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déesse avance et suit la main qui la guide, et, en suivant Claudia, elle la justifie. Un cri de joie s'élève jusqu'aux cieux (1) ».

Ainsi une intervention merveilleuse protégeait parfois les Vierges faussement accusées.

La dernière des Vestales coupables, qui subit le supplice de l'ensevelissement, fut Primigenia (2). C'était sur la fin du IVe siècle, presque à la veille de l'abolition des Vierges de Vesta. Celui qui ordonna sa mort fut Symmaque, alors consul de Rome, l'austère défenseur du vieux culte et des anciennes divinités.

Mais ce n'est point à Rome que Primigenia fut ensevelie. Envoyée à Albe pour présider quelque cérémonie, séduite par Maxime, elle y avait souillé ses bandelettes et violé son vou. Coupable d'un tel crime, on la jugea indigne de franchir les murs de Rome, même pour aller à la mort. Symmaque confia son châtiment et le châtiment de Maxime au magistrat le plus voisin, chargé dans les provinces des arrêts de la justice. Pour la dernière fois, les lois anciennes furent appliquées dans toute leur sévérité et dans toute leur rigueur.

Mota Dea est; sequiturque ducem, laudatque sequendo

Index lætitiæ fertur in astra sonus.

(Fastes, liv. IV, 305-328.)

(1) La statue de Claudia traînant le vaisseau de Cybèle, était placée sous le vestibule du temple de cette déesse. (2) SYMMAQUE, ép. IX, 121 et 122.

Par cet acte de haute justice, Symmaque pensait donner au monde une preuve de la vitalité des vieilles institutions. Mais le paganisme expirait; il tombait comme un édifice vermoulu, sapé à la base et découronné. Les croyances de l'Empire n'avaient plus de corps; on ne les retrouvait plus que chez quelques âmes, doctrines éparses et dispersées, semblables à ces blocs de glace qui se sont détachés des mers du pôle, et que des navires rencontrent errant sur l'Océan. Le christianisme, après trois siècles, avait déjà tout transformé, et les mœurs, et les coutumes, et les familles, et les institutions. Devant la vérité de sa doctrine, les ténèbres devaient disparaître et les ombres s'enfuir.

Au milieu de ces débris de l'ancien culte, l'institution des Vestales fut la dernière à tomber; peut-être, parce qu'étant la plus pure des conceptions païennes, elle avait plus de vie et suscitait encore quelque respect. Mais dans l'Eglise, dont le foyer était à Rome, il y avait une prédication plus grande de la vertu, une virginité plus parfaite, une prière plus sereine, un sacrifice d'une valeur infinie et, sous des voiles eucharistiques, un véritable Palladium. L'Empire était chrétien, le collège des Vestales devait être aboli.

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CHAPITRE XI

ABOLITION DU COLLÈGE DES VESTALES

Progrès rapides du Christianisme à Rome. Conversion de plusieurs familles nobles. Les chrétiens de la maison de César. Probabilité d'une Vestale chrétienne. Antagonisme entre l'Évangile et le culte païen. L'autel de la Victoire, les Vestales et les prêtres. Pretextatus et Symmaque défendent les Vestales et les dieux. Requête de Symmaque. Une première lettre de saint Ambroise à l'emSa réponse à Symmaque. Décision de Valentinien. La dernière Vestale.

pereur.

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E Christianisme n'a pas été une simple évolution de la pensée se développant sur les ruines de

l'ancien monde. Sa doctrine plus élevée, sa morale plus pure, ne sont pas les fruits d'un progrès continuel; ses institutions, ses œuvres, ne sont pas une modification, une forme nouvelle des institutions antiques et des œuvres du passé.

Parti des bords de la Judée, prêché par des hommes sans lettres et sans culture, il portait avec lui des signes. manifestes d'une divine nouveauté. L'unité de l'Empire, les voies sans nombre qui le sillonnaient, le mouvement

des légions, l'uniformité de la langue, les rapports si faciles avec l'Orient, l'état des esprits, la satiété des âmes, l'attente d'un grand évènement, durent, en vérité, servir à la propagation de la foi nouvelle. Mais la religion païenne flattait si bien les passions de l'homme et se prêtait si facilement à ses coupables désirs, qu'à peine connu, le christianisme devait rencontrer, dans les institutions, de redoutables obstacles, et, dans les hommes, de puissantes oppositions (1).

Il y eut donc lutte entre l'ancienne croyance et la nouvelle foi, lutte qui dura trois siècles, après lesquels le christianisme triompha. Il n'avait opposé à ses persécuteurs que la paisible affirmation de sa doctrine et la constance de ses martyrs. C'était plus qu'il n'en fallait pour vaincre.

Dès le premier jour, en effet, le christianisme avait conquis des âmes et s'était fait des prosélytes ardents. Grâce aux découvertes archéologiques et aux savants travaux de M. de Rossi, il est aujourd'hui prouvé que la diffusion de la religion chrétienne a été très rapide dans Rome. Déjà Tacite, parlant des chrétiens du temps de Néron, les compare à une multitude (2). Et Tertullien dit que ce fut le mouvement de cette grande multitude, laissant le culte des idoles pour embrasser celui du vrai

(1) L'abbé BRUGÈRE. Tableau de l'histoire et de la littérature de l'Eglise, t. I, pag. 14.

(2) Multitudo ingens. Ann., XXV, 44.

Dieu, qui devint le prétexte de la première persécution (1).

Le mouvement ne fit que grandir. Au second siècle, les chrétiens pouvaient dire: « Nous ne sommes que d'hier, et nous remplissons tout, vos villes, vos campagnes, et jusqu'à votre Sénat et au palais de votre empereur (2). >>

Des inscriptions anciennes trouvées dans les catacombes, sont dédiées à de nobles dames romaines de rang sénatorial (clarissima) (3). Nous savons par Dion Cassius que des consuls, des sénateurs et des magistrats illustres furent mis à mort pour avoir professé l'Evangile (4). Saint Paul, écrivant aux Philippiens, les salue au nom des saints de Rome, et en particulier, au nom de ceux qui sont dans la maison de César (5). Quels étaient ces chrétiens de la maison de César? Peut-être quelques légionnaires ou quelques serviteurs, car c'est dans les salles inférieures du Palatin, servant probablement de corps de garde, que l'on a trouvé ces grafilli tracés au stylet ou à la pointe du couteau, dont l'un représente un

(1) Dum animadverteret Nero, non modo Romæ, sed ubique quotidie magnam multitudinem desinere a cultu idolorum et ad religionem novam transire... (Apolog. V.)

(2) Apolog. 37.

(3) De Rossi, Roma Sotteranca, t. I, pag. 110.

(4) Hist. LXXII.

(5) Salutant vos omnes sancti, maxime qui de domo Cæsaris sunt. (Ad Philipp., IV, 22.)

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