cieux de son sommet immense;
Balancés par les vents, des bois ceignent son front;
A ses pieds le flot dort dans un calme profond;
Et des arbres touffus l'amphithéâtre sombre
Prolonge sur les flots la noirceur de son ombre.
En face, un antre frais, sous des rochers pendans,
Fait jaillir une eau douce en ruisseaux abondans;
Autour règnent des bancs taillés par la nature.
La naïade se plaît sous cette grotte obscure,
Qui présente à la fois un antre aux matelots,
Une eau pure à la soif, un asile au repos;
Et, sans qu'un fer mordant par son poids les arrête,
Les vaisseaux protégés y bravent la tempête.
Là volent sur le bord imploré si long-temps
Les Troyens, du naufrage encor tout dégouttans.
La rive les reçoit; son tutélaire ombrage
Accueille les vaisseaux échappés à l'orage;

Et le nocher étend, au bord des flots amers,

Ses membres pénétrés du sel piquant des mers.
Achate, au même instant, prend un caillou qu'il frappe :
La rapide étincelle en petillant s'échappe;

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