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la Nature humaine ne fauroit affez reconnoître.

,

C'est ce droit des gens qui fait que, parmi nous, la victoire laiffe aux peuples vaincus ces grandes chofes, la vie la liberté, les Loix, les biens, & toûtjours la Religion, lorfqu'on ne s'aveugle pas foi-même.

On peut dire que les peuples de Europe ne font pas aujourd'hui plus défunis que ne l'étoient dans l'Empire Romain, devenu defpotique & militaire, les peuples & les armées, ou que ne l'étoient les armées entr'elles d'un : côté les armées fe faifoient la guerre, & de l'autre on leur donnoit le pillage des villes, & le partage ou la confiscazion des terres.

CHAPITRE IV,

Conféquences du caractere de la Religion Chrétienne, & de celui de la Religion Mahometane,

SUR

UR le caractere de la Religion Chrétienne & celui de la Mahométane, l'on doit, fans autre examen, embraffer

l'une

Tune & rejetter l'autre car il nous eft bien plus évident qu'une Religion doit adoucir les mœurs des hommes, qu'il ne l'eft qu'une Religion foit vraie.

C'est un malheur pour la Nature hu maine, lorfque la Religion eft donnée par un Conquérant. La Religion Mahométane, qui ne parle que de glaive, agit encore fur les hommes avec cet efprit deftructeur qui l'a fondée.

L'Hiftoire de Sabbacon (a) un des Rois Pasteurs, eft admirable. Le Dieu de Thebes lui apparut en fonge, & lui ordonna de faire mourir tous les Prêtres d'Egypte. Il jugea que les Dieux n'avoient plus pour agréable qu'il régnât puifqu'ils lui ordonnoient des chofes fi contraires à leur volonté ordinaire, & il fe retira en Ethiopie.

(a) Voyez Diodore, Liv. II.

CHAPITRE

A

CHAPITRE V.

que

la

Que la Religion Catholique convient mieux à une Monarchie, & Proteftante s'accommode mieux d'une République.

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ORSQU'UNE Religion naît & fe forme dans un Etat, elle fuit ordinairement le plan du Gouvernement où elle eft établie car les hommes qui la reçoivent, & ceux qui la font recevoir, n'ont guere d'autres idées de Police que celle de l'Etat dans lequel ils font

nés.

Quand la Religion Chrétienne fouffrit, il y a deux fiecles, ce malheureux partage qui la divifa en Catholique & en Proteftante, les peuples du Nord embrafferent la Proteftante, & ceux du Midi garderent la Catholi

que.

C'est que les peuples du Nord ont & auront toûjours un efprit d'indépendance & de liberté que n'ont pas les peuples du Midi; & qu'une Religion qui n'a point de Chef vifible, convient

mieux à l'indépendance du climat que celle qui en a un.

Dans les pays mêmes où la Religion Proteftante s'établit, les révolutions fe firent fur le plan de l'Etat politique. Luther ayant pour lui de grands Princes, n'auroit guere pû leur faire goû ter une autorité Eccléfiaftique qui n'auroit point eu de prééminence extérieure ; & Calvin ayant pour lui des peuples qui vivoient dans des Républiques, ou des bourgeois obfcurcis dans des Monarchies, pouvoit fort bien ne pas établir des prééminences & des dignités.

Chacune de ces deux Religions pouvoit fe croire la plus parfaite; la Calviniste se jugeant plus conforme à ce que Jefus Chrift avoit dit, & la Luthé rienne à ce que les Apôtres avoient fait.

CHAPITRE

M

V L

Autre Paradoxe de Bayle.

R. Bayle, après avoir infulté tou tes les Religions, flétrit la Religion Chrétienne : il ofe avancer que de véritables Chrétiens ne formeroient pas

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un Etat qui pût fubfifter. Pourquoi non? Ce feroient des Citoyens infiniment éclairés fur leurs devoirs, & qui auroient un très-grand zele pour les remplir; ils fentiroient très-bien les droits de la défense naturelle ; plus ils croiroient devoir à la Religion, plus ils penferoient devoir à la Patrie. Les principes du Chriftianisme bien gravés dans le cœur, feroient infiniment plus forts que ce faux honneur des Monarchies, ces vertus humaines des Républiques, & cette crainte fervile des Etats Defpotiques.

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Il eft étonnant qu'on puiffe imputer à ce grand homme d'avoir méconnu l'efprit de fa propre Religion; qu'il n'ait pas fu diftinguer les ordres pour l'établiffement du Chriftianifme, d'avec le Chriftianifme même, ni les préceptes de l'Evangile d'avec fes confeils: lorfque le Légiflateur, au lieu de donner des Loix, a donné des confeils, c'est qu'il a vû que fes confeils, s'ils étoient ordonnés comme des Loix, feroient contraires à l'efprit de fes Loix.

CHAPITRE

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