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bien

que

comparable generofité, que par la fascheufe affiette,& inique condition du lieu, il y en ait fort fouvent qui vont cul par fus tefte chercher leurs deftinées dans les plus profonds abyfmes, & infernales valées qui foient au refte du monde, fi eft-ce qu'on n'en a jamais veu qui fiffent les retifs à l'entreprendre, ni à qui le cœur devint foye par la prefence du peril, & l'exemple calamiteux de leurs compagnons, aymans mieux s'expofer à une mort glorieufe, en fatisfaifant à leur devoir, que furvivre à leur honneur, ou s'opposer aux couftumes de leurs païs. N'eft-ce pas la mefme confideration, laquelle fit refoudre Socrate à la mort? Et cette action peut-elle pas fervir de paralelle à tout ce que l'antiquité a de plus heroïque ? Sed quid Afini mortes. Voyons fa patiente refolution aux plus fafcheufes rencontres de la vie. S'il falloit des exemples finguliers, l'Afne de la ligue en feroit un trés-authentique, qui fe laiffa plutoft defchirer par pieces, & manger dans la ville Catholique de Philonopolis, que de fortir, & fe rendre au party contraire, trés-digne du glorieux épitaphe qui fut drefle à fa memoire. Mais

Phod.

Lib. 3.

entrons au general. Chacun fçait l'inveterée tyrannie que l'homme exerce fur luy, jufques à fevir fon cadavre, comme a remarqué Phædrus,

poft obitum quoque

Perfequitur illum dura fati miferia.

Ce n'eft rien de l'avoir affaffiné de coups pendant la vie,

Ecce alia plaga congeruntur mortuo.

Chacun peut bien auffi prefuppofer combien la perte de la liberté eft une chofe fenfible à un efprit de la trempe du ffen. Cependant quand l'a-ton veu cracher contre le Ciel & murmurer contre les ordonnances? Au contraire avec quelle conftance fupporte-t'il la fervitude? avec quelle refolution s'accommode-t'il avec fes mauvaises fortunes? L'homme luy tient le faix perpetuel fur le dos, le bafton impitoyable fur la croupe, la corde fans ceffe au col, les injures atroces aux oreilles, les fers cloués aux pieds, la faim de Sancerre dans les entrailles, & à tout cela l'Afne ferre les oreilles, va tousjours fon grand chemin, & ne dit pas le moindre mot. Ce n'est donc pas fans fujet qu'on a rimé,

Des

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Des

coups n'eftre point abbatu

C'eft d'un Afne avoir la vertu.

gen. a

A la verité Aristote a remarqué, que 6. hift. l'Afneffe fe reprefentant les miferes de anim. la creature qu'elle peut engendrer auf 23. fi-toft aprés fon accoupplement, reji-2.de cit femen nifi interpelletur, quamobrem nim. ftatim poft coitum verberant, infectan-cap.ult. turque; indignation certes pardonnable, & non fans exemple en celles de fon fexe. Mais quand l'a-t'on veu venir jufques à une rebellion manifeste contre l'homme ? Quand employer le pied ou la dent contre luy, comme font les chevaux, chameaux, dromadaires, & autres montures; fi ce n'est qu'on ayt de tout point violé l'extremité de fa patience? Encores n'ai-je jamais creu, que le bon Apulée, quoy que magnifiquement paré de la peau de fon Afne doré, ayt efté porté d'autre efprit que purement humain, à tirer raifon & fe vanger de ce petit ma¬ raut de conducteur, qui l'avoit auparavant fi mal traicté. Non que de foy il manque de courage, ou de memoire; car je fçai bien, que Galien a remarqué qu'il l'a meilleure que tous les autres animaux; mais pour ce qu'il n'eft

NS

n'eft nullement de l'humeur, ny du genie d'un Afne qui n'a point de fiel, à ce qu'ont obfervé les Anatomiftes, de favourer ainfi delicieusement le doux boucon de la vengeance; veu mefinement que le Seigneur se l'eft refervée, mihi vindictam: comme celuy qui feul fçait bien ufer de cette partie de la Juftice. Auffi n'eft-il pas plus difficile de. fe reprefenter l'ame de l'homme, agiffante fous la figure d'un Maiftre Baudet, que tant d'efprits d'Afnes, que nous voyons operer fous des formes humaines, & dont nous ne nous eftonnons nullement.

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Il ne reste plus à cette fommaire delineation des vertus Afinines, que la temperance à confiderer, laquelle fait garder une mediocrité aux plaifirs dont font capables les fens du gouft, & de l'attouchement, ayant pour regle la neceffité naturelle, naturalibus enim fimpliciter neque meremur, neque demeremur. Je n'adjoufteray rien à ce qui concerne les contentements de la bouche, à ce que nous avons remarqué, parlans de fa forte & vigoureuse fanté, qu'il tient principalement de fa grande moderation au boire, & au manger, quoy que Poftolius veuille que les

Grecs

Grecs ayent attribué proverbialement cent. les mandibules de l'Afne aux beaux 14.pr. mangeurs. Je diray feulement à caufe 68. que les hommes ont fait ici du vice vertu, & de l'yvrognerie une puiffante divinité, qu'il y a des nations d'Afnes entieres qu'Herodote appelle vo Tо- In Me'p. To, fi ennemis de cet infame desbordement, qu'ils paffent volontairement toute leur vie fans boire. Prenons garde s'il eft auffi retenu aux autres plaifirs, qu'on appelle vulgairement de la chair. Vous fçavés comme la nature l'a advantageusement pourveu des parties miniftrantes à cet effet, &quas ne ad cognitionem quidem admittere feverioris nota Afini folent : ce qui a donné lieu au proverbe, el Afne, al Diabolo tiene fo el rabo, en bon François, l'Afne a le diable foubs la queuë. Or vous fçavez qu'il n'eft feu que de gros bois, je parle de ce feu, quem numquam finieris, nifi fanguine extinxeris. La Nature donc ne faifant rien en vain, il eft aise de deviner à quel ufage elle a voué ce merveilleux outil, & qu'elle ne s'eft pas oubliée de donner l'instinct, le courage, & les forces, pour employer aux fins aufquelles elle l'a deftiné. C'eft fur cette propenfion N6

natuk

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