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E revenais un jour, dit Ovide (1), des fêtes de Vesta, par l'endroit où la Voie Nouvelle se joint maintenant

au Forum romain; là je vis une matrone descendre pieds nus surpris, je m'arrêtai, gardant le silence; une vieille du voisinage s'aperçoit de mon étonnement; elle me prie de m'asseoir, et, tout en branlant la tête, elle me parle ainsi d'une voix cassée : « Sur l'emplacement

(1) Forte revertebar festis Vestalibus illac,

Qua Nova romano nunc via juncta foro est.
Huc pede matronam vidi descendere nudo;
Obstupui; tacitus sustinuique gradum.
Sensit anus vicina loci; jussumque sedere

Adloquitur, quatiens, voce tremente, caput :
Hoc, ubi nunc fora sunt, udæ tenuere paludes;

autrefois

du Forum actuel s'étendaient d'humides marais. C'était un lac où le fleuve débordé venait verser ses eaux ; il portait le nom de Curtius; c'est aujourd'hui un terrain solide où les autels reposent à sec; mais c'était un lac autrefois. Dans le Vélabre, par où se rend au cirque le cortège des jeux, il n'y avait que des saules et de souples roseaux. Souvent on entendait ceux qui revenaient de quelque festin chanter en traversant ces ondes voisines de la ville, et lancer aux matelots les propos de l'ivresse. Le dieu Vertumne n'avait pas reçu encore, pour avoir détourné le cours du fleuve, ce nom qui exprime si bien ses formes changeantes. Là aussi était un bois rempli de joncs et de roseaux, et un marécage qu'on ne pouvait aborder sans ôter sa chaussure. Les eaux stagnantes se sont retirées, le fleuve est contenu par ses rives, le sol est à sec, mais

Amne redundatis fossa madebat aquis.
Curtius ille lacus, siccas qui sustinet aras,
Nunc solida est tellus, sed lacus ante fuit.
Qua velabra solent in circum ducere pompas,
Nil præter salices, cassaque canna fuit.
Sæpe suburbanas rediens conviva per undas
Cantat et ad nautas ebria verba jacit.
Nondum conveniens diversis iste figuris

Nomen ab averso ceperat amne deus.
Hic quoque lucus erat, juncis et arundine densus
Et pede velato non adeunda palus.

Stagna rece sserunt, et aquas sua ripa coercet;

Siccaque nunc tellus: mos tamen inde manet.

le vieil usage s'est conservé. » Ma curiosité était satisfaite. « Adieu, lui dis-je, ô bonne vieille, puisse s'écouler doucement ce qui te reste de jours!

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Ovide revenait des fètes de Vesta, lorsqu'une vieille lui apprit ainsi ce qu'avait été le Forum romain. Depuis que le Tibre avait repris ses rives, cet emplacement avait bien changé d'aspect. Là étaient les rostres du Capitole et la tribune aux harangues (1). Là devaient s'élever successivement le temple de la Concorde, celui de Saturne et celui de Castor, la basilique Julia, la colonne de Phocas, le temple d'Antonin et de Faustine, les arcs de Titus et de Septime-Sevère et la statue colossale de Domitien, dont Stace disait: (2)

Quelle est cette masse, ce colosse surmonté d'un autre colosse, qui s'élève embrassant le Forum latin? Nous est-il venu du ciel tout achevé ce chef-d'oeuvre? Ou bien cette image est-elle sortie des fournaises de Sicile, laissant Stérope et Brontès las et abattus? Est-ce enfin Pallas, dont la main divine a voulu t'offrir à nos regards tenant les rênes de ton coursier, tel que le Rhin t'a vu naguère

Reddiderat causam. Valeas, anus optima, dixi;
Quod superest ævi, molle sit omne, tui.

(Fastes, VI, 395-416.)

(1) Murray, Rome and its environs. The roman Forum, p. 21. (2) Quæ super imposito molles gæminata colosso

Stat Latium complexa Forum? Cælone peractum
Fluxit opus? Siculis an conformata caminis
Effigies, lassum Steropem Brontemque reliquit ?
An te Palladiæ talem, Germanice, nobis

et tel aussi que t'ont vu les rocs escarpés du Dace tremblant devant toi vainqueur de la Germanie?

» La tête environnée d'un air pur comme d'une auréole, tu t'élèves et brilles au-dessus des temples: tu as l'air d'examiner au loin si les palais surgissent plus beaux pour insulter à l'incendie, si le feu troyen veille dans le silence du sanctuaire, et si Vesta commence à se louer de la vertu de ses prêtresses. >>

C'est dans le Forum, au milieu de ces monuments rappelant la protection des dieux et les gloires de l'empire, non loin de la statue de Domitien, que s'élevait le temple de Vesta.

Sa place dans le Forum nous est clairement indiquée par les auteurs anciens. Denys d'Halicarnasse le met << entre le Capitole et le Palatin, sur l'espace situé entre les deux collines (1) ». Servius nous dit qu'il se trouvait «< au pied du Palatin et à l'extrémité du Forum (2) ». Il

Effingere manus, qualem modo frena tenentem
Rhenus, et attoniti vidit domus ardua Daci?

Ipse autem puro celsum caput aere septus,
Templa superfulges et prospectare videris
An nova contemptis surgat Palatia flammis
Pulchrius, an tacita vigilet face Troicus ignis
Atque exploratas jam laudet Vesta Ministras.
(Silve, 1.)

(1) Inter Capitolium et Palatium, medio fere spatio. (II, 66.) (2) In radicibus Palatii, finibusque romani Fori. (ŒŒn., VIII,363.)

était encore situé sur la Voie sacrée. Horace, racontant sa rencontre avec un importun, nous apprend que cette voie longeait le temple de Vesta (1). Ovide le confirme, lorsque, après avoir décrit le Forum d'Auguste, il ajoute : << Voici le temple de Vesta, où l'on garde le Palladium et le feu éternel; là fut le modeste palais de l'antique Numa (2) ».

C'est donc par erreur que quelques archéologues, écrivant au dernier siècle, ont placé le temple de Vesta, les uns à l'endroit où se trouve aujourd'hui l'église SaintThéodore, les autres sur la place della Bocca della Verità, où existe encore, en effet, un gracieux temple rond, entouré d'élégantes colonnes et désigné faussement sous le nom de temple de Vesta. Juste Lipse, qui écrivait son livre sur les Vestales au commencement du XVIIe siècle, est d'accord avec les classiques et avec les archéologues de nos jours (3).

Le temple de Vesta fut élevé la quarantième année de la fondation de Rome et la deuxième du règne de

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(1) Ibam forte via sacra sicut meus est mos. Ventum erat ad Vestæ

(2)

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(Lib. I, Sat. Ix.)

Hic locus est Vestæ, qui Pallada servat et ignem.
Hæc fuit antiqui regia parva Numæ.

(Tistes III. Elégie 1, 29.)

(3) De Vesta et Vestalibus syntagma. Antverpiæ, 1603. Marucchi, il Foro romano.

Maës, Vesta e Vestali: et les

autres éminents archéologues romains qui ont écrit, ces dernièannées, sur les Vestales.

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