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pareil entre le maître & les efclaves feroit raifonnable dans les pays où les maîtres ont droit de vie & de mort.

La loi de Moïfe étoit bien rude. « Si » quelqu'un frappe fon efclave, & qu'il » meure fous fa main, il fera puni : mais » s'il furvit un jour ou deux, il ne le fera » pas, parce que c'eft fon argent ». Quel peuple, que celui où il falloit que la loi civile fe relâchat de la loi naturelle !

Par une loi des Grecs (a), les efclaves trop rudement traités par leurs maîtres, pouvoient demander d'être vendus à un autre. Dans les derniers temps, il y eut à Rome une pareille loi(b).Unmaître irrité contre fon efclave, & un efclave irrité contre fon maître, doivent être féparés.

Quand un citoyen maltraite l'efclave d'un autre, il faut que celui-ci puiffe aller devant le juge. Les (c) lois de Platon & de la plupart des peuples, ôtent aux ef claves la défense naturelle: il faut done leur donner la défenfe civile.

A Lacédémone, les efclaves ne pou voient avoir aucue juftice contre les infultes ni contre les injures. L'excès de (a) Plutarque, de la fuperftition.

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(b) Voyez la conftitution d'Antonin Pie, Inflitu liv. I. tit. 7.

(c) Livre IX.

leur malheur étoit tel, qu'ils n'étoient pas feulement esclaves d'un citoyen mais encore du public; ils appartenoient à tous & à un feul. A Rome, dans le tort fait à un esclave, on ne confidéroit que (a) l'intérêt du maître. On confondoit fous l'action de la loi Aquilienne la bleffure faite à une bête, & celle faite à un efclave; on n'avoit attention qu'à la diminution de leur prix. A Athenes (b) on puniffoit févérement, quelquefois même de mort, celui qui avoit maltraité l'esclave d'un autre. La loi d'Athenes, avec raison, ne vouloit point ajouter la perte de la fureté à celle de la liberté.

CHAPITRE XVIII.
Des affranchiffemens.

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N fent bien que quand, dans le gouvernement républicain, on a beaucoup d'efclaves, il faut en affranchir beaucoup. Le mal eft que, fi on a

(a) Ce fut encore fouvent l'efprit des lois des peuples qui fortirent de la Germanie, comme on le peut voir dans leurs codes.

(b) Démofthenes, orat. contra Mediam, page 610, édition de Francfort, de l'an 1604.

trop d'esclaves, ils ne peuvent être contenus; fi l'on a trop d'affranchis, ils ne peuvent pas vivre, & ils deviennent à charge à la république; outre que celleci peut être également en danger de la part d'un très-grand nombre d'affranchis & de la part d'un trop grand nombre d'efclaves. Il faut donc que les lois aient l'oeil fur ces deux inconvéniens.

Les diverses lois & les fénatys-confultes qu'on fit à Rome pour & contre les efclaves, tantôt pour gêner, tantôt pour faciliter les affranchiffemens, font bien voir l'embarras où l'on fe trouva à cet égard. Il y eut même des temps où l'on n'ofa pas faire des lois. Lorfque fous Néron (a) on demanda au fénat qu'il fût permis aux patrons de remettre en fervitude les affranchis ingrats, l'empereur écrivit qu'il falloit juger les affaires particulieres, & ne rien ftatuer de général.

Je ne faurois guere dire quels font les réglemens qu'une bonne république doit faire là-deffus; cela dépend trop des circonftances. Voici quelques réflexions.

Il ne faut pas faire tout-à-coup & par une loi générale un nombre confidé(a) Tacite, annal, liv. XIII.

rable d'affranchiffemens. On fait que chez les Volfiniens (a), les affranchis devenus maîtres des fuffrages, firent une abominable loi, qui leur donnoit le droit de coucher les premiers avec les filles qui fe marioient à des ingénus.

Il y a diverfes manieres d'introduire infenfiblement de nouveaux citoyens dans la république. Les lois peuvent favorifer le pécule, & mettre les efclaves en état d'acheter leur liberté; elles peuvent donner un terme à la fervitude. comme celles de Moïfe, qui avoient borné à fix ans celle des efclaves Hébreux (6). Il eft aifé d'affranchir toutes les années un certain nombre d'efclaves, parmi ceux qui, par leur âge, leur fanté, leur induftrie, auront le moyen de vivre. On peut même guérir le mal dans fa racine: comme le grand nombre d'efclaves eft lié aux divers emplois qu'on leur donne; tranfporter aux ingénus une partie de ces emplois, par exemple, le commerce ou la navigation, c'eft diminuer le nombre des efclaves.

(a) Supplément de Freinshemius; deuxieme décade. liv. V.

(6) Exod. chap. xxi.

Lorfqu'il y a beaucoup d'affranchis, il faut que les lois civiles fixent ce qu'ils doivent à leur patron, ou que le contrat d'affranchiffement fixe ces devoirs pour elles.

On fent que leur condition doit être plus favorifée dans l'état civil que dans l'état politique; parce que dans le gouvernement même populaire, la puiffance ne doit point tomber entre les mains du bas peuple.

A Rome, où il y avoit tant d'affran chis, les lois politiques furent admirables à leur égard. On leur donna peu, & on ne les exclut prefque de rien; ils eurent bien quelque part à la légiflation, mais ils n'influoient prefque point dans les réfolutions qu'on pouvoit prendre. Ils pouvoient avoir part aux charges & au facerdoce même (a); mais ce privilege étoit en quelque façon rendu vain par les défavantages qu'ils avoient dans les élections. Ils avoient droit d'entrer dans la milice; mais pour être foldat il falloit un certain cens. Rien n'empêchoit les affranchis (6) de s'unir par mariage avec les familles ingénues; mais il

(a) Tacite, annal. liv. III.

(b) Harangue d'Augufte, dans Dion, liv. LVI.

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