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triompher de la tyrannie, fi les defpotes vouloient les abolir.

De la tolérance, &

ment de reli

Lorfque les loix d'un état ont cru devoir fouffrir plufieurs religions, il faut qu'elles les du changeobligent auffi à fe tolérer entr'elles. Celle qui gion. eft réprimée devient néceffairement réprimante, fi-tôt que par quelque hafard elle ,peut fortir de l'oppreffion : elle attaque alors fa rivale, non comme une religion, mais comme une tyrannie.

Un prince qui entreprend de détruire ou de changer la religion dominante de fes états, s'expose beaucoup. Si fon gouvernement est defpotique, il court plus de rifque d'exciter une révolution, que par toute autre tyrannie. On ne change pas de religion, de mœurs & de manières dans un inftant, & auffi vîte que le prince publie l'ordonnance, qui établit une religion nouvelle; d'ailleurs, la religion ancienne eft liée à la conftitution de l'état, & la nouvelle n'y tient point; celle-là s'accorde avec le climat, & fouvent la nouvelle s'y refuse. Il y a plus les citoyens fe dégoûtent de leurs loix ; ils prennent du mépris pour le gouvernement déjà établi; on fubftitue des foupçons contre les deux religions, à une ferme croyance pour une; en un mot, on donne à l'état, au moins pour quelque tems, & de

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mauvais citoyens, & de mauvais fidèles.

Il est plus sûr d'attaquer une religion qu'on veut détruire, par la faveur, par les commodités de la vie, par l'efpérance de la fortune que par des peines & des fupplices, qui rendent la religion dont on eft imbu plus nécesfaire que jamais, & qui roidiffent le cœur de l'homme loin de le fléchir. Il vaut mieux l'attaquer par tout ce qui peut en diftraire, & jetter l'ame dans la tiédeur. Règle générale ; en fait de changement de religion, les invitations font plus fortes que les peines.

Livre XXVI. Des Loix dans le rapport qu'elles doivent avoir avec l'ordre des chofes fur lef quelles elles ftatuent.

Des loix divines & humaines,

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Les hommes font gouvernés par diverfes fortes de loix, par le droit naturel, qui est le principe de tout droit; le droit divin qui est celui de la religion; le droit eccléfiaftique ou canonique qui eft celui de la police de la religion; le droit des gens qu'on peut confidérer comme le droit civil de l'univers, dans le fens que chaque peuple en eft citoyen; le droit politique général qui a pour objet cette fageffe humaine, créatrice de toutes les fociétés ; le droit politique particulier qui concerne chaque

fociété ; le droit de conquête fondé fur ce qu'un peuple a voulu, ou pu, ou a dû faire violence à un autre; le droit civil de chaque fociété , par lequel un citoyen peut défendre fes biens & fa vie contre tout autre citoyen; enfin le droit domestique qui vient de ce qu'une fociété eft divifée en diverfes familles, dont chacune a besoin d'un gouvernement particulier. La fublimité de la raifon humaine confifte donc à favoir bien auxquelles de ces fortes de loix se rapportent principalement les choses fur lesquelles ils ont droit de ftatuer, & à net point mettre de confufion dans les principes par lesquels les hommes doivent être gouvernés.

On ne doit point ftatuer par les loix divines ce qui doit l'être par les loix humaines, ni régler par les loix humaines ce qui doit l'être par les loix divines ces deux fortes de loix diffèrent par leur origine, leur objet & leur

nature.

La nature des loix humaines eft d'être foumises à tous les accidens qui arrivent, & de varier à mesure que les volontés des hommes changent: celle des loix de la religion est de ne varier jamais. Il eft néceffaire à la fociété qu'il y ait quelque chofe de fixe dans les liens qui la refferrent, & cette chofe eft la religion & fes loix immuables.

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Les loix civiles ne doivent jamais être contraires à la loi naturelle; mais il ne faut point conclure de ce principe que celle-ci doit régler les fucceffions; elle ordonne aux pères de nourrir leurs enfans, mais elle ne peut obliger de les faire héritiers. Le partage des biens les loix fur ce partage, les fucceffions après la mort de ceux qui ont eu ce partage, tout cela ne peut avoir été réglé que par la fociété, & par conféquent par des loix politiques ou civiles. Il ne faut point régler par les principes du droit politique les chofes qui dépendent des principes du droit civil, ni décider par les règles du droit civil ce qui doit l'être par celles du droit politique. En un mot, il ne faut point décider d'après les principes d'un droit, ce qui doit l'être par ceux d'un autre.

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Liv. XXVII. De l'origine & des révolutions des Loix des Romains fur les fucceffions.

C'est du partage que Romulus fit à fes citoyens des terres de fon petit état, que dérivent les loix de Rome fur les fucceffions. Il fuivit de cette divifion qu'il n'y eut que deux ordres d'héritiers établis par la loi, c'est-à-dire, les enfans & tous les defcendans qui vivoient sous la puiffance du père qu'on appela héritiers-fiens,

& à leur défaut les plus proches parens par mâles qu'on appela agnati. Il fuivit encore delà que les parens par femmes appelés cognati, ne devoient point fuccéder; ils auroient tranfporté les biens dans une autre famille, ce qui auroit été contraire à l'efprit du premier partage. Il fuivit encore delà, & pour la même raison, que les enfans ne devoient point fuccéder à leur mère, ni la mère à ses enfans. Mais il étoit indifférent que l'héritier-fien ou à fon défaut le plus proche agnat, fût mâle lui-même ou femelle, parce que les parens du côté maternel ne fuccédant point, quoiqu'une femme héritière se mariât, les biens rentroient toujours dans la famille d'où ils étoient fortis; c'est pour cela qu'on ne diftinguoit point dans la loi des douze tables, fi la perfonne qui fuccédoit étoit mâle ou femelle.

L'ordre de fucceffions ayant été ainsi établi en conféquence d'une loi politique & conftitutionnelle, un citoyen ne devoit point le troubler par une volonté particulière, c'est-à-dire, que dans les premiers tems de Rome, il ne devoit pas être permis de faire un teftament. Cependant pour n'être point privé dans ces derniers momens du commerce des bienfaits, on trouva un moyen de concilier les loix avec la volonté des particuliers. Il fut permis de

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