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feftin, que de bien renger une bataille & de bien traiter fes amis, que de vaincre fes ennemis; on peut bien fouftenir auffi qu'un efprit philofophique ne paroift pas moins à la table qu'à l'étude & en faifant bonne chere à fes amis, qu'en difputant avec Ariftote ou Pla

ton.

ORASIUS. Il faut que je vous die fur ce mot de lentille, que je n'ay jamais peu rire du trait d'Esope, qui n'en mift qu'une cuire dans le pot, fondé comme vous fçavez, fur la feule façon de parler du commandement Grec de fon Maitre Xanctus. Car je ne fçay perfonne aujourd'huy,qui prit grand plaifir à une fi froide & fi peu ingenieufe badinerie de fon valet, Mais d'autre cofté j'y obferve, qu'il femble que ces Philofophes anciens eftimaffent beaucoup cette nourriture que tant d'autres meseftiment : voiant dans A. Gellius, que quand le Philo- Liv. 17 fophe Thaurus luy donnoit à fouper en c. 8. Athenes, Cane fundus, & fundamentum omne erat in olla una lentis Ægyptia, & cucurbita inibi minutim cafa. Car bien qu'il femble qu'il y euft plus de frugalité que d'affectation, & acception de ce legume, fi eft ce que la

recom

7. 18.

6. 12.

recommandation de Pline y doit eftre
obfervée, quand il efcrit, aquanimi-
tatem fieri vefcentibus lente: il y a auffi,
outre le proverbe de Zenon allegué
tantoft par Divitiacus, celuy que rap-
porte Ariftote en ces vers de Stratis,

ὅταν φακὴ ἕψεται μὴ σπιχεῖν, μύρον
Ne admifceas unguentum ubi lentem
coquis,

qui fait voir que la lentille eftoit en
grande confideration, puis que fous
fon feul nom on condamne les parfums
parmi toute forte d'aliments.

DIODOTUS. Puis qu'on dit
qu'il faut donner à boire à ceux qui ont
bien allegué, vous en meritez cette fois,
noftre cher Orafius, car veritablement
vous avez fait merveilles de bien con-
jecturer, & du tout fuivant la parœ-
mie, mira de lente, auffi n'eft-ce pas
fans fujet que l'Italien dit, dal ventre
pieno efce miglior configlio, y ayant ap-
parence que la bonne chere ne nous
rend pas moins ingenieux qu'elo-
quents or chacun fçait le vers.

Fœcundi calices quem non fecere di-
fertum.

C'eft

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C'eft pourquoi j'eftine qu'en l'humeur où vous eftes, vous euffiés bien gaigné des prix & des couronnes, pendant les feftins des Saturnales, au jeu de foudre, des enigmes & queftions propofées, tel que nous le reprefente voftre A. Gellius.

ORASIUS. Permettez moy que L. 18. j'aye ma raifon de Diodotus, qui me c. 2. gauffe d'une part, comme fi j'avois parlé fort à bon efcient, & d'ailleurs me taxe du bon devoir où je me fuis mis jufques icy de l'imiter, & fuivre fes rondes Socratiques. Mais encore qu'il me traite fi mal, je ne laifferay pas d'eftimer beaucoup fon bon procedé, & fon exemple à cela prés, qu’auffi bien que Protogene nefcit manum de Tabula.

ERASTE. Vos railleries me remettent en memoire ce qui fut dit il y a peu de jours au Seigneur Panphagus, celuy qui avoit la charge de grand Epulon en cette cour, & que vous fçavez avoir tant aimé le fauce verte, qu'à peine eftoit-il homme fait, qu'il avoit desja mangé tout fon bien en vert. Je l'avois obfervé pendant tout le repas, allant fi vifte & fi bien en befogne, qu'en verité je

croyois,

an.

14.

1.

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4.

C.

croyois, qu'auffi bien que les cerfs, les chevres & les brebis, il cuft plufieurs ventres au lieu d'un, & que Arift 3 comme les heriffons, les cancres & de Hift. les locuftes, il euft dans ces ventres d'autres dents, pour y faire une feconde maftication: tant y a que je C. n'eftime pas qu'à n'avoir qu'un ventre, tout homme n'en fuft crevé, s'il n'euft efté ouvrant & fermant à bouver.hift tons, comme ceux des habitans de la lune. Cela n'empefcha pas que quelqu'un, peut-eftre pour le rire, ne luy fit ce beau compliment, que fa feigneurie ne mangeoit point, à quoy un autre prés de moi repartit auffi toft, elle n'a garde de manger, la bonne Dame, puis qu'elle mefme a efté mangée il y a long-temps.

Luc. I.

L. 4. mam.

Secr.

XENOMANES. Je trouverois quelque chofe à redire à vos gentilles attaques, fi je ne me fouvenois que Socrate dans Xenophon fe donne bien la licence d'interpreter le moto↓opayos, au defavantage de quelqu'un, lequel il voyoit à table manger plus de viande que de pain. D'autre part auffi j'aurois trouvé les gaufferies d'Orafius & Diodotus meilleures, fi elles avoient cu plus de fondement. Mais fi Gor

gias Leontin fe fut comporté comme eux & vous, en tous les feftins de fon temps, fans doute qu'il n'en eust rien perdu de fa longue vivacité; bien que fe faifant mourir de faim aprés cent & huit ans, il proteftoit de voir ce long âge & fa forte difpofition, à ne s'eftre voulu trouver aux banquets avec les autres de fon fiecle. Auffi vous ay-je receus de forte que vous pourrez dire en mon honneur, que fi les foupers de Platon eftoient agreables Cic. 4. encore le lendemain, & n'empê- Tufcul. choient point le repos de la nuict, les difners qui fe prennent ceans ne font point importuns le foir, & n'oftent point le gouft du fouper; vous ayant receus felon la propre fignification du mot Athenien voxeïsai, epulari, au- Xen. quel Socrate dit, que cette particule mem. où a efté adjoutée, pour fignifier qu'il Socr. ne doit rien y avoir en un repas au corps, ou à l'efprit des banquetans, ny faire peine à celuy qui le donne', par fa rareté, ou par fon appreft. De ma part j'affeureray de vous, que fi le refte des hommes ufoit du boire & du manger comme vous faites, les vivres feroient à beaucoup meilleur prix.

4.

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