Il n'a point tous ces arts qui trompent notre ennui Mais que lui manque-t-il? la nature est à lui. Des grottes 71, des étangs, une claire fontaine,
Dont l'onde en murmurant l'endort sous un vieux chêne; Un troupeau qui mugit, des vallons, des forêts;
Ce sont là ses trésors, ce sont là ses palais.
C'est dans les champs qu'on trouve une mâle jeunesse, C'est là qu'on sert les dieux, qu'on chérit la vieillesse : La Justice, fuyant nos coupables climats, Sous le chaume innocent porta ses derniers pas.
O vous72, à qui j'offris mes premiers sacrifices, Muses, soyez toujours mes plus chères délices! Dites-moi quelle cause éclipse dans leur cours
Le clair flambeau des nuits, l'astre pompeux des jours; Pourquoi la terre tremble, et pourquoi la mer gronde; Quel pouvoir fait enfler, fait décroître son onde; Comment 73 de nos soleils l'inégale clarté S'abrège dans l'hiver, se prolonge en été ; Comment roulent les cieux, et quel puissant génie Des sphères dans leur cours entretient l'harmonie.
Illusasque auro vestes, Ephyreiaque æra; Alba neque Assyrio fucatur lana veneno, Nec casia liquidi corrumpitur usus olivi : At secura quies, et nescia fallere vita, Dives opum variarum; at latis otia fundis, Speluncæ, vivique lacus; at frigida Tempe, 470 Mugitusque boum, mollesque sub arbore somni Non absunt. Illic saltus ac lustra ferarum, Et patiens operum, parvoque assueta juventus, Sacra deum, sanctique patres; extrema per illos Justitia excedens terris vestigia fecit.
Me vero primum dulces ante omnia Musæ, Quarum sacra fero ingenti perculsus amore, Accipiant, cœlique vias et sidera monstrent, Defectus solis varios, Lunæque labores;
Unde tremor terris; qua vi maria alta tumescant, 480 Objicibus ruptis, rursusque in se ipsa residant; Quid tantum Oceano properent se tingere soles
Mais si mon sang trop froid m'interdit ces travaux, Eh bien, vertes forêts, prés fleuris, clairs ruisseaux, J'irai, je goûterai votre douceur secrète :
Adieu, gloire, projets. O coteaux du Taygète, Par les vierges de Sparte en cadence foulés, Oh! qui me portera dans vos bois reculés ! Où sont, ô Sperchius, tes fortunés rivages! Laissez-moi de Tempé parcourir les bocages; Et vous, vallons d'Hémus, vallons sombres et frais, Couvrez-moi tout entier de vos rameaux épais. Heureux le sage 74 instruit des lois de la nature, Qui du vaste univers embrasse la structure, Qui dompte et foule aux pieds d'importunes erreurs, Le sort inexorable et les fausses terreurs;
Qui regarde en pitié les fables du Ténare, Et s'endort au vain bruit de l'Achéron avare! Mais trop heureux aussi qui suit les douces lois Et du dieu des troupeaux et des nymphes des bois ! La pompe des faisceaux, l'orgueil du diadèmie, L'intérêt 75, dont la voix fait taire le sang même,
Hiberni, vel quæ tardis mora noctibus obstet. Sin, has ne possim naturæ accedere partes, Frigidus obstiterit circum præcordia sanguis, Rura mihi et rigui placeant in vallibus amnes; Flumina amem silvasque inglorius. O, ubi campi, Sperchiusque, et virginibus bacchata Lacænis Taygeta! O, qui me gelidis in vallibus Hæmi Sistal, et ingenti ramorum protegat umbra!
Felix qui potuit rerum cognoscere causas, Atque metus omnes et inexorabile fatum
Subjecit pedibus, strepitumque Acherontis avari! Fortunatus et ille deos qui novit agrestes,
Panaque, Silvanumque senem, Nymphasque sorores! Illum non populi fasces, non purpura regum Flexit, et infidos agitans discordia fratres, Aut conjurato descendens Dacus ab Histro; Non res Komanæ, perituraque regna; neque ille Aut doluit miseraus inopem, aut invidit habenti.
De l'Ister conjuré les bataillons épais,
Rome, les rois vaincus, ne troublent point sa paix : Auprès de ses égaux passant sa douce vie,
Son cœur 76 n'est attristé de pitié ni d'envie; Jamais aux tribunaux, disputant de vains droits, La chicane pour lui ne fit mugir sa voix :
Sa richesse, c'est l'or des moissons qu'il fit naître ; Et l'arbre qu'il planta chauffe et nourrit son maître. D'autres, la rame en main, tourmenteront la mer, Ramperont dans les cours, aiguiseront le fer; L'avide conquérant, la terreur des familles, Égorge les vieillards, les mères et les filles,
Pour dormir sur la pourpre 77, et pour boire dans l'or; L'avare ensevelit et couve son trésor;
L'orateur au barreau, le poëte au théâtre, S'enivrent de l'encens d'une foule idolâtre; Le frère égorge un frère, et va sous d'autres cieux Mourir loin des lieux chers qu'habitaient ses aïeux. Le laboureur en paix coule des jours prospères; Il cultive le champ que cultivaient ses pères : Ce champ nourrit l'État, ses enfants, ses troupeaux, Et ses bœufs, compagnons de ses heureux travaux.
500 Quos rami fructus, quos ipsa volentia rura Sponte tulere sua, carpsit; nec ferrea jura, Insanumque forum, aut populi tabularia vidit.
Sollicitant alii remis freta cæca, ruuntque In ferrum, penetrant aulas et limina regum : Hic petit excidiis urbem miserosque penates, Ut gemma bibat, et Sarrano dormiat ostro. Condit opes alius, defossoque incubat auro :
Hic stupet attonitus rostris : hunc plausus hiantem Per cuneos, geminatur enim, plebisque patrumque 510 Corripuit. Gaudent perfusi sanguine fratrum, Exsilioque domos et dulcia limina mutant, Atque alio patriam quærunt sub sole jacentem. Agricola incurvo terram dimovit aratro :
Hinc anni labor; hinc patriam parvosque nepotes
que les saisons, sa fortune varie :
Ses agneaux au printemps peuplent sa bergerie; L'été remplit sa grange, affaisse ses greniers; L'automne d'un doux poids fait gémir ses paniers; Et les derniers soleils, sur les côtes vineuses, Achèvent de mûrir les grappes paresseuses.
L'hiver vient; mais pour lui l'automne dure encor : Les bois donnent leurs fruits 78, l'huile coule à flots d'or. Cependant ses enfants, ses premières richesses,
A son cou suspendus disputent ses caresses: Chez lui de la pudeur tout respecte les lois; Le lait de ses troupeaux écume entre ses doigts; Et ses chevreaux, tout fiers de leur corne naissante, Se font en bondissant une guerre innocente. Les fêtes, je le vois partager ses loisirs Entre un culte pieux et d'utiles plaisirs : Il propose des prix à la force, à l'adresse ; L'un déploie en luttant sa nerveuse souplesse; L'autre frappe le but d'un trait victorieux, Et d'un cri triomphant fait retentir les cieux.
Sustinet; binc armenta boum, meritosque juvencos. Nec requies quin aut pomis exuberet annus, Aut fetu pecorum, aut cerealis mergite culmi, Proventuque oneret sulcos, atque horrea vincat. Venit hiems teritur Sicyonia bacca trapetis ; 520 Glande sues læti redeunt; dant arbuta silvæ; Et varios ponit fetus auctumnus, et alte Mitis in apricis coquitur vindemia saxis. Interea dulces pendent circum oscula nati; Casta pudicitiam servat domus ; ubera vaccæ Lactea demittunt; pinguesque in gramine læto Inter se adversis luctantur cornibus hædi.
Ipse dies agitat festos, fususque per herbam, Ignis ubi in medio, et socii cratera coronant. Te, libans, Lenæe, vocat; pecorisque magistris 530 Velocis jaculi certamina ponit in ulmo; Corporaque agresti nudant prædura palæstra. Hanc olim veteres vitam coluere Sabini;
Ainsi les vieux Sabins vivaient dans l'innocence; Ainsi des fiers Toscans s'agrandit la puissance; Ainsi Rome, aujourd'hui reine des nations, Seule en sa vaste enceinte a renfermé sept monts. Même avant Jupiter, avant que l'homme impie Du sang des animaux osât souiller sa vie, Ainsi vivait Saturne: alors d'affreux soldats Au bruit des fiers clairons ne s'entr'égorgeaient pas; Et le marteau pesant, sur l'enclume bruyante, Ne forgeait point encore l'épée étincelante.
Mais ma seconde course a duré trop longtemps; Et je dételle enfin mes coursiers haletants.
Jeune Palès, et toi, divin berger d'Admète, Qui sur les bords d'Amphryse as porté la houlette; Déesses des forêts, divinités des eaux, Ma muse va pour vous reprendre ses pinceaux. Assez et trop longtemps de vulgaires merveilles Ont des peuples oisifs fatigué les oreilles :
Hanc Remus et frater; sic fortis Etruria crevit; Scilicet et rerum facta est pulcherrima Roma, Septemque una sibi muro circumdedit arces. Ante etiam sceptrum Dictæi regis, et ante Impia quam cæsis gens est epulata juvencis, Aureus hanc vitam in terris Saturnus agebat. Necdum etiam audierant inflari classica, necdum 540 Impositos duris crepitare incudibus enses.
Sed nos immensum spatiis confecimus æquor, Et jam tempus equum fumantia solvere colla.
Te quoque, magna Pales, et te, memorande, canemus,
Pastor ab Amphryso; vos, silvæ amnesque Lycæi.
Cætera, quæ vacuas tenuissent carmine mentes,
Omnia jam vulgata. Quis aut Eurysthea durum,
Aut illaudati nescit Busiridis aras?
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