leur coupable conquête. Ils inventèrent, pour le tromper, la fable d'un serpent nommé Ophion, et d'une femme appelée Eurynome, peut-être la même qu'Eve. Ils en firent les premiers souverains de l'Olympe, d'où ils furent chassés par Saturne et par Rhée, avant que l'antre de Dictée eût vu naître Jupiter. Cependant le couple infernal arriva dans le Paradis, trop tôt, hélas! pour notre infortune. D'abord parut le Péché, qui, tenant déjà ce beau lieu sous sa puissance, venait y régner pour toujours en personne. Derrière lui marchait pas à pas la Mort, qui n'était point encore montée sur son pâle cheval. Le Péché lui adressa ces mots: Second rejeton de Satan, ô Mort qui vas tout subjuguer ! que penses-tu de notre empire? Ne sommes-nous pas bien dédommagés des fatigues du voyage? et ne vaut-il pas mieux régner ici que de languir à la garde des sombres portes de l'enfer, sans pouvoir et sans nom, où toi-même tu expirais de besoin? » Le monstre, enfant du Péché, répondit aussitôt : « Éternellement consumé par une faim dévorante, le Ciel, le Paradis, l'Enfer, tous les lieux me sont égaux ; c'est dans celui qui me fournira le plus de proie que je me trouverai le mieux. Malgré l'abondance qui règne ici, je ne vois pas encore de quoi remplir l'immense capacité de mon corps affamé. » « Ne diffère donc plus, repartit son incestueuse mère; que ces herbes, ces fruits, ces fleurs soient ta première pâture; dévore ensuite les quadrupèdes, les poissons, les oiseaux; n'épargne rien, engloutis tout ce qui tombera sous la faux du Temps, tandis qu'établissant ma résidence dans l'Homme et parmi sa race, j'infecterai ses pensées, ses regards, ses paroles, ses actions, pour en faire ta dernière et ta plus douce proie. » Après ces mots, ils se séparent et prennent des routes différentes, l'un et l'autre également occupés du projet de détruire et de répandre dans chaque chose des germes plus ou moins actifs de destruction. A ce spectacle, l'Éternel, du haut de son trône éclatant et du milieu de ses Saints, fit entendre ces mots à cette brillante hiérarchie: ་་ Voyez avec quelle ardeur ces dogues de l'enfer s'avancent pour "To waste and havoc yonder world, which I "So fair and good created! and had still Kept in that state, had not the folly of man "Let in these wasteful furies, who impute 'Folly to me: so doth the prince of hell "And his adherents, that with so much ease "I suffer them to enter and possess "A place so heavenly; and conniving seem "To gratify my scornful enemies, "That laugh, as if, transported with some fit "Of passion, I to them had quitted all, "At random yielded up to their misrule; "And know not that I call'd, and drew them thither, "My hell-hounds, to lick up the draff and filth "Of thy victorious arm, well-pleasing Son, "Then heaven and earth renew'd shall be made pure Through multitude that sung." Just are thy ways, Such was their song; While the Creator, calling forth by name dévaster la terre, cette terre que j'avais créée si belle et si parfaite, et qui le serait encore si la folie de l'Homme ne leur en avait ouvert l'entrée. C'est moi cependant que traitent d'insensé ces monstres destructeurs; c'est moi que calomnient le prince des ténèbres et ses dignes partisans; il semble, à leurs indécentes railleries, que je sois moi-même d'intelligence avec mes insolents ennemis, et qu'égaré par un transport de colère j'abandonne cette demeure céleste à leur barbare domination. Ils ne savent pas que si j'ai permis l'entrée de la terre à ces chiens infernaux, c'est pour qu'ils lèchent de leur langue avide la tache qu'a laissée le péché de l'Homme; qu'ils se remplissent avec excès de cet impur venin, et qu'au premier coup de ton bras victorieux, ô mon Fils bien-aimé! et le Péché et la Mort, et l'insatiable sépulcre tombent et se précipitent à travers l'abîme du Chaos; l'enfer les recevra dans sa gueule dévorante, et ses portes se fermeront aussitôt pour jamais. La terre et les cieux reprendront alors leur pureté première, et ne la perdront plus; mais il faut auparavant que la malédiction prononcée ait reçu son exécution. >> Il dit; et, du sein de l'immense assemblée, s'élèvent des chants de triomphe pareils au mugissement des mers. « Tes voies sont justes, tes décrets sur tes ouvrages sont remplis d'équité. Qui pourrait porter atteinte à ta puissance?» Ils adressent ensuite leurs hommages au Fils de l'Eternel, à ce futur Rédempteur du genre humain, qui fera sortir du sein de l'abîme, ou descendre du haut du ciel, une nouvelle terre et des cieux nouveaux. Tels furent les chants des chœurs célestes. Cependant le Créateur appela par leurs noms les principaux d'entre ses anges, et leur ordonna différents changements qu'exigeait l'état actuel des choses. Le soleil les entend le premier; ils lui commandent de diriger son cours, de lancer ses rayons de manière que la terre soit tour à tour brûlée par une chaleur, et glacée par un froid presque insupportables; ils appellent du fond du nord l'Hiver décrépit, et du midi les brûlantes ardeurs du solstice d'été. Ils règlent les fonctions de la blanche lune ; ils tracent les mouvements des cinq autres planètes, et, les suivant dans leurs aspects funestes du sextil, du quadrat et du trine, ils prescrivent le moment terrible de leur opposition et de leur conjonction. Les étoiles fixes apprennent à verser leurs influences malignes; elles exciteront les tempêtes, celles-ci en se levant, les autres en tombant avec le soleil. Ils assignent aux vents . Which of them, rising with the sun, or falling, Bursting their brazen dungeon, arm'd with ice, leurs différentes retraites; ils marquent le moment où ils en sortiront pour confondre à grand bruit l'air, la terre et les mers; et le tonnerre sait dans quel temps il roulera la terreur au sein des sombres nuages. On assure que ces mêmes anges, selon l'ordre qu'ils reçurent d'incliner de plus de vingt degrés les pôles de la terre sur l'axe du soleil, renversèrent, non sans peine, le globe central dans une position oblique: d'autres prétendent que le soleil, docile à la voix de son maître, détourna ses coursiers dans la même distance de la ligne équinoxiale, pour monter par le Taureau, les sept sœurs atlantiques, et les Jumeaux de Sparte, jusqu'au tropique du Cancer, et de là descendre par le Lion, la Vierge et la Balance, jusqu'au Capricorne, distribuant dans sa route les diverses saisons aux différents climats. Sans ce changement, de riantes fleurs auraient paré la terre d'un éternel printemps, et tous les jours de l'année auraient été égaux aux nuits; les habitants des cercles polaires eussent été les seuls privés de cette faveur; mais, pour les dédommager de sa distance, le soleil n'eût jamais cessé de les éclairer. Circulant perpétuellement sur leur horizon, il n'aurait eu pour eux ni lever ni coucher, et le froid Estotilant n'aurait pas plus connu la neige, que les terres australes au delà de Magellan, également éloignées de l'équateur. Mais à la vue de la coupable intempérance de nos pères, ainsi que depuis à celle du banquet de Thyeste, le soleil s'élança hors de sa route accoutumée. Eh! sans ce premier crime, la terre habitée, mais dans l'état d'innocence, eût-elle été exposée tour à tour, comme elle l'est aujourd'hui, au froid perçant de l'hiver, à la chaleur brûlante de l'été? Ces changements dans les cieux en produisirent, par degrés, de semblables sur la terre et sur la mer. Frappés par l'influence des astres sinistres, les airs furent infectés de brouillards, de vapeurs, d'exhalaisons brûlantes et pestilentielles. Déjà, brisant leurs prisons d'airain, accourent, du nord de Norumbeca et du rivage des Samoyèdes, et Borée et Cæcias, et le fougueux Thrascias et le bruyant Argestes. Armés de neige et de glace, de grêle, de tempête et de tourbillons, ils renversent les forêts, ils bouleversent les mers. Dans une direction opposée, s'élancent, des bords de Serraleona et des portes du midi, Notus et le brûlant Afer, poussant devant eux de sombres nuages chargés de tonnerre; et, tout au travers de la mêlée, se précipitent avec une égale furie les vents d'orient et d'occident, Eurus et Zéphyrus, au milieu de leurs impétueux compagnons, Sirocco et Libecchio. Ainsi le désordre de la nature commença par les choses inanimées. Bientôt avec la féroce Antipathie, la Discorde, fille aînée du Péché, introduisit la Mort parmi les animaux. Quadrupèdes contre quadru |