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D'HOMÈRE,

AVEC DES REMARQUES;

PRÉCÉDÉE

D'OBSERVATIONS SUR L'ODYSSÉE;

ET DE RÉFLEXIONS

SUR LA TRADUCTION DES POËTES,

PAR P. J. BITAUBÉ,
Membre de l'Institut national de France,
et de l'Académie royale de Berlin.

TROISIÈME ÉDITION,

Revue et corrigée.

Eece par Deo dignum, vir fortis cum malâ fortunâ compositus. SENEC.

TOME DEUXIÈME

PARIS,

STOR LIBRA

NEW-S

DENTU, Imprimeur - Libraire, Palais du Tribunat

galeries de bois, n.o 240;

Et quai des Augustins (ancienne maison DIDOT), n.o 22.

AN XII. --- 1804.

ART

2.

L'ODYSSÉE

D'HO MÈRE.

CHANT VIII.

A PEINE le ciel était-il embelli des roses de la diligente Aurore, que le majestueux Alcinoüs est levé; le vainqueur des remparts, Ulysse, aussi ne tarde pas à quitter sa couche. Déjà à la tête des principaux chefs de l'île, le roi se rend vers le lieu du conseil, qui se tenait près du port, devant leurs vaisseaux; en arrivant, ils se placent l'un à côté de l'autre sur des siéges d'un marbre éclatant. Pour favoriser le départ du fils de Laërte, Minerve parcourt la ville entière sous la figure de l'un des hérauts du sage Alcinoüs; sa voix anime chacun de ceux que rencontrent ses pas: Princes et chefs des phéaciens, ne tardez point, volez au conseil ; vous y verrez cet inconnu qui a couru les mers, qui, jeté sur nos bords par la tempête, vient d'arriver au palais d'Alcinoüs; à sa forme on le prendrait pour l'un des immortels.

Elle dit, et précipite leur course. En un moment les siéges nombreux sont occupés par les chefs, et la place immense est remplie par la foule du peuple qui s'y presse. Tous regardaient avec admiration le fils magnanime de Laërte, tel est le charme divin que Minerve a répandu sur le héros ; jamais ses traits et son port n'eurent une empreinte si majestueuse. La déesse veut qu'il gagne la vénération eť l'amour de la nation entière des phéaciens, et qu'il sorte vainqueur de la lice où ils éprouveront son adresse et son courage.

Dès que l'assemblée est réunie, Alcinoüs élevant la voix: Princes et chefs des phéaciens, dit-il, prêtez-moi l'oreille, je parlerai selon les sentimens de mon cœur. Cet étran⚫ ger, qui m'est inconnu, a été conduit par sa destinée errante dans ma demeure. Vient - il des bords où le soleil se lève? vient-il de ccux où cet astre finit sa carrière? il garde le silence à ce sujet. Mais il nous implore, il nous conjure instamment de lui accorder un prompt retour dans sa patrie. Nous, loin de nous démentir en cette occasion, soyons prêts à lui accorder cet heureux retour. Je n'ai pas à me reprocher qu'aucun étranger, dans la dure attente de cette grace, ait gémi

et versé des larmes dans mon palais. Lançons à la mer le meilleur de nos vaisseaux; pour le guider, choisissons cinquante jeunes hommes dont la force et l'adresse aient été reconnues. Vous qui composerez cette troupe, courez l'équiper; dès que seront attachés les avirons prêts à sillonner l'onde, venez dans ma maison participer à un festin splendide ; je veux qu'elle soit ouverte à de nombreux conviés : ce sont la les ordres que je donne à cette jeunesse. Et vous, hommes décorés du sceptre, princes du peuple, je vous invite à porter vos pas dans mon palais, pour que nous recevions cet hôte avec les honneurs et l'amitié qu'il mérite; qu'aucun de vous ne refuse de s'y rendre, et qu'on se hâte d'appeler Démodoque, ce chantre divin; car un dieu versa dans son ame ces accens dont il nous ravit quand il élève sa voix mélodieuse.

En achevant ces mots il marche à la tête des chefs, qui, décorés du sceptre, le suivent vers son palais; un héraut court appeler le chantre divin; dociles à l'ordre du roi, cinquante jeunes hommes choisis vont au rivage. Dès qu'ils y sont arrivés, ils lancent un vaisseau à la mer profonde, élèvent le mât, suspendent aux cordages les avirons rangés avec

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