Page images
PDF
EPUB

exister? Et comment naîtrait-il? S'il vient à naître, c'est qu'il n'est pas, et de même s'il doit exister un jour. Ainsi se détruisent et deviennent inadmissibles sa naissance et sa mort.

... La pensée est identique à son objet. En effet, sans l'être, sur lequel elle repose, vous ne trouverez pas la pensée; car rien n'est ni ne sera, excepté l'être, puisque la nécessité a voulu que l'être fût le nom unique et immobile du tout, quelles que fussent à ce sujet les opinions des mortels, qui regardent la naissance et la mort comme des choses vraies, ainsi que l'être et le non-être, le mouvement, et le changement brillant des couleurs.

Or, l'être possède la perfection suprême, étant semblable à une sphère entièrement ronde, qui du centre à la circonférence serait partout égale et pareille; car il ne peut y avoir dans l'être une partie plus forte, ni une partie plus faible que l'autre. PARMENIDE. De la nature, traduction Riaux (1).

EMPEDOCLE.

Empedocle, d'Agrigente (444), connut à la fois les doctrines des Pythagoriciens, des Eléates et des loniens. Il fut célèbre comme médecin, comme magicien, comme prètre, philosophe et poète. On lui offrit la souveraineté d'Agrigente, qu'il refusa. Sa fin est mystérieuse exilé ou volontairement retiré dans le Péloponese, victime peut-être d'une éruption de l'Etna, peut-être enseveli dans l'abime où il se serait précipité lui-même, son tombeau fut toujours ignoré dans la Grèce Il ne resta de lui qu'un poème sur la Nature.

Je t'annonce deux choses: tantôt tout s'élève de la pluralité à l'unité, tantôt tout passe de l'unité à la pluralité (2).

S'il n'y avait pas d'inimitié dans les choses, tout serait un. Tout vient donc de l'Inimitié, excepté Dieu.

L'amour est la charité qui unit (3).... ; grâce persuasive, qui bait mortellement l'intolérable nécessité (4).

Il n'est pas possible de voir l'Amour avec les yeux,

Ou de le prendre avec les mains, ce qui est la plus grande

Voie de persuasion pour le cœur des hommes.

Une tête humaine ne sert pas d'ornement à ses membres;
Deux branches ne s'élancent pas de ses épaules;

Pas de pieds, pas de jambes ;

1. Sur Zénon d'Elée et sur Empedocle, voir les notices et les fragments contenus dans notre Histoire de la philosophie, p. 55 et p. 57.

2. Emp. Fragm. V, 23. Arist. Mét., p. 1000 a.

3. Clément Alex. Strom., V, 552.

4. Plutarq. IX, 14, 4.

Mais un esprit sacré, ineffable, existe,

Qui traverse le monde entier de ses rapides pensées (1).

[blocks in formation]

Gorgias était Sicilien, de la ville de Léontium, ami du philosophe Empedocle. Il naquit vers 500 avant Jésus-Christ. I vint à Athènes après la mort de Périclès (427 avant Jésus-Christ), à la tête de l'ambassade envoyée par les Léontins pour demander du secours contre Syracuse (Diod. Sic. XII, LIII; Pausan. VI, XVII, 8). Il éblouit les Athéniens par son eloquence. Peu après il quitta sa patrie, revint à Athènes, parcourut la Grèce, demeura longtemps en Thessalic, et s'enrichit par ses discours publics et par les leçons qu'il donnait aux jeunes gens (Platon. Hipp. maj., p. 282). Il se fixa enfin à Athènes, et s'y éteignit àgé de cent cinq, peut-être de cent neuf ans (Diog. Laert. VIII).

Il savait, dit Platon, « par la puissance de la parole, faire paraître grandes les petites choses et petites les grandes, donner à l'ancien un air nouveau et au nouveau un air ancien, enfin parler à son grè sur le avec des développements même sujet d'une manière très-concise ou infinis » (Phedre, ch. LI). Il se faisait fort de traiter telle matière que l'on voudrait et de répondre à toutes les questions. Enfin il regardait comme le plus beau privilége de l'orateur de pouvoir, par l'éloge ou le blâme, tour à tour élever et abaisser un mème objet (Cic. Brut., c. XII. Sa doctrine, exposée dans un livre Περὶ τοῦ μὴ ὄντος ἢ περὶ φύσεως, se résumait dans les trois propositions suivantes : rien n'existe'; rien ne peut être connu; rien ne peut être enseigné.

PROTAGORAS.

« Protagoras naquit à Abdère; il fut disciple de Démocrite. Il est le premier qui ait soutenu qu'en toutes choses on pouvait soutenir le pour et le contre; méthode dont il fit usage. Il commence quelque part un discours où il dit que « l'homme est la mesure de toutes choses, de celles <«<< qui sont comme elles sont, et de celles qui ne sont point comme elles « ne sont point. » Il disait que tout est vrai. Dans un autre endroit il dire des dieux. Quant à la quesraisonne en ces termes : « Je n'ai rien <«tion s'il y en a ou s'il n'y en a point, plusieurs raisons empèchent qu'on << ne puisse le savoir, entre autres l'obscurité de la question, et la courte <«< durée de la vie. » Cette proposition lui attira la disgrace des Athéniens, qui le chassèrent de leur ville, condamnèrent ses œuvres à être brûlées sur la place publique, et ceux qui en avaient des copies à les produire en Justice, sur la sommation qui leur en serait faite par le crieur public.

« Il est le premier qui ait exigé cent mines de salaire, qui ait introduit la dispute et inventé l'art des sophismes. Il est auteur de ce genre léger de discussion qui a encore lieu aujourd'hui, et qui consiste à laisser le sens pour disputer du mot. De là les épithetes d'embrouillé, d'habile DIOGÈNE LAERCE (trad. Lefevre). disputeur. »

1. Ammonius. In Arist, de Interp., 7, a.

CHAPITRE TROISIÈME

Socrate et les Socratiques.

SOCRATE.

Socrate naquit à Athènes, en 470. Il était fils de Sophronisque et de Phénarète. Sa biographie contient peu d'événements; toute sa vie se passa à philosopher en public. D'abord sculpteur comme son père, il put, grâce aux conseils et aux secours de Criton, riche Athénien, se livrer sans réserve à son goût pour la philosophie. Appelé par les lois à combattre pour son pays, à Potidée il sauva Alcibiade, à Délium il sauva Xénophon. Membre du sénat élu par le sort, sous la tyrannie des Trente, il s'opposa scul à un jugement inique, et résista à la colère de la multitude. Socrate avait contre lui les sophistes, qu'il avait démasqués; les prêtres, qui considéraient comme une impiété ce culte de la Providence divine propre à inspirer le mépris de leurs faux dieux; les politiques, aux yeux desquels la religion établie était une institution nécessaire pour le maintien de l'Etat. La comédie des Nuées, antérieure d'environ vingt-quatre ans au procès de Socrate, ne fit qu'exprimer les haines et les défiances qu'il excitait, et, en les exprimant, leur donna une nouvelle force. Socrate, qui avait souvent critiqué la démocratie athénienne, eut aussi contre lui les événements qui firent peser sur ses concitoyens une aristocratie tyrannique, et on lui reprocha d'avoir eu pour disciples les Alcibiade et les Critias. Anytus, homme influent du parti démocratique, le fit dénoncer par Mélitus, poëte obscur, comme coupable d'impiété; Socrate, condamné à mort, refusa de s'échapper de sa prison et but la ciguë à l'âge de soixante-dix ans. Ce genie» de Socrate, qui ne le quittait jamais, ou plutôt ce « signe divin » qui l'avertissait toujours quand il était sur le point de mal faire, n'était sans doute dans sa pensée que l'action plus présente de la Providence, et peut-être cédait-il un peu à l'influence des idées mythologiques en y voyant un phénomène extraordinaire. On sait que le physionomiste Zopyre lui ayant attribué les penchants les plus vicieux, Socrate déclara qu'en effet il était ne avec de mauvaises inclinations, mais qu'il les avait vaincues à force d'attention sur lui-même. Les accusations élevées contre ses murs ne peuvent être que des calomnies, car sa vie tout entière, sa doctrine et celle de Platon, son disciple, le mettent hors d'atteinte.

XENOPHON.

Xenophon naquit, vers l'an 445, à Erchie, dans l'Attique. Dès l'âge de dix-huit ans, il s'attache à Socrate et devient son disciple fidèle. Quelques années après, Socrate lui sauve la vie à la bataille de Délium, en l'emportant sur ses épaules au moment où il tombait blessé. Xénophon sert aussi dans la guerre du Feloponèse; et, lorsque cette guerre est terminée, il s'engage, d'après les conseils de son hòte Proxene, au service de Cyrus. I accompagne ce dernier dans son expédition contre ArtaXerxes. Après la défaite de Cunaxa et le massacre des chefs grecs, il

ranime le courage des Dix Mille; il est élu par eux en remplacement de l'un des chefs égorgés, et conduit à travers l'Asie la fameuse retraite des Dix-Mille, où l'armée grecque parcourut, pendant quinze mois, 460 myriamètres.

Après plus de dix ans d'absence, Xénophon revint dans sa patrie; Socrate venait d'y boire la ciguë. Xénophon voulut élever la voix pour flétrir cette infamie et dissiper les préventions qui subsistaient encore contre son maitre; il composa une Apologie et les Entretiens mémorables, ouvrages qui contribuerent pour une large part à rétablir dans toute son intégrité la grande figure de Socrate. Mais Xénophon ne devait pas rester longtemps à Athènes. Son amitié avec le roi de Sparte Agésilas le rendit bientôt suspect; on l'accusa de laconisme, c'est-à-dire d'attachement à Lacédémone, et on le bannit en 394. Ce fut pendant cet exil que Xenophon, prenant de plus en plus en horreur la demagogie athenienne, alla jusqu'à combattre contre sa patrie, comme devaient le faire plus tard ses fils.

Après la bataille de Coronée, il se retira à Scillonte, non loin de la plaine d'Olympie, et c'est là qu'il composa la plupart de ses ouvrages, tour à tour écrivant, chassant et pèchant. Lorsqu'il apprit la mort de l'un de ses fils, Gryllus, à la bataille de Mantinee, il était, dit-on, en train de faire un sacrifice. Il demanda si Gryllus était mort en brave; lorsqu'on lui eut répondu affirmativement, il prononça ces simples paroles: « Je savais que mon fils etait mortel », et il continua le sacrifice. Comme il avait atteint l'age de quatre-vingts ans, les Athéniens, lui rendant une justice tardive, leverent l'arrêt de bannissement porte contre lui, sur la proposition de l'orateur Eubolus; mais Xénophon ne voulut pas rentrer à Athènes. Il mourut à Scillonte, dans un àge très-avancé.

Les principaux ouvrages de Xenophon sont les Mémorables, l'Apologie de Socrate (dont on conteste l'authenticité), l'Economique et le Banquet, dialogues socratiques, le premier sur l'administration domestique et l'agriculture, le second sur divers points de morale; l'Hiéron, parallele du tyran et du simple citoyen; des compositions historiques, telles que les Helleniques, l'Anabase, la Cyropédie, et divers traites sur l'équitation, la chasse. On surnomma Xenophon l'abeille de l'Attique, pour peindre la douceur et l'harmonie de son langage.

Entretien de deux jeunes mariés.

RAPPORTS DE L'HOMME ET DE LA FEMME.

« Quand elle se fut familiarisée avec moi, et que l'intimité l'eut enhardie à converser librement, je lui fis à peu près les questions suivantes : Dis-moi, femme, commences-tu à comprendre pourquoi je t'ai choisie, et pourquoi tes parents t'ont donnée à moi ?... Si la Divinité nous donne des enfants, nous aviserons ensemble à les élever de notre mieux: car c'est un bonheur qui nous sera commun, de trouver en eux des défenseurs et des appuis pour notre vieillesse. Mais, dès aujourd'hui, cette maison nous est commune. Moi, tout ce que j'ai, je le mets eu commun, c. toi, tu as déjà mis en commun tout ce que tu as

apporté. Il ne s'agit plus de compter lequel de nous deux a fourni plus que l'autre ; mais il faut bien se pénétrer de ceci, que celui de nous deux qui gérera le mieux le bien commun fera l'apport le plus précieux.

--

« A ces mots, Socrate, ma femme me répondit: — En quoi pourrai-je t'aider? De quoi suis je capable? Tout roule sur toi. Ma mère m'a dit que ma tâche est de me bien conduire. Oui, par Jupiter! lui dis-je, et mon père aussi me disait la même chose; mais il est du devoir d'un homme et d'une femme qui se conduisent bien de faire en sorte que ce qu'ils ont prospère le mieux possible, et qu'il leur arrive en outre des biens nouveaux par des moyens honnêtes et justes. Le bien de la famille et de la maison exige des travaux au dehors et au dedans. Or la Divinité a d'avance approprié la nature de la femme pour les soins et les travaux de l'intérieur, et celle de l'homme pour les soins et les travaux du dehors. Froids, chaleurs, voyages, guerres, le corps. de l'homme a été mis en état de tout supporter; d'autre part, la Divinité a donné à la femme le penchant, la mission de nourrir les nouveau-nés; c'est aussi elle qui est chargée de veiller sur les provisions, tandis que l'homme est chargé de repousser ceux qui voudraient nuire.

<< Comme la nature d'aucun d'eux n'est parfaite en tous points, cela fait qu'ils ont besoin l'un de l'autre ; et leur union est d'autant plus utile que ce qui manque à l'un, l'autre peut y suppléer. Il faut donc, femme, qu'instruits des fonctions qui sont assignées à chacun de nous par la Divinité, nous nous efforcions de nous acquitter le mieux possible de celles qui incombent à l'un comme à l'autre.

« Il est toutefois, dis-je, une de tes fonctions qui peut-être t'agréera le moins ; c'est que, si quelqu'un de tes esclaves tombe malade, tu dois, par des soins dus à tous, veiller à sa guérison. - Par Jupiter! dit ma femme, rien ne m'agréera davantage.... - Mais le charme le plus doux sera lorsque, devenue plus parfaite que moi, tu m'auras fait ton serviteur; quand, loin de craindre que l'âge, en arrivant, ne te fasse perdre de ta considération dans ton ménage, tu auras l'assurance qu'en vieillissant tu deviens pour moi une compagne meilleure encore, pour tes enfants une meilleure ménagère, pour ta maison une maîtresse . plus honorée. Car la beauté et la bonté ne dépendent point de la jeunesse ce sont les vertus qui les font croître dans la vie aux yeux des hommes. » (Economique.)

« PreviousContinue »