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puiffe réconcilier ceux qui font desti nés à travailler, avec ceux qui font deftinés à jouir.

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D'une république en cas pareil.

Lion cultiver les terres pour ORSQU'UNE république a réduit une elle, on n'y doit point fouffrir que le citoyen puiffe augmenter le tribut de l'efclave. On ne le permettoit point à Lacédémone on penfoit que les Elotes (a) cultiveroient mieux les terres lorfqu'ils fauroient que leur fervitude n'augmenteroit pas ; on croyoit que les maîtres feroient meilleurs citoyens, lorfqu'ils ne défireroient que ce qu'ils avoient coutume d'avoir.

CHAPITRE V.

D'une monarchie en cas pareil.

dans une monarchie, la noblefe fait cultiver les terres à

fon profit par le peuple conquis, il faut

(a) Plutarque.

escore que la redevance ne puiffe augmenter (a). De plus, il eft bon que le prince fe contente de fon domaine & du fervice militaire. Mais s'il veut lever les tributs en argent fur les efclaves de fa nobleffe, il faut que le feigneur foit garant (b) du tribut, qu'il le paye pour les efclaves & le reprenne fur eux: Et fi l'on ne fuit pas cette regle, le feigneur & ceux qui levent les revenus du prince vexeront l'esclave tour à tour, & le reprendront l'un après l'autre, jufqu'à ce qu'il périffe de mifere, ou fuie dans les bois.

CHAPITRE

VI.

D'un état defpotique en cas pareil.

CE que je viens de dire eft encore plus indifpenfable dans l'état defpotique. Le feigneur qui peut à tous les inftans être dépouillé de fes terres & de fes efclaves, n'eft pas fi porté à les conferver.

Pierre premier, voulant prendre la

(a) C'est ce qui fit faire à Charlemagne fes belles inftitutions la-deffus. Voyez le livre V des Capitulaires, art. 503.

(b) Cela fe pratique ainfi en Allemagne.

pratique d'Allemagne & lever fes tributs en argent, fit un réglement très-fage que l'on fuit encore en Ruffie. Le gentilhomme leve la taxe fur les payfans, & la paye au czar. Si le nombre des payfans diminue, il paye tout de même; fi le nombre augmente, il ne paye pas davantage : il eft donc intéreffé à ne point vexer fes payfans.

CHAPITRE

VII.

Des tributs, dans les pays où l'esclavage de la glebe n'eft point établi.

Leuliers font citoyens, que chacun y

ORSQUE dans un état tous les parti

poffede par fon domaine ce que le prince y poffede par fon empire, on peut mettre des impôts fur les perfonnes, fur les terres, ou fur les marchandifes; fur deux de ces chofes, ou fur les trois ensemble.

Dans l'impôt de la perfonne, la proportion injnfte feroit celle qui fuivroit exactement la proportion des biens. On avoit divifé à Athenes (a) les citoyens en quatre claffes. Ceux qui retiroient de leurs biens cinq cents mefures de fruits

(a) Pollux, liv. VIII, chap. X, art. 130.

liquides ou fecs, payoient au public un talent; ceux qui en retiroient trois cents mefures, devoient un demi-talent; ceux qui avoient deux cens mefures,payoient dix mines, ou la fixieme partie d'un talent; ceux de la quatrieme claffe ne donnoient rien. La taxe étoit juste, quoiqu'elle ne fût point proportionnelle; fi elle ne fuivoit pas la proportion des biens, elle fuivoit la proportion des befoins. On jugea que chacun avoit un néceffaire phyfique égal, que ce néceffaire phyfique ne devoit point être taxé; que l'utile venoit enfuite, & qu'il devoit être taxé, mais moins que le fuperflu; que la grandeur de la taxe fur le fuperflu empêchoit le fuperflu.

Dans la taxe fur les terres, on fait des rôles où l'on met les diverfes claffes des fonds. Mais il eft très-difficile de connoître ces différences, & encore plus de trouver des gens qui ne foient point intéreffés à les méconnoître. Il y a donc là deux fortes d'injuftices; l'injustice de l'homme, & l'injuftice de la chofe. Mais fi en général la taxe n'eft point exceffive, fi on laiffe au peuple un néceffaire abondant, ces injuftices particulieres ne feront rien. Que fi au contraire on ne

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laiffe au peuple que ce qu'il lui faut à la rigueur pour vivre, la moindre difproportion fera de la plus grande confé quence.

Que quelques citoyens ne payent pas affez, le mal n'eft pas grand ; leur aifance revient toujours au public: que quelques particuliers payent trop, leur ruine se tourne contre le public. Si l'état proportionne fa fortune à celle des particuliers, l'aifance des particuliers fera bientôt monter fa fortune. Tout dépend du moment: L'état commencera-t-il par appauvrir les fujets pour s'enrichir? ou attendra-t-il que des fujets à leur aife l'enrichiffent? Aura-t-il le premier avantage? ou le fecond? Commencera-t-il par être riche? ou finira-t-il par l'être ?

Les droits fur les marchandises font ceux que les peuples fentent le moins, parce qu'on ne leur fait pas une demande formelle. Ils peuvent être fi fagement ménagés,que le peuple ignorera prefque qu'il les paye. Pour cela, il eft d'une grande conféquence que ce foit celui qui vend la marchandise, qui paye le droit. Il fait bien qu'il ne paye pas pour lui; & l'acheteur, qui dans le fond paye, le confond avec le prix. Quelques auteurs

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