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profits immenfes du fermier qui l'appauvrit d'une infinité de manières, & au peuple, le fpectacle des fortunes fubites qui l'affligent; par la régie, l'argent levé paffe par peu de mains va directement au prince & revient plus promp tement au peuple.

Comme celui qui a l'argent eft toujours le maître de l'autre, le traitant fe rend defpotique fur le prince même, le force à donner une infinité de mauvaises loix, & des réglemens funeftes.

On peut commencer quelquefois par donner à ferme un droit nouvellement établi; il eft un art, & des inventions pour prévenir les fraudes qu'une régie n'auroit jamais imaginé ; mais la machine une fois montée, il faut la confier à des régiffeurs. L'hiftoire eft pleine de maux que les traitans ont faits dans les monarchies, tout y eft perdu fur-tout lorsque leur profeffion lucrative parvient encore par fes richeffes à être une profeffion honorée, un dégoût faifit tous les autres états, l'honneur perd toute fa confidération, les moyens lents & naturels de fe diftinguer ne touchent plus, & le gouvernement eft frappé dans fon principe.

Des Loix dans le rapport qu'elles ont avec la nature du climat.

Livre XIV.

Influence du climat fur

Il est certain que le climat in flue sur le caractère de l'efprit & les paffions du coeur de l'homme. Un air froid refferre les extrémités les affections morales, des fibres extérieures de notre corps, augmente leur reffort, & favorife le retour du fang des extrémités vers le cœur. Il diminue la longueur de ces mêmes fibres, il en augmente donc la force, ce qui doit produire bien des effets moraux, par exemple, plus de confiance en foi-même, c'est-à-dire, plus de courage, plus de connoiffance de fa fupériorité, c'est-à-dire, moins de defir de la vengeance; plus d'opinions de fa sûreté, c'est-à-dire, plus de franchise, moins de foupçons, de politique & de rufe. L'air chaud au contraire relâche les extrémités des fibres & les alonge; auffi les peuples des pays chauds font-ils en général plus timides dans les pays froids, les houpes nerveufes font moins épanouies, elles s'enfoncent dans leur gaîne où elles font à couvert de l'action des objets extérieurs; les fenfations y font donc moins vives, on y aura peu de fenfibilité pour les plaifirs, elle fera plus grande dans les pays tempérés, & extrême dans les pays chauds.

Mais comment concilier les actions atroces, les coutumes & les pénitences barbares des Indiens, avec la foibleffe de leur organisation & le défaut de courage qu'ils tiennent de leur climat? Les hommes fe foumettent dans l'Inde à des maux incroyables, les femmes s'y brûlent elles-mêmes; voilà bien de la force pour tant de foibleffe. Cette contradiction n'eft qu'apparente, & s'explique par le même principe; la même cause qui rend ces peuples délicats, foibles & timides, leur donne une imagination fi vive que tout les frappe à l'excès.

Un bon législateur doit donc fe conformer au phyfique du climat dans les chofes indifférentes & le combattre dans fes effets vicieux. 11 encouragera les hommes au travail, dans celui où ils font naturellement portés à la pareffe; détruira les inftitutions, qui n'ont d'autre but que de les entretenir dans des spéculations vaines; cherchera à ôter tous les moyens de vivre fans travail, & animera l'industrie par des récompenfes; il défendra moins les liqueurs fpiritueufes, le vin, par exemple, dans les climats froids où l'ivrognerie a des effets moins funeftes, que dans les climats chauds où leurs effets font de nuire à la fociété autant qu'à la fanté; établira des réglemens de police pour

pour rendre les maladies qui font propres à certains climats, moins funeftes par leur conta gion; ne punira pas plus le fuicide qui naît dans certains pays, d'une difpofition particulière des organes, que les effets de la démence, & modifiera enfin les loix, en les rendant plus ou moins févères felon le caractère & les paffions des peuples que la nature a différentiés comme les climats qu'ils habitent.

Comment les Loix de l'esclavage civil ont Livre XV du rapport avec la nature du climat.

De l'efcla

L'esclavage proprement dit, eft l'établiffement d'un droit qui rend un homme telle-vage civil. ment propré à un autre homme, qu'il eft le maître abfolu de fa vie & de fes biens; il n'eft ni bon en lui-même, ni utile au maître, encore moins à l'efclave. Plus tolérable dans les pays defpotiques où la condition de l'efclave n'eft guère plus à charge que celle du fujet, il l'eft moins dans les états monarchiques où il eft fi important de ne point abattre, ni avilir la nature humaine, & ne fauroit compatir avec l'esprit de la conftitution démocratique & aristocratique.

Croiroit-on que l'efclavage doit fon origine Origine du 1790. Tome V.

F

droit de l'ef à la pitié? On rend esclave un prifonnier de

clavage, fui

vant les ju- guet auquel on veut bien accorder la vie.

rifconfultes

Romains.

>

Le droit civil des Romains permettoit aux débiteurs que leurs créanciers pouvoient maltraîter, de se vendre eux-mêmes: & le droit naturel a voulu que les enfans d'un père efclave fuffent dans l'esclavage comme leur père qui ne pouvoit plus les nourrir. Mais toutes ces raisons des jurisconsultes n'ont aucun fonement; il eft faux qu'il foit permis de tuer à la guerre hors le cas de néceffité; mais peuton dire qu'on ait été dans la néceffité de tuer celui qu'on a pu faire efclave? Tout le droit que la guerre peut donner fur le captif, est de s'affurer tellement de fa perfonne qu'il ne puiffe plus nuire : fecondement, il n'est pas vrai qu'un homme libre puiffe se vendre, la vente suppose un prix l'esclave se vendant, tous fes biens entreroient dans la propriété du maître, le maître ne donneroit donc rien, & l'esclave ne pourroit rien recevoir. S'il n'eft pas permis de fe tuer parce qu'on se dérobe à sa patrie, il n'est pas plus permis de fe vendre. La liberté de chaque citoyen eft une partie de la liberté publique. Cette qualité dans l'état populaire eft même une partie de la fouveraineté; vendre fa qualité de

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