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ligion avoient établi le lien indiffoluble, les Loix civiles euffent réglé qu'il fe peut rompre, ce feroient deux chofes contradictoires.

&

que

Quelquefois les caracteres imprimés, au Mariage par les Loix civiles, ne font pas d'une abfolue néceffité; tels font ceux qui font établis par les Loix, qui, au lieu de caffer le mariage, fe font contentées de punir ceux qui le contractoient.

Chez les Romains, les Loix Fappien nes déclarerent injuftes les mariages qu'el les prohiboient, & les foûmirent feulement à des peines (a) ; & le Sénatus-confulte rendu fur le difcours de l'Empereur Marc-Antonin, les déclara nuls; il n'y eut plus (b) de mariage, de femme, de. dot, de mari. La Loi civile fe détermine felon les circonftances: quelquefois elle. eft plus attentive à réparer le mal, quelquefois à le prevenir.

(a) Voyez ce que j'ai dit ci-deffus au ch. xx1. du Liv. dcs Loix, dans le rapport qu'elles ont avec le nombre des habitans.

(b) Voyez la Loi 16. ff. de Ritu Nuptiarum, & la Loi 3. §. 1. auffi au Digeft. de Donationibus inter virum &,

#xorem.

CHAP.

CHAPITRE XIV.

Dans quel cas, dans les Mariages entre parens, il faut fe régler par les Loix de la Nature, & dans quel cas on doit fe régler par les Loix Civiles.

E

N fait de prohibition de mariage en

tre parens, c'eft une chofe très délicate de bien pofer le point auquel les Loix de la Nature s'arrêtent, & où les Loix civiles commencent. Pour cela il faut établir des principes.

Le mariage du fils avec la mere confond l'état des chofes : le fils doit un refpect fans bornes à fa mere, la femme doit un respect fans bornes à fon mari; le mariage d'une mere avec fon fils renverferoit dans l'un & dans l'autre leur état naturel.

Il y a plus; la Nature a avancé dans la femme le tems où elle peut avoir des enfans; elle l'a reculé dans l'homme ; & par la même raifon, la femme ceffe plutôt d'avoir cette faculté, & l'homme plus tard. Si le mariage entre la mere & le fils étoit permis, il arriveroit prefque toûjours que, lorfque le mari feroit capable

d'entrer

'd'entrer dans les vûes de la nature, la femme n'y feroit plus.

Le mariage entre le pere & la fille ré pugne à la nature, comme le précédent; mais il répugne moins, parce qu'il n'a pas ces deux obftacles. Auffi les Tartares, qui peuvent époufer leurs filles ( a ) n'époufent-ils jamais leurs mcres, comme nous le voyons dans les Relations (b).

Il a toûjours été naturel aux peres de veiller fur la pudeur de leurs enfans. Chargés du foin de les établir, ils ont dû leur conferver, & le corps le plus parfait, & l'ame la moins corrompue, tout ce qui peut mieux infpirer des defirs, & tout ce qui eft le plus propre à donner de la tendreffe. Des peres, toûjours occupés à conferver les mœurs de leurs enfans, ont dû avoir un éloignement naturel pour tout ce qui pourroit les corrompre. Le mariage n'eft point une corruption, dirat-on : mais avant le mariage, il faut parler, il faut fe faire aimer, il faut féduire; c'eft cette féduction qui a dû faire hor

reur.

(a) Cette Loi eft bien ancienne parmi eux. Attila, dit Prifcus, dans fon Ambassade, s'arrêta dans un certain lieu pour époufer Efca, fa fille ; chofe permife, dit-il, par les Loix des Scythes, pag. 22.

(4) Hift. des Tartares, part. 3. p. 256.

n

Il a donc fallu une barriere infurmon table entre ceux qui devoient donner l'é◄ ducation, & ceux qui devoient la recevoir, & éviter toute forte de corruption, même pour caufe légitime. Pourquoi les peres privent-ils fi foigneufement ceux qui doivent époufer leurs filles, de leur compagnie & de leur familiarité?

L'horreur pour l'incefte du frere avec la fœur, a dû partir de la même fource. Il fuffit que les peres & les meres aient voulu conferver les mœurs de leurs enfans & leurs maifons pures, pour avoir infpiré à leurs enfans de l'horreur pour tout ce qui pouvoit les porter à l'union des deux fexes.

La prohibition du Mariage entre coufins germains a la même origine. Dans les premiers tems, c'eft-à-dire dans les tems faints, dans les âges où le luxe n'étoit point connu, tous les (a) enfans reftoient dans la maifon, & s'y établisfoient: c'eft qu'il ne falloit qu'une maifon très-petite pour une grande famille. Les enfans (6) des deux freres, ou les Coufins germains, étoient regardés & se

(a) Cela fut ainfi chez les premiers Romains. (b) En effet, chez les Romains, ils avoient le même nom; les coufins germains étoient nommés freres.

regardoient

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regardoient entr'eux comme freres. L'éloignement qui étoit entre les freres & les fœurs pour le mariage, étoit donc (a) auffi entre les coufins germains.

Ćes caufes font fi fortes & finaturelles, qu'elles ont agi prefque par toute la terre, indépendamment d'aucune communication. Ce ne font point les Romains qui ont appris aux habitans de (6) Formofe, que le mariage avec leurs parens au quatrieme dégré étoit inceftueux; ce ne font point les Romains qui l'ont dit aux Arabes (c); ils ne l'ont point enfeigné aux Maldives (d).

Que fi quelques Peuples n'ont point rejetté les mariages entre les peres & les enfans, les foeurs & les freres, on a vû, dans le Livre premier, que les êtres intelligens ne fuivent pas toujours leurs Loix. Qui le diroit! des idées religieufes ont fouvent fait tomber les hommes dans ces égaremens. Si les Affyriens, fi les Perfes

(a) Ils le furent à Rome dans les premiers tems, jufqu'à ce que le Peuple fit une Loi pour les permettre; il vouloit favorifer un homme extrèmement populaire, & qui s'étoit marié avec fa coufine germaine: Plutarque, ala Traité des Demandes des chofes Romaines.

(b) Recueil des Voyages des Indes, Tom. V. part, Ij Relation de l'état de l'ile de Formofe.

(c) L'Alcoran, ch. des Femmes.

(d) Voyez Français Pyrard,

Tom. III.

I

Ont

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