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des traîtres qui prêtent lâchement leurs bras aux projets de la tyrannie? Sont-ce des citoyens, que des brigands devenus par état les inftrumens du caprice d'un feul homme, contre les volontés & les droits de tous?

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Origine de la Noblesse.

La plupart des gouvernemens, comme on a vu, fe font établis par la force. Des conquérans ambitieux, non contens de diftribuer les terres des peuples vaincus à leurs compagnons, ont encore voulu qu'en récompenfe de leurs travaux, ils confervaffent toujours des privileges & de la fupériorité fur le refle des fujets. Dans les royaumes conquis, les guerriers feuls furent réputés des hommes, les autres citoyens furent traités comme des bêtes. Telle est l'origine de la noblesse. Les princes ne bornèrent pas leurs bienfaits à la personne de ceux qui les avoient aidés dans leurs victoires; ils confentirent que les biens, les prérogatives, les dignités & les titres par lefquels ils les avoient diflingués, paffaffent à leur postérité. Les monarques s'affurèrent par-là les fecours de plufieurs races, qui concouruffent toujours à leurs vues, & fuffent les appuis de leur puiffance. La nobleffe fut toujours le confeil

& le foutien des rois; elle travailla pour leur grandeur, dont elle tiroit son éclat, ses privileges, fes richeffes; elle ne chercha donc qu'à étendre un pouvoir duquel le fien dépendoit. Elle traita avec hauteur le refte de la fociété; elle prétendit prefque toujours la représenter exclufivement. Il refte à examiner fi ces titres primitifs, fondés fur la conquête, la rapine & la force, font faits pour fubfifter toujours, &, fi depuis que le confentement de la nation. eut légitimé le gouvernement établi par la violence, la nation fut privée pour toujours de parler elle-même, & de fe faire représenter par ceux en qui elle plaçoit fa confiance (a).

Les nobles, devenus trop riches des récompenfes de leurs maîtres, méconnurent fon autorité, & voulurent être eux-mêmes des espèces de fouverains. Mais ils n'étoient que des defpotes ignorans & inhumains, qui ne connoiffoient d'autres loix que celles de leurs. volontés, & traitoient leurs vaffaux comme des esclaves. Ainfi les états furent déchirés par des citoyens féroces & turbulens. qui ne purent être contenus par aucunes loix. C'eft pourtant à ce gouvernement féodal, ou

(a) La question ne refte plus à examiner.

plutôt à ce défordre, que les nobles & les grands tendent fans ceffe.

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Voyez-les à la cour d'un defpote. Sontce des nobles, ces hommes que l'intérêt le plus vil met dans une dépendance continuelle ? Sont-ce des grands, ces valets rampans qui difputent entr'eux à qui rendra les fervices les plus bas à un maître hautain, & pour quels rien de ce qui mène à la faveur, n'est abject? Quelles ames peuvent animer ces courtifans qui confentent à dévorer fans ceffe des affronts, des refus, des injuflices? Quelle élévation dans les coeurs de tant d'indignes mendians, de ces vils adulateurs qui, à force de baffeffes, croient acquérir le droit de méprifer leurs concitoyens?

Aux yeux du fage, un citoyen n'eft grand que lorsqu'il fert fidèlement & courageufement fon pays; il ne mérite d'être diftingué des autres, que lorfqu'il travaille plus utilement au bonheur de fes affociés. Mais quelle idée fe former de tant de nobles & de grands qui n'apportent d'autres titres que les conquêtes, les violences, les révoltes de leurs ayeux injuftes & fauvages? Une nation refpecerat-elle des feudataires inutiles qui pendant une longue fuite de fiècles ont croupi de race en race dans les domaines de leurs ancêtres,

dont les exploits fe font bornés à vexer de timides vaffaux qui nourriffoient leur oifiveté.

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Ceux qui n'ont que des ayeux, n'ont aucun droit aux récompenfes. Le peuple, fi dédaigné par des princes fuperbes, & par leurs efclaves, fournit fouvent des ames plus grandes, plus généreuses, plus nobles, que cette foule dorée qui entoure les rois.

Souverains éclairés, ne demandez point à vos fujets ce que furent leurs ayeux; voyez ce qu'ils font par eux mêmes. Que l'homme utile à la patrie foit noble par lui-même, quels qu'aient été ses pères. La politique perd un de fes plus grands refforts, lorfqu'elle récompenfe le hasard. C'est un abus, c'eft un délire, que de récompenfer des citoyens qui n'ont rien fait pour l'état. Mais, nous dira-t-on, les ancêtres de la nobleffe actuelle ont utilement fervi leur patrie; mais fervir un fouverain, n'est pas toujours fervir la patrie. Servir le conquérant qui fubjugue un pays, ou prêter fon bras au tyran qui l'opprime, ne peut point paffer pour des fervices rendus à la patrie. Ceux qui fervent uniquement le fouverain dans fes caprices & fes paffions, font des hommes. vils que l'intérêt du maître peut lui faire regarder avec complaifance, mais à qui la nation ne doit que du mépris. Il n'y a que ceux qui

fervent leur patrie fous un monarque occupé de fon bonheur, qui foient vraiment illuftres & refpectables pour elle (a!

L'auteur, en parlant des courtifans & des miniftres, définit la cour, une ligue perpétuelle formée entre quelques mauvais citoyens. pour corrompre le fouverain & opprimer les fujets. Les monarques, ajoute-t-il, font refponfables des excès de ceux qui gouvernent en leur nom. « Les miniftres, difoit un roi de » Perfe, font les mains des rois, les hommes » ne jugent que par eux du fouverain qui les » gouverne. Il faut qu'un roi ait les yeux incef»famment ouverts fur leur conduite; envain

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rejetteroit-il fes fautes fur eux au jour où les peuples fe fouleveront contre lui, il reffem» bleroit alors à un affaffin, qui s'excuferoit » devant fes juges, en difant que ce n'est point » lui, mais fon épée qui a commis le crime ».

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Les menées & les intrigues des ministres & des courtifans font inutiles fous un prince qui règne par lui-même. Mais dès que le fouve

(a) Ainfi les Barnave, les Lameth, & tous ceux qui ressemblent à ces vertueux citoyens, font les véritables nobles que la France respectera. Quant aux valets de la cour, nous n'aurons pour leurs parchemins, leur infolence, leur inutilité, leurs baffeffes, qu'un mépris éternel.

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