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difpofer de fes biens dans une affemblée du peuple, & chaque teftament fut en quelque façon un acte de la puiffance légiflative. Dans la fuite les légiflateurs de Rome, pénétrés de l'idée de la puiffance paternelle, permirent de tefter au préjudice même des enfans. Cette disposition ruina peu-à-peu la constitution politique du partage des terres, elle introduifit plus que toute autre chose la funeste différence entre les richeffes & la pauvreté ; plufieurs partages furent affemblés fur une même tête, des citoyens eurent trop, une infinité d'autres n'eurent rien. Auffi le peuple continuellement privé de fon partage, demanda-t-il fans ceffe une nouvelle diftribution des terres.

Les teftamens étant proprement une loi faite dans l'affemblée du peuple, & ces grandes affemblées ne fe tenant par la fuite que deux fois l'an, on jugea qu'il convenoit à tous les citoyens de faire leur teftament devant quelques citoyens Romains publics, qui représentaffent le corps du peuple. On en prit cinq de vant lefquels l'héritier achetoit du teftateur fa famille, c'est-à-dire, fon hérédité; un autre citoyen portoit une balance pour en peser le prix, car les Romains n'avoient point encore de monnoie. Au refte ces fortes de ventes n'étoient point imaginaires, mais elles le devinrent.

Entre la feconde & la troisième guerre punique, on commença à fentir que les loix des premiers Romains fur les fucceffions, n'ayant d'autre objet que de fuivre l'efprit du partage des terres, ne reftreignoient pas affez les richesses des femmes, & laiffoient par là une porte ouverte au luxe, toujours inféparable de ces richeffes; on fit en conféquence la loi appelée Voconienne, du nom du tribun du peuple, qui la propofa. Cette loi fixoit cependant une certaine fomme, qui devoit être donnée aux femmes, qu'elle privoit de la fucceffion. Comme elle n'étoit établie que pour régler les richesses & non la pauvreté, elle ne ftatuoit que fur ceux qui étoient infcrits dans le cens des cinq premières claffes des citoyens, ce qui fournit aux Romains grands formaliftes, & qui felon l'efprit de leur république, ne fuivoient que la lettre de la loi, un prétexte pour l'éluder. Il y eut des pères, en effet, qui ne se faifoient point infcrire dans le cens, pour pouvoir laiffer leurs fucceffions à leurs filles.

L'efpérance d'éluder la loi Voconiennne introduifit les fideicommis, que la jurisprudence des Romains n'admettoit point auparavant. On inflituoit un héritier capable de recevoir par la loi, & on le prioit de remettre la fucceffion à une perfonne que la loi en avoit exclue.

Cette nouvelle manière de difposer eut des effets bien différens; les uns rendirent la fucceffion, les autres la gardèrent. La loi Pappienne adoucit beaucoup la rigueur de la loi Voconienne; enfin Rome, abimée par les richeffes de toutes les nations, avoit changé de mœurs; il ne fut plus queftion d'arrêter le luxe des femmes, & du tems d'Adrien, la loi Voconienne étoit prefque anéantie. L'empereur Claude donna à la mère la fucceffion de fes enfans comme une confolation de leur perte. Juftinien la leur accorda indépendamment du nombre de leurs enfans; il ôta jufqu'au moindre veftige du droit ancien fur les fucceffions. Il établit trois ordres d'héritiers, les defcendans, les afcendans, les collatéraux, fans aucune diftinction entre les mâles & les femelles, entre les parens par femmes & les parens par hommes, & abrogea toutes. celles qui reftoient à cet égard; il crut fuivre la nature même, en s'écartant de ce qu'il appela les embarras de l'ancienne jurisprudence.

De l'origine & des révolutions des Loix Liv. XXVII. civiles chez les François.

In nova fert animus mutatas dicere formas

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Voici comment les loix faliques, ripuaires, bourguignones & vifigothes ceffèrent peu-àpeu d'être en ufage chez les François.

Commene loix des bar

les codes des

bares & les capitulaires

Les fiefs étant devenus héréditaires, & les fe perdirent. arrière- fiefs s'étant étendus, il s'introduifit beaucoup d'ufages auxquels ces loix n'étoient plus applicables. On en retint bien l'efprit qui étoit de régler la plupart des affaires par des amendes; mais les valeurs ayant fans doute changé, les amendes changèrent auffi. Les feigneurs fixoient eux-mêmes celles qui devoient être payées dans leurs petits tribunaux; ainfi l'on fuivit l'efprit de la loi fans fuivre la loi même. D'ailleurs la France fe trouvant divifée en une infinité de petites feigneuries qui reconnoiffoient plutôt une dépendance féodale qu'une dépendanee politique, il étoit bien difficile qu'une feule loi pût être autorisée ; comment auroit-on pu la faire obferver? L'ufage n'étoit guère plus que l'on envoyât des officiers extraordinaires (Miffi dominici) dans les provinces qui euffent l'oeil fur l'administration de la

juftice & fur les affaires politiques. Il paroît même par les chartres, que lorfque de nouveaux fiefs s'établiffoient, les rois fe privoient du droit de les y envoyer. Ainfi lorfque tout à peu-près fut devenu fief, ces officiers ne purent plus être employés; il n'y eut plus enfin de loix communes, parce que perfonne ne pouvoit faire observer la loi commune.

Les loix faliques, bourguignones & vifigothes furent donc extrêmement négligées à la fin de la feconde race; & au commencement de la troisième, on n'en entendit prefque plus parler.

Sous les deux premières races, on assembla fouvent la nation, c'est-à-dire, les feigneurs & les évêques il n'étoit point encore question des communes. On chercha dans ces affemblées à régler le clergé, dont le corps fe formoit, pour ainfi dire, fous les conquérans, & établiffoit ses prérogatives; les loix faites dans ces affemblées font ce que nous appelons les capitulaires. Il arriva quatre choses. Les loix des fiefs s'établirent, & une grande partie des biens de l'église fut gouvernée par ces loix ; les eccléfiaftiques se séparèrent davantage, & négligèrent des loix de réforme, où ils n'avoient pas été les feuls réformateurs; on recueillit les canons des conciles, & les décrétales des papes; & le clergé reçut ces loix comme venant

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