Page images
PDF
EPUB

fans (a) mérite, on ceffa dans ce moment de (b) l'employer; on verra bien qu'on en a pris une fauffe idée, & que c'étoit une Loi admirable que celle qui prévenoit les mauvais effets que pouvoit produire la gloire d'un Citoyen ; en le comblant d'une nouvelle gloire.

CHAPITRE XVIII.

Qu'il faut examiner fi les Loix qui paroiffent fe contredire, font du même ordre.

A

ROME il fut permis au mari de prêter fa femme à une autre. Plutarque nous le (c) dit formellement: on fait que Caton prêta fa (d) femme à Hortenfius, & Caton n'étoit point homme à violer les Loix de fon pays.

D'un autre côté, un mari qui fouffroit les débauches de fa femme, qui ne la mettoit pas en jugement, ou qui la reprenoit (e) après la condamnation, étoit

f) Hyperbolus. Voyez Plutarque, vie d'Ariftide. (6) 11fe trouva oppofé à l'efprit du Législateur. (c) Plutarque, dans fa comparaifon de Lycurgue & de

Numa.

(d) Plutarque, vie de Caton."

(e) Leg. 11. §. ultim, ff. ad Leg. Jul. de Adult.

puni. Ces Loix paroiffent fe contredire, & ne fe contredifent point. La Loi qui permettoit à un Romain de prêter fa femme, eft visiblement une inftitution Lacédémonienne, établie pour donner à la République des enfans d'une bonne efpece, fi j'ofe me fervir de ce terme : l'autre avoit pour objet de conferver les moeurs. La premiere étoit une Loi politique, la feconde une Loi civile.

CHAPITRE XIX.

Qu'il ne faut pas décider par les Loix Civiles les chofes qui doivent l'être par les Loix Domestiques.

L

A Loi des Wifigoths vouloit que les (a) efclaves fuffent obligés de lier l'homme & la femme qu'ils furprenoient en adultere, & de les préfenter au mari & au Juge: Loi terrible, qui mettoit entre les mains de ces perfonnes viles le foin de la vengeance publique, domestique & particuliere !

.

Cette Loi ne feroit bonne que dans les Serrails d'Orient, où l'Efclave, qui eft chargé de la clôture, a prévariqué fi(a) Loi des wifigoths, Liv, III. tit, 4. §. 6.

tôt

tôt qu'on prévarique. Il arrête les criminels, moins pour les faire juger, que pour fe faire juger lui-même, & obtenir l'on cherche dans les circonftances de l'action, fi l'on peut perdre le foupçon de fa négligence.

que

Mais dans les pays où les femmes ne font point gardées, il eft infenfé que la Loi civile les foumette, elles qui gouvernent la maison, à l'inquifition de leurs efclaves.

Cette inquifition pourroit être, tout au plus dans de certains cas, une Loiparticuliere domeftique, & jamais une Loi civile.

CHAPITRE X X.

Qu'il ne faut pas décider par les principes des Loix Civiles les chofes qui appartiennent au Droit des Gens.

L

A liberté confifte principalement à ne pouvoir être forcé à faire une chofe que la Loi n'ordonne pas ; & on n'eft dans cet état que parce qu'on est gouverné par des Loix civiles: nous fommes donc libres, parce que nous vivons fous des Loix civiles.

Il fuit de-là, que les Princes qui ne vivent point entr'eux fous des Loix civiles, ne font point libres ; ils font gouvernés par la force; ils peuvent continuellement forcer ou être forcés. De-là il fuit

que les Traités qu'ils ont faits par force, font auffi obligatoires que ceux qu'ils auroient faits de bon gré. Quand nous qui vivons fous des Loix civiles, fommes contraints à faire quelque contrat que la Loi n'exige pas, nous pouvons à la fayeur de la Loi, revenir contre la violence: mais un Prince, qui eft toûjours dans cet etat dans lequel il force ou il eft forcé, ne peut pas fe plaindre d'un Traité qu'on lui a fait faire par violence. C'est comme s'il fe plaignoit de fon état naturel : c'est comme s'il vouloit être Prince à l'égard des autres Princes, & les autres que Princes fuffent Citoyens à fon égard; c'eft-à-dire, choquer la nature des chofes.

CHAP.

CHAPITRE

XXI.

Qu'il ne faut pas décider par les Loix Po litiques les chofes qui appartiennent, au Droit des Gens.

L

Es Loix politiques demandent que tout homme foit foumis aux Tribunaux criminels & civils du pays où il eft, & à l'animadverfion du Souverain. Le Droit des gens a voulu que les Princes s'envoyaffent des Ambaffadeurs: & la raifon tirée de la nature de la chofe, n'a pas permis que ces am baffadeurs dépendiffent du Souverain chez qui ils font envoyés, ni de fes Tribunaux. Ils font la parole du Prince qui les envoye, & cette parole doit être libre; aucun obftacle ne doit les empêcher d'agir ; ils peuvent fou vent déplaire, parce qu'ils parlent pour un homme indépendant: on pourroit leur imputer des crimes, s'ils pouvoient être punis pour des crimes; on pourroit leur fuppofer des dettes, s'ils pouvoient être arrêtés pour des dettes : un Prince qui a une fierté naturelle, parleroit par la bouche d'un homme qui auroit tout à crain dre. Il faut donc fuivre à l'égard des Am

baffadeurs a

« PreviousContinue »