Page images
PDF
EPUB

un merveilleux gâteau. Des eunuques et soixante-douze filles aux yeux noirs leur servent dans trois cents plats d'or le poisson Num et les côtes du buffle Balam. L'ange Israfil chante de beaux cantiques; les houris mêlent leurs voix à ces concerts; et les âmes des poëtes vertueux, retirées dans la glotte de certains oiseaux qui voltigent sur l'arbre du bonheur, accompagnent le chœur céleste. Cependant des cloches de cristal, suspendues aux palmiers d'or, sont mélodieusement agitées par un vent sorti du trône de Dieu1.

Les joies du ciel des Scandinaves étaient sanglantes; mais il y avait de la grandeur dans les plaisirs attribués aux ombres guerrières; elles assemblaient les orages et dirigeaient les tourbillons: ce paradis était le résultat du genre de vie que menait le barbare du Nord. Errant sur des grèves sauvages et prêtant l'oreille à cette voix qui sort de l'Océan, il tombait peu à peu dans la rêverie; égaré de pensée en pensée, comme les flots de murmure en murmure, dans le vague de ses désirs, il se mêlait aux éléments, montait sur les nues fugitives, balançait les forêts dépouillées, et volait sur les mers avec les tempêtes.

Les enfers des nations infidèles sont aussi capricieux que leur ciel nous parlerons du Tartare dans la partie littéraire de notre ouvrage où nous allons entrer à l'instant. Quoi qu'il en soit, les récompenses que le christianisme promet à la vertu, et les châtiments qu'il annonce au crime, se font reconnaitre au premier coup d'œil pour les véritables. Le ciel et l'enfer des chrétiens ne sont point imaginés d'après les mœurs particulières d'un peuple, mais ils sont fondés sur des idées générales qui conviennent à toutes les nations et à toutes les classes de la société. Écoutez ce qu'il y a de plus simple et de plus sublime en quelques mots : Le bonheur du juste consistera, dans l'autre vie, à posséder Dieu avec plénitude; — le malheur de l'impie sera de connaitre les perfections de Dieu, et d'en être à jamais privé.

1 Le Coran et les poëtes arabes.

-

On dira peut-être que le christianisme ne fait que répéter ici les leçons des écoles de Platon et de Pythagore. On convient donc au moins que la religion chrétienne n'est pas la religion des petits esprits, puisqu'on avoue que ses dogmes sont ceux des sages?

En effet, les gentils reprochaient aux premiers fidèles de n'être qu'une secte de philosophes; mais, fùt-il certain, ce qui n'est pas prouvé, que l'antiquité eùt, touchant un état futur, les mêmes notions que le christianisme, autre est toutefois une vérité renfermée dans un petit cercle de disciples choisis, autre une vérité qui est devenue la manne commune du peuple. Ce que les beaux génies de la Grèce ont trouvé par un dernier effort de la raison s'enseigne publiquement aux carrefours de nos cités; et le manœuvre peut acheter, pour quelques deniers, dans le catéchisme de ses enfants, les secrets les plus sublimes des sectes antiques.

Nous ne dirons rien à présent du purgatoire, parce que nous le considérons ailleurs sous ses rapports moraux et poétiques. Quant au principe qui établit ce lieu d'expiation, il est fondé sur la raison même, puisqu'il y a un état de tiédeur entre le vice et la vertu qui ne mérite ni les peines de l'enfer ni les récompenses du ciel.

CHAPITRE VII.

JUGEMENT DERNIER.

Les Pères ont été de différentes opinions sur l'état immédiat de l'âme du juste, après sa séparation d'avec le corps. Saint Augustin pense qu'elle va dans un séjour de paix, en attendant qu'elle se réunisse à sa chair incorruptible1. Saint Bernard croit qu'elle est

1 De Trinit., lib. xv, cap. xxv.

[graphic][ocr errors][merged small][merged small][subsumed]

reçue dans le ciel, où elle contemple l'humanité de Jésus-Christ, mais non sa divinité, dont elle ne jouira qu'après sa résurrection1; dans quelques autres endroits de ses sermons, il assure qu'elle entre immédiatement dans la plénitude du bonheur céleste 2: c'est le sentiment que l'Église paraît avoir adopté.

Mais comme il est juste que le corps et l'âme, qui ont commis ou pratiqué ensemble ou la faute ou la vertu, souffrent ou soient récompensés ensemble, la religion nous enseigne que celui qui nous tira de la poussière nous en rappellera une seconde fois pour comparaître à son tribunal. L'école stoïque croyait, ainsi que les chrétiens, à l'enfer, au paradis, au purgatoire, et à la résurrection des corps, et l'idée confuse de ce dernier dogme était répandue chez les mages4. Les Égyptiens espéraient revivre après avoir passé mille ans dans la tombe 5: les vers sibyllins parlent de la résurrection, du jugement dernier, etc.

Pline, en se moquant de Démocrite, nous apprend quelle était l'opinion de ce philosophe touchant une résurrection: Similis et de asservandis corporibus hominum, ac reviviscendi promissa a Démocrito vanitas, quinon vixit ipse7.

La résurrection est clairement exprimée dans ces vers de Phocylide sur la cendre des morts:

Οὐ καλὸν ἁρμονίην ἀναλυεμεν ἀνθρώποιο.

Καὶ τάχα δ' ἐκ γαίης ἐλπίζομεν ἐς φάος ἐλθεῖν,
Λείψανο ἀποιχομένων, ὀπίσω τε θεοὶ τελέθονται.

<< Il est impie de disperser les restes de l'homme, car la cendre et

1 Serm. in Sanct. Omn., 1, 2, 3; de Considerat., lib. v, cap. IV.

2 Serm. 11 de S. Malac., no 5; Serm. de S. Vict., no 4.

SENEC., Epist. Xc; Id. ad. Marc.; LAERT., lib. VII; PLUT., in esig. Stoic.

et in fac. lun.

[blocks in formation]

G

BOCCHUS, in Solin., cap. VIII; LACT., lib. VII, cap. XXIX, lib. Iv, cap. XV,

XVIII et XIX.

? Lib. VII, cap. LV.

« PreviousContinue »