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Il eft naturel que, là où le vin eft contraire au climat, & par conféquent à la fanté, l'excès en foit plus févérement puni, que dans les pays où l'ivrognerie a peu de mauvais effets pour la perfonne; où elle en a peu pour la fociété; où elle ne rend point les hommes furieux, mais feulement ftupides. Ainfi les lois (a) qui ont puni un homme ivre, & pour la faute qu'il faifoit & pour l'ivreffe, n'étoient appliquables qu'à l'ivrognerie de la perfonne, & non l'ivrognerie de la nation. Un Allemand boit par coutume, un Espagnol par choix.

Dans les pays chauds, le relâchement des fibres produit une grande tranfpiration des liquides: mais les parties folides fe diffipent moins. Les fibres, qui n'ont qu'une action très-foible & peu de reffort, ne s'ufent guere; il faut peu de fuc nourricier pour les réparer: on mange donc très-peu.

Ce font les différens befoins, dans les différens climats, qui ont formé les différentes manieres de vivre; & ces

(a) Comme fit Pittacus, felon Ariftote, politiq. liv. II. ch. 111. Il vivoit dans un climat où livrogneria n'eft pas un vice de nation.

différentes

différentes manieres de vivre ont formé les diverfes fortes de lois. Que dans une nation les hommes fe communi-, quent beaucoup, il faut de certaines lois; il en faut d'autres, chez un peuple où l'on ne fe communique point.

CHAPITRE

XI.

Des lois qui ont du rapport aux maladies du climat.

Huifs fur la lepre ont été tirées ÉRODOTE (a) nous dit que les lois de la pratique des Egyptiens. En effet, les mêmes maladies demandoient les mêmes remedes. Ces lois furent inconnues aux Grecs & aux premiers Romains auffi bien que le mal. Le climat de l'Egypte & de la Palestine les rendit néceffaires; & la facilité qu'a cette maladie à fe rendre populaire, nous doit bien faire fentir la fageffe & la prévoyance de ces lois.

Nous en avons nous-mêmes éprouvé les effets. Les croifades nous avoient apporté la lepre; les réglemens fages

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que

l'on fit l'empêcherent de maffe du peuple.

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On voit par la loi (a) des Lombards, que cette maladie étoit répandue en Italie avant les croifades, & mérita l'attention des légiflateurs. Rotharis or donna qu'un lépreux, chaffé de fa maifon & relégué dans un endroit particulier, ne pourroit difpofer de fes biens; parce que, dès le moment qu'il avoit été tiré de fa maifon, il étoit cenfé mort. Pour empêcher toute communication avec les lépreux, on les rendoit incapables des effets civils.

Je pense que cette maladie fut apportée en Italie par les conquêtes des empereurs Grecs, dans les armées defquels il pouvoit y avoir des milices de la Paleftine ou de l'Egypte. Quoi qu'il en foit, les progrès en furent arrêtés jufqu'au temps des croifades.

On dit que les foldats de Pompée revenant de Syrie, rapporterent une maladie à peu près pareille à la lepre. Aucun réglement, fait pour lors, n'est venu jufqu'à nous: mais il y a apparence qu'il y en eut, puifque ce mal fut fufpendu jufqu'au temps des Lombards.

(a) Liv. II. tit. 1. §, 3. & tit. 18. §. 1.

Il y a deux fiecles, qu'une maladie inconnue à nos peres paffa du nouveau monde dans celui-ci, & vint attaquer la nature humaine jufques dans la fource de la vie & des plaifirs. On vit la plupart des plus grandes familles du midi de l'Europe périr par un mal qui devint trop commun pour être honteux, & ne fut plus que funefte. Ce fut la foif de l'or qui perpétua cette maladie : on alla fans ceffe en Amérique, & on en rapporta toujours de nouveaux levains.

Des raifons pieufes voulurent demander qu'on laifsât cette punition fur le crime mais cette calamité étoit entrée dans le fein du mariage, & avoit déjà corrompu l'enfance même.

Comme il eft de la fageffe des légiflateurs de veiller à la fanté des citoyens, il eût été très-cenfé d'arrêter cette communication par des lois faites fur le plan des lois Mofaïques.

La pefte eft un mal dont les ravages font encore plus promps & plus rapides. Son fiege principal eft en Egypte, d'où elle fe répand par tout l'univers. On a fait dans la plupart des états de l'Europe de très-bons réglemens pour l'empêcher d'y pénétrer ; & on a ima

giné de nos jours un moyen admirable de l'arrêter on forme une ligne de :roupes autour du pays infecté, qui empêche toute communication.

Les (a) Turcs qui n'ont à cet égard aucune police, voient les Chrétiens, dans la même ville, échapper au danger, & eux feuls périr; ils achetent les habits des peftiférés, s'en vêtiffent, & vont leur train. La doctrine d'un deftin rigide qui regle tout, fait du magiftrat un fpectateur tranquille : il penfe que Dieu a déjà tout fait, & que lui n'a

rien à faire.

(a) Ricaut, de l'empire Ottoman, p. 284.

CHAPITRE

XII.

Des lois contre ceux qui fe tuent (a) eux

mêmes.

ous ne voyons point dans les hiftoires, que les Romains se fiffent mourir fans fujet: mais les Anglois fe tuent fans qu'on puiffe imaginer aucune raifon qui les y détermine; ils fe tuent dans le fein même du bonheur. Cette

(a) L'action de ceux qui fe tuent eux-mêmes, eft Contraire à la loi naturelle, & à la religion révélée.

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