Page images
PDF
EPUB

dans sa gloire. C'était là certainement de l'inspiration lyrique, avec ses caractères les plus élevés, religieuse, patriotique et guerrière. Mais qu'eut-elle longtemps pour interprètes? Une imagination pauvre et sèche, une langue rude et barbare, la grossièreté du mètre saturnien, ou tout au plus de ces vers d'abord si péniblement formés sur le patron grec par Livius Andronicus.

Livius Andronicus, en effet, n'a pas seulement inauguré, au commencement du sixième siècle de Rome, par sa traduction de l'Odyssée, l'épopée des Romains, par quelques drames également traduits ou imités du grec, leur tragédie et leur comédie; il a été encore, sans doute d'après les mêmes modèles, le fondateur proprement dit de leur poésie lyrique, tout ce qui avait précédé en ce genre, à une époque barbare, ne pouvant être considéré comme appartenant à l'art et étant resté anonyme.

[ocr errors]

Tite-Live raconte qu'en l'an de Rome 547, certains prodiges effrayants firent recourir aux aruspices et, sur leur réponse, à des cérémonies expiatoires. Trois chœurs, composés chacun de neuf jeunes filles, parcoururent la ville, se rendant en grande pompe au temple de Juno Regina. Arrivées sur le Forum, elles s'arrêtèrent, et, les mains entrelacées, formant une sorte de chaîne, accompagnant des mouvements cadencés de leurs pieds les modulations de leurs voix, elles chantèrent un hymne, composé en l'honneur de la déesse par le poëte Livius; hymne, dit l'historien, qui pouvait plaire, en ce temps, à des esprits encore rudes, mais qui semblerait aujourd'hui, si je le rapportais, bien étranger à notre goût, bien grossier. Illa tempestate forsan laudabile rudibus ingeniis, nunc abhorrens et inconditum, si referatur. Nous devons bien regretter le scrupule qui nous a privés d'un morceau si curieux; il nous eût fait mesurer l'intervalle qui sépare l'auteur du Carmen sæculare, chargé, en 737, de prêter sa voix harmonieuse à l'expression des sentiments publics de Rome, et son lointain prédécesseur, remplissant

1. Hist., XXVII, 27.

déjà, cent quatre-vingt-douze ans auparavant, grand honneur pour la poésie naissante, ce noble rôle. Il fit de lui un personnage presque divin. Tout scribe qu'il était, c'est ainsi que dans la Rome des premiers siècles on appelait un peu dédaigneusement les poëtes, il y avait des jours où les scribes, les poëtes ses confrères, et avec eux les comédiens de ce théâtre qu'il avait fondé, pouvaient aller déposer des offrandes en son honneur dans le temple de Minerve, situé sur le mont Aventin1.

On rencontre un peu plus loin, dans l'histoire de TiteLive 2, à la date de 582, un fait absolument semblable : même terreur publique, même prescription des aruspices, mêmes cérémonies expiatoires. Le chœur est composé d'un nombre pareil de jeunes Romaines, sainte troupe, à la fois gracieuse et pudique, festis moveri jussa diebus. .

paulum pudibunda, comme dit Horace. Mais l'hymne qu'elles font entendre est, cette fois, d'un poëte resté moins célèbre que Livius Andronicus, de P. Licinius Tegula, que l'on appelle ailleurs Licinius Imbrex. Ici s'arrête l'histoire de la poésie lyrique des Romains; il faut traverser cent cinquante ans et plus pour retrouver le chœur des jeunes romaines, docilis modorum vatis Horati", et, quelque temps auparavant, vatis Catulli ....

5

1. Festus, v. Scribæ. 2. Hist., XXXI, 12. 3. De arte poet., 233-234. - 4. Od., IV, VI, 43.

5. Carm. XXXIV.

يوم

I.

DEUXIÈME PARTIE.

ÉTUDES SUR LES ANCIENS POËTES LATINS.

Livius Andronicus et Névius...

327 Poésie primitive des Romains. Imitation de la poésie grecque, p. 328. Livius Andronicus: premiers essais de pièces régulières; traduction de l'Odyssée, p. 334. Névius, p. 335: sa biographie, p. 338; ses comédies, p. 344; ses tragédies, p. 355; son poëme de la Guerre punique, p. 361. Hymne composé par Livius Andronicus l'an de Rome 547, P. 372.

FIN DE LA TABLE.

10014. IMPRIMERIE GÉNÉRALE DE CH. LAHURE

Rue de Fleurus, 9, à Paris

« PreviousContinue »