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voyons, dans l'histoire, les nations les plus floriffantes périr fucceffivement par le luxe. Sparte après avoir réfifté long-tems aux armies de la Perfe, fuccomba fous fon or; Agis, trouva la mort lorfqu'il voulut la réformer. Rome maîtreffe des nations, s'affaiffa fous le poids de fes richeffes, & ne perdit fon luxe qu'avec l'empire du monde.

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Les nations qui s'enrichiffent occupent quelque tems dans la grande fociété du monde un rang envié des autres, elles répandent un. éclat paffager qui éblouit quelques inftans ; mais enfin leur richeffe, leur grandeur même amènent leur abaiffement & leur misère; leur opulence les enivre, le vice les corrompt, le luxe les endort; & ce fommeil est fuivi d'une léthargie profonde qui les conduit à la

mort.

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La politique véritable doit avoir la vraie morale pour base, & ne peut jamais s'en féparer. Les fouverains vertueux & fages formeront feuls des nations grandes & floriffantes dont le bonheur fubfiftera. Des princes dépourvus de vertus & de lumieres ne règneront que fur des peuples légers, abrutis, corrompus; leur pouvoir peu sûr & leur grandeur éphémère ne pourront long-tems durer. En un mot, par une loi conftante de la nature, il

n'eft point de vice fur la terre qui ne fe puniffe lui-même.

: Mais quels remèdes oppofer à des maux dont la fource primitive eft fous le trône? Pour opérer ce miracle, la vérité suffit; elle feule eft affez forte pour triompher des obftacles que l'impofture, la tyrannie, l'opinion oppofent par-tout à la félicité publique. Tant de princes ne gouvernent fouvent d'une façon fi violente, que parce qu'ils ignorent la vérité; ils haïffent la vérité, parce qu'ils n'en connoiffent pas les avantages ineftimables. Ils perfécutent la vérité, parce qu'ils la croient contraire à leurs intérêts.!.

Mais quels font les vrais intérêts des fouverains? N'est-ce pas d'être chéris, refpectés, foutenus par des peuples fidèles, fincèrement attachés à leurs maîtres, prêts à tout facrifier pour eux ? Eh! qu'est-ce qui, mieux que la vertu, peut exciter ces fentimens dans les cœurs des citoyens? Un bon roi, défendu par l'amour de tout fon peuple, n'eft-il pas plussûr au milieu de ce peuple, que le tyran ombrageux, entouré de fatellites turbulens qui doivent à chaque inftant lui retracer ses craintes? Ent-il donc quelque félicité pour un defpote! qui s'eft fait le captif d'une troupe mer cenaire ફ deflinée à le garantir des reffenti

རྩྭ

mens d'un peuple dont il s'eft fait l'ennemi ? Qu'une éducation plus véridique enfeigne donc à ceux que la voix des nations appelle âu trône, en quoi confifte la vraie grandeur, la vraie gloire, la vraie sûreté des rois: qu'à ce futile appareil de la vanité, l'inftruction substitue un cœur droit, un efprit d'ordre, le goût de la fimplicité, la connoiffance des devoirs, un attachement inviolable pour l'équité, un refpect profond pour les loix, la liberté, les droits du citoyen, un grand amour pour la paix, une exactitude févère dans les engagemens. Nourri dans ces principes, un prince pourra bientôt fe promettre la réforme de l'état. Un bon prince peut tout fur l'efprit de fes fujets.

De l'Inftruction des Citoyens.

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Si la bonne éducation du fouverain est capable de produire une réforme fi favorable dans fa cour, quels effets heureux n'auroit pas une éducation bien dirigée fur tous les citoyens ! Les hommes ne font fi méchans ou fi peu fociables, que parce que ceux qui les gou vement, ou négligent leur éducation, ou les empêchent de s'inftruire, ou cherchent à les divifer & à les pervertir.

La vraie politique ne connoît point les maximes & les intérêts des tyrans : elle régne par la raison, par les loix, par l'intérêt évident de la fociété. Elle n'a pas befoin que l'on trompe les hommes pour les dompter; elle veut qu'on leur faffe fentir leur intérêt réel; elle veut qu'on leur infpire l'amour de la patrie qui ne peut fubfifter fans liberté ; elle veut qu'on leur montre l'utilité de l'affo ciation; elle veut qu'on les rende courageux, induftrieux, laborieux, fociables. Enfin elle ne veut pas commander à des efclaves avilis, dont elle fait que jamais on ne peut faire des citoyens. Il n'eft point, dit un ancien, de cité pour des efclaves.

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Elle doit être appuyée par l'autorité publique.

Mais l'éducation & les moeurs ne peuvent être bonnes que fous un bon gouvernement; la vraie morale eft inutile chez un peuple foumis à la tyrannie; elle ne peut être efficace, que lorfqu'elle fe trouve favorifée, foutenue par l'autorité, fortifiée par la loi, confirmée par l'exemple, encouragée par les récompenfes & la confidération,

Il faut un gouvernement juste pour rendre

les hommes justes, modérés, fociables. Mais comment établir un tel gouvernement? C'est en mettant un frein aux paffions imprudentes de tous ceux que leur aveuglement pourroit inviter à commettre le mal. Tout homme eft foible; rarement celui qui commande aux autres a-t-il affez de force pour fe commander à lui-même. Ne fondons pas le bonheur des nations fur les difpofitions d'un être aussi changeant que l'homme. Fondons ce bonheur fur la justice, qui n'eft pas fujette à changer; fur la nature de la fociété, fur fes droits que rien ne peut affoiblir, fur fa volonté permanente, fur fa force toujours redoutable, quand elle est réunie. Que cette force fubfistante dans des citoyens animés du même intérêt présente une barrière infurmontable à quiconque oferoit attenter contre la volonté générale.

Récapitulation générale.

1°. L'homme, né dans l'état de fociété, y eft retenu par fes befoins & par l'habitude qui la lui rendent néceffaire. Si la fociété lui eft utile, il doit de fon côté fe rendre utile, à la fociété, afin qu'elle contribue à son bienêtre ; l'intérêt particulier, pour le bien de chaque individu, doit fe combiner avec l'in-.

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