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aux hommes et aux femmes (1). Néron y vint pour consulter la déesse (2); Pison essaya de s'y réfugier (3). Mais, durant la nuit, les hommes en étaient rigoureusement exclus. C'est ce qui fait dire à Ovide : « Je ne te vis pas, ô déesse; loin de moi les poétiques mensonges! il n'était point permis à un homme de porter sur toi ses regards (4). »

Une semblable interdiction protégeait, la nuit, la demeure des Vestales. Il y avait même dans cette demeure une chambre secrète, le Penus du Palladium, où le grand prêtre lui-même ne pouvait pénétrer. Une fois, cependant, nous le dirons bientôt, le Pontife entra dans ce sanctuaire intime pour sauver le Palladium qu'un incendie allait dévorer: mais, avant de se jeter dans les flammes, il demanda pardon à la déesse de son audace sacrilège et de sa témérité. « Pardonnez, objets sacrés, s'écriat-il; homme, je vais pénétrer dans un sanctuaire interdit aux hommes. Si c'est un crime, que je sois seul puni pour l'avoir commis; que ce sacrilège retombe sur ma tête, et que Rome n'ait point à l'expier (5). »

(1) De die patuisse omnibus, at pernoctare fas fuisse nemini masculo. DIONYS.)

(2) Super profectione sua veneraturus deos adiit Capitolium et Vestæ quoque templum inivit. (TACITE, Annal., XV.)

(3) Pervasit in ædem Vestæ. (Apud eumdem.)

(4)

(5)

Non equidem vidi, valeant mendacia vatum,
Te, dea, nec fueras aspicienda viro.

(Fastes, VI, 253-254.)
Ignoscite, dixit,

Sacra vir intrabo non adeunda viro.

Les femmes seules avaient un libre accès au temple et à la demeure et le jour et la nuit. Bien souvent les matrones romaines venaient aider les Vestales aux lustrations prescrites et à l'entretien du feu sacré. C'était un honneur pour les familles patriciennes de pouvoir servir, ne seraitce que quelques heures, dans le sanctuaire de Vesta. Veiller auprès du feu sacré, c'était veiller sur la patrie ellemême, c'était préparer les victoires, c'était conserver à l'Empire sa grandeur et sa prospérité.

Ainsi, nous nous plaisons à le constater, même au milieu de la corruption de ce peuple, en pleines ombres du paganisme, il y eut une vénération profonde pour celle qu'on appelait la déesse vierge. Les hommes avaient pour elle ce respect de la crainte qui provoquait leur admiration; les femmes, cette confiante foi, qui les portait à placer sous cette divinité tutélaire la garde de leurs plus chers intérêts.

Si scelus est in me commissi pœna redundet:
Sit capitis damno Roma soluta mei.

(Fastes, VI, 449-452).

CHAPITRE III

LA DEMEURE DES VESTALES

La demeure des premiers rois de Rome. La Regia de Numa au Forum. La demeure d'Auguste et de ses successeurs sur le Palatin. L'Atrium Vestæ.

Sa magnificence et son étendue. Inscriptions et statues des Vestales.

L

A demeure des Vierges Vestales se trouvait auprès du temple de la déesse. Elle renfermait quatre

groupes de constructions, à savoir: la regia, ou la demeure royale de Numa, l'atrium de Vesta, la maison du grand-prêtre et celle du roi sacrificateur. Confondus et mêlés ensemble, il est difficile de déterminer exactement aujourd'hui quels murs formaient la séparation entre ces divers édifices, d'autant que, sous Auguste, les Vestales devinrent seules maîtresses et propriétaires de ces divers bâtiments.

Les premiers rois de Rome n'eurent point de demeure fixe. Romulus habita sur le Palatin et y bâtit sa Roma quadrata, une enceinte carrée qui occupait une partie

considérable du plateau (1). A l'angle occidental de la colline, on voyait anciennement une cabane de planches qui était l'habitation du berger Faustulus, tegurium Faustuli; c'est là où Romulus fut recueilli et élevé. Plus tard, elle reçut le nom de domus Romuli', soit que Romulus l'eut habitée réellement, soit que près d'elle il eut fixé sa demeure.

Après l'enlèvement des Sabines, Tatius, leur roi, voulant venger l'outrage fait à ses sujets, s'empara une nuit du Capitole par la trahison de la Vestale Tarpéia. On allait en venir aux mains, lorsque les femmes, se jetant entre les Romains et les Sabins, désarmèrent par leurs larmes leurs pères et leurs époux. La paix conclue, les deux peuples n'en firent qu'un seul, et les deux rois régnèrent ensemble: Tatius sur le Capitole, Romulus sur le Palatin, jusqu'au jour où le roi sabin périt assassiné.

Romulus étant mort également assassiné, le sabin Numa Pompilius fut choisi après un an d'interrègne, pour le remplacer. Ce fut un roi pacifique et religieux, un législateur éclairé qui s'efforça de faire régner la paix

(1) Ex (Roma quadrata) incipit a silva quæ est in areâ Apollinis, et ad supercilium scalarum Caci habet terminum, ubi tegurium fuit Faustuli. Ibi Romulus mansitavit.

(SOLINUS. Polyhistor., cap. I.)

Cum Dyonisio et Livio diximus Romulum Palatium montem incoluisse, quod et Plutarchus affirmat : « Romulus, inquit, eam urbis partem incoluit, qua ex Palatio in circum maximum itur, juxta quem locum sunt quos pulchri littoris gradus vocant. >>

(PANCIROL. Descript. Romæ, Région X).

parmi son peuple et d'en adoucir les mœurs. Au lieu d'habiter, comme ses prédécesseurs, ou sur le Capitole ou sur le Palatin, il se fixa au pied de cette dernière colline, auprès du temple de Vesta. De vieilles traditions plaçaient en cet endroit la demeure d'Evandre, un des anciens rois du Latium avant la fondation de Rome; d'autres ajoutaient encore que Hercule, ayant abordé en Italie, avait habité ces lieux, y avait fait paître ses troupeaux et avait tué, non loin de là, sur l'Aventin, le brigand Cacus, dont les ravages désolaient la contrée (1).

On donna depuis le nom de regia, ou demeure royale, à l'habitation que Numa se construisit. « Sur cet espace >> étroit, dit Ovide, qui porte le parvis de Vesta, s'élevait >> autrefois la demeure royale de Numa à la longue che>> velure >>> (2).

Etant à la fois roi et pontife, Numa régla définitivement le culte de Vesta et établit auprès de lui les Vierges Vestales. << Rome, ajoute Ovide, avait quarante fois » célébré les Palilies (3), quand la déesse qui préside >> au feu sacré fut reçue dans un temple. Ce fut l'œuvre » d'un roi pacifique, le mortel le plus soumis aux dieux » qui fût né jusque-là aux pays des Sabins >> (4).

(1) Virgile. Enéide, liv. VII.

(2) Hic locus exiguus qui sustinet atria Vestæ, Tunc erat intonsi regia parva Numæ.

(Fastes, VI, 265-266).

(3) Les Palilies étaient les fêtes que l'on donnait tous les ans

en souvenir de la fondation de Rome.

(4)

Dena quater memorant habuisse Palilia Romam,

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