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l'autorité du fouverain. Crillon refufa d'affaffiner le duc de Guise, mais il offrit à Henri III de fe battre contre lui. Le vicomte d'Orte qui commandoit dans Bayonne, écrivit au roi, qui lui avoit mandé de faire maffacrer les huguenots: a Sire, je n'ai trouvé parmi les habitans » & les gens de guerre que de bons citoyens, » de braves foldats, & pas un bourreau; ainfi eux & moi fupplions votre majefté d'em

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ployer nos bras & nos vies à choses fai>> fables >>.

L'honneur a donc fes règles fuprêmes, & l'éducation eft forcée de s'y conformer. Les principales font, 1o. de ne faire aucun cas de fa vie; de nous montrer toujours par nos actions au-deffus du rang où la fortune nous a placés, & de ne rien fouffrir qui faffe connoître que nous fommes réellement au-dessous ; 2°. que tout ce que l'honneur défend, le foit plus rigoureusement, lorfque les loix ne concourent pas à le profcrire, & que tout ce qu'il exige le foit plus fortement, lorsque les loix ne le prescrivent point

Dans les Dans les gouvernemens defpotiques, l'oEtats defpo- béiffance aveugle est le feul & unique objet

siques.

de l'éducation publique; elle s'y réduit à mettre la crainte dans le cœur, & à donner à l'efprit la connoiffance de quelques principes

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de religion fort fimples. Le favoir y eft dan-
gereux, l'émulation funefte; & pour
les vertus,
Ariftote ne peut croire qu'il y en ait quelqu'une
de propre aux esclaves.

à

Eh! pourquoi l'éducation s'attacheroit-elle у former un bon citoyen, qui prît part au malheur public? S'il aimoit fa nation, il feroit tenté de relâcher les refforts du gouvernement, & fe perdroit, ou courroit grand rifque de fe perdre, & avec lui, le prince & l'empire.

C'est fur-tout dans les gouvernemens républicains que l'on a besoin de toute la puiffance de l'éducation pour infpirer la vertu, c'est-àdire, l'amour des loix & de la patrie cet amour qui nous fait préférer le bien public à notre avantage particulier, & qui eft la fource de toutes les autres vertus.

C'eft fur-tout dans les démocraties où le gouvernement eft, pour ainfi dire, la propriété de chaque citoyen, que cet amour a de la force & de l'énergie. Le vrai moyen de l'inf pirer feroit de diriger toutes les inflitutions à ce but, & fur-tout de faire en forte que les pères en fuffent pénétrés eux-mêmes; il eft encore plus aifé de faire paffer nos paffions dans l'ame de nos enfans que nos connoiffances.

Dans les républiques.

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Livre V.

Ce que c'eft

que la vertu

dans

politique.

Les Loix que le Législateur donne
doivent être relatives au principe du
Gouvernement.

La vertu dans une république eft une chose l'état très-fimple; c'eft l'amour de la république, c'eft un fentiment & non une fuite de connoiffances; le dernier homme de l'état en est auffi fufceptible que le premier; il arrive même que le peuple une fois imbu de bonnes maximes, s'y tient plus long-tems que ce qu'on appelle les honnêtes gens, & il est rare que la corruption commence par lui.

Vertu dans

la démocratie, & loix

L'amour de la république dans une démocratie eft celui de la démocratie elle-même, relatives à ce & l'amour de la démocratie, celui de l'égalité principe du gouverne & de la frugalité. anent.

L'égalité ne peut y fubfifter long-tems fans la frugalité. Par l'égalité, chaque individu doit avoir le même bonheur, les mêmes avantages, goûter les mêmes plaifirs, & former les mêmes efpérances; or la frugalité générale peut feule opérer ce prodige. La feule atteinte qu'il foit permis de porter à l'égalité dans la démocratie, eft de fe furpaffer les uns les autres dans les fervices que l'on peut rendre à fa patrie, & la magnificence ne doit être admife

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que dans les dépenfes publiques. Toutes les loix & les inftitutions doivent donc prefcrire & infpirer dans les démocraties, l'amour de l'égalité & de la frugalité. Elles doivent régler dans cet efprit les dots des femmes, les donations, les fucceffions, les teftamens, enfin toutes les manières d'y contracter.

les loix do

porter au

ment dans l'ariftocratic

Dans l'ariftocratie, où l'inégalité prodigieufe, Comment des fortunes eft un fi grand obftacle à la vertu vent fe rappolitique, il faut que les loix tendent à donner, principe du autant qu'elles peuvent, cet esprit de modé- gouverne ration qui tient lieu d'égalité. Point de prérogatives perfonnelles & particulières parmi les grands, les privilèges doivent être pour le fénat, & le fimple respect pour les fénateurs. La répartition des impôts doit être proportionnellement égale. Il est même effentiel que les nobles ne foient point chargés de les lever, de peur qu'à l'exemple des princes des états defpotiques, ils ne parvinffent bientôt à confifquer impunément les biens de qui il leur plairoit. Le commerce leur doit être interdit; des marchands fi accrédités feroient toutes fortes de monopoles. Le plus miférable de tous les états defpotiques est toujours celui où le prince eft marchand.

Les loix doivent encore établir les moyens les plus efficaces pour que la juftice foit exac

Comment

les loix font

relatives

narchie.

tement rendue au peuple; toute forte d'afyle contre l'exécution des loix perd l'aristocratie, & la tyrannie en eft tout près. Elles doivent également prévenir la pauvreté extrême des nobles, & mettre des obftacles à leur trop grande richeffe, & pour cela il faut qu'elles profcrivent chez les nobles le droit d'aîneffe, les fubftitutions, les retraits lignagers, & tous les moyens inventés pour perpétuer la grandeur des familles dans les monarchies. Enfin il ne faut pas qu'elles favorifent aucune espèce de distinction parmi eux.

Afin que les loix fe rapportent à l'honneur, leur principe qui eft le principe du gouvernement monardans la mo- chique, il faut qu'elles foutiennent la nobleffe, dont l'honneur eft, pour ainfi dire, l'enfant & le pere; qu'elles la rendent héréditaire pour être le lien conftant du peuple avec le prince. Le retrait lignage & tous les privileges réels & perfonnels font autant de prérogatives de la nobleffe, qui ne doivent jamais paffer au peuple; ces prérogatives onéreuses au refte de la nation, font des inconvéniens fans doute mais ils difparoiffent devant l'utilité générale que la nobleffe procure. En les communiquant au peuple, on choqueroit inutilement tous les principes du gouvernement monarchique.

La promptitude de l'exécution, qui eft un

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