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niffant que fouvent vous avez fait reflexion fur la multitude des Religions. qui font au monde, & les differentes. adorations qu'elles prefcrivent avec toûjours beaucoup d'advantage pour la vraye, trouvez bon que j'interpelle. voftre memoire de fe fouvenir des obfervations que vous avez faites fur ce fubjet; le filence, & le fecret de ce cabinet vous convie, & noftre amitié yous oblige à ne me pas defnier cet entretien pendant le refte de cette aprés-, dinée.

OR ASIUS. De toutes les penfees de noftre humanité il femble qu'il n'y en ait point de plus relevée que celle qui s'attache à la Divinité. C'est le fubjet du dire d'Ariftote au grand Alexandre, que le cœur altier & le haut courage n'eftoit pas feulement permis à ceux qui commandoient ici bas; mais encore à ceux qui avoient de dignes & veritables pensées des Dieux. Mais peut-eftre que d'autre cofté il ne s'en trouvera point qui defcouvre davantage noftre imbecilité, parce que n'y ayant point de proportion du fini à l'infini, & du createur à la creature, l'immenfité de cet objet divin, felon que l'efprouverent Simonides

&

& Meliffus, confond tout à fait nostre Cic. l. entendement comme l'exces de la lu- de Nat. miere du Soleil esblouit & perd noftre Deor. veuë, ut fe habet vifus ad vifibilium & D. fummum nempe folem, fic intellectus ad Laer. fummum intelligibilium nempe Deum, ce que Platon va déduifant fort au long au feptiefme de la Republique. C'eft auffi ce qui a fait dire à quelques-uns que le ciel ne prenoit pas fon etymologie de ce que calatum eft & inf culptum, mais de ce qu'il nous cele & cache ce qu'il contient. Car encor que la divinité foit eftimée s'eftendre par tous les ordres de la Nature, Jovis omnia plena, fi eft-ce que tous ceux qui ont eu quelque imagination d'un Dieu, luy ont toûjours affigné particulierement le Ciel pour fa principale demeure, où il refide avec eminence, Pater nofter qui es in cælis: comme noftre ame quoy que diffuse par tour le corps femble plus attachée au cœur, ou au cerveau, à caufe qu'elle y exerce fes plus nobles fonctions; Ariftote s'en explique ainfi 1. de cœlo, c. 3. Univerfi qui Deos effe putant, tam Graci, quam Barbari,fupremum locum Diis tribuerunt,propterea quod mortale ad immortale eft accommodatum. Auffi a-t'il P6 placé

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placé 8. Phyf. c. ult. fon premier mo teur fur la circonference convexe du premier mobile, & mefme en la partie la plus rapide comme equidiftante des Poles. Or fi les chofes celeftes & particulierement la divinité qui les anime, fe trouve avoir fi peu d'Analogie avec noftre entendement, que cette grande disproportion les empefche de tomber fous fa connoiffance cognitum fiquidem quafi cognatum cognofcenti, ce n'eft pas fans fujet que les Atheniens avoient des autels Anonimes, comme dit Laërtius en la vie d'Epimenides, qui font vray-femblablement ceux qui portoient l'infcription ayvas e Ignoto Deo, dont parle S. Paul Act. 17.& il fe pourroit dire que Platon auroit juftement accufé d'impieté ceux qui recherchent trop curieufement les chofes Divines quand il dit 7. de legibus, Maximum Deum totumque mundum dicimus inquirendum non effe, nec rerum caufas multo ftudio indagandas, nec pium id dicimus. En quoy il a efté bien fuivi par l'hiftorien naturel des Romains qui veut que ce foit chofe furieuse à nous de fortir comme du monde, pour contempler ce qui eft au delà, avec cette maxime

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Div.

nom.

lib. 1. c. 1. Mundi extera indagare nec intereft hominis, nec capit humane conjectura mentis. C'eft pourquoy il femble qu'on fe pourroit arrefter à cette belle fentence Sceptique de S. Denis lib. de fur ce fubjet, Tunc Deum maxime cognofcimus, cum nos eum ignorare cognof cimus. Sieft-ce que beaucoup ont eftimé que tout au contraire que l'efprit de l'homme n'avoit point d'objet qui luy fuft fi convenable & proportionné que celuy de la Divinité dont il est une particule, & qu'il n'y avoit point fi peu de rapport de luy à fon Dieu, qu'il ne s'y trouvast au moins celuy de l'effet à fa caufe. Auffi que fa creation ne femble pas avoir d'autre fin de la part de fon Createur, que de luy faire contempler fa toute bonté, puiffance, & fageffe dans tous fes ouvrages, par le moyen desquels remontant des chofes produites à l'Autheur de leur production, qui font les degrez de cette chaifne d'Homere, nous fommes facilement portez jufques à luy, & faits capables., finon de comprendre fon effence,au moins d'en admirer l'excellence dans fes œuvres, ce qu'ils appellent le connoiftre à pofteriori. Voilà les differentes opinions que je

trouvai

trouvai d'abord touchant l'application de noftre efprit à la recherche d'une Divinité, fur laquelle je trouvai auffi-toft deux advis qui me partagerent l'entendement ; l'un de ceux qui croyent que naturellement l'homme eft porté à la reconnoiffance d'un Dieu, par des principes Phyfiques, & qui font nais avec lui, avec fufpicion mefme que le refte des animaux n'en foient pas totalement despourveus; l'autre de ceux qui le nient abfolument. Les premiers fe fervent de l'authorité d'Ariftote qui dit en fon premier livre du Ciel, c. 3. que Πάντες άνθρωποι περὶ θεῶν ἔχεσιν ὑπόληψην omnes homines de Diis exiftimationem habent, de celle de Platon lequel a penfe bien prouver qu'il y avoit des Dieux, parce que chacun en ayant une notion naturelle & comme infufe, naturalis fpecies cujusque intellectus inanis effe non poteft, dit Ciceron qui a efcrit 1. 1. de nat. Deor. que omnes duce natura eo vehimur, ut Ep. 118. Deos effe dicamus; de Seneque, qui apporte pour exemple d'un general confentement, l'opinion des Dieux, nulla quippe gens ufquam eft (dit-il ) adeg extra leges moresque projecta, ut non aliquos Deos credat, & ainfi d'infinis

autres

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