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favorife le retour du fang des extrémités vers le cœur. Il diminue la longueur (a) de ces mêmes fibres; il augmente donc encore par-là leur force. L'air chaud au contraire relâche les extrémités des fibres, & les alonge; il diminue donc leur force & leur reffort.

On a donc plus de vigueur dans les climats froids. L'action du coeur & la réaction des extrémités des fibres s'y font mieux, les liqueurs font mieux en équilibre, le fang eft plus déterminé vers le cœur, & réciproquement le cœur a plus de puiffance. Cette force plus grande doit produire bien des effets: par exemple, plus de confiance en foimême, c'est-à-dire plus de courage; plus de connoiffance de fa fupériorité, c'eft-à-dire, moins de défir de la vengeance; plus d'opinion de fa fureté c'est-à-dire, plus de franchife, moins de foupçons, de politique & de rufes. Enfin, cela doit faire des caracteres bien différens. Mettez un homme dans un lieu chaud & enfermé ; il fouffrira, par les raifons que je viens de dire, une défaillance de cœur très-grande. Si dans cette circonftance on va lui propofer une (a) On fait qu'il raccourcit le fer.

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action hardie, je crois qu'on l'y trouvera très-peu difpofé; fa foibleffe préfente mettra un découragement dans fon ame; il craindra tout, parce qu'il fentira qu'il ne peut rien. Les peuples des pays chauds font timides, comme les vieillards le font; ceux des pays froids font courageux, comme le font les jeunes gens. Si nous faifons attention aux dernieres (a) guerres, qui font celles que nous avons le plus fous nos yeux, & dans lefquelles nous pouvons mieux voir de certains effets légers; imperceptibles de loin, nous fentirons bien que les peuples du nord tranfportés dans les pays du midi (b), n'y ont pas fait d'auffi belles actions que leurs compatriotes, qui, combattant dans leur propre climat, y jouiffoient de tout leur courage.

La force des fibres des peuples du nord, fait que les fucs les plus groffiers font tirés des alimens. Il en résulte deux chofes: l'une que les parties du chyle, ou de la lymphe, font plus propres, par leur grande furface, à être appliquées fur les fibres &à les nourrir: l'autre, qu'elles

(a) Celles pour la fucceffion d'Efpagne.
(b) En Espagne, par exemple.

- Du temps des Romains, les peuples du nord de l'Europe vivoient fans art, fans éducation, prefque fans lois : & cependant, par le feul bon fens attaché aux fibres groffieres de ces climats, ils fe maintinrent avec une fageffe admirable contre la puiffance Romaine, jufqu'aut moment où ils fortirent de leurs forêts pour la détruire, kot on from.. soni str fire brach s

CHAPITRE IV.

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Caufe de l'immutabilité de la religion, des mœurs, des manieres, des lois, dans les pays d'orient

S I avec cette foibleffe d'organes qui fait recevoir aux peuples d'orient les impreffions du monde les plus fortes vous joignez une certaine pareffe dans P'efprit naturellement liée avec celle du corps, qui faffe que cet efprit ne foit capable d'aucune action, d'aucun effort, d'aucune contention; vous comprendrez que l'ame qui a une fois reçu des impreffions ne peut plus en changer C'est ce qui fait que les lois, lés

mœurs (a) & les manieres, même celles qui paroiffent indifférentes, comme la façon de fe vêtir, font aujourd'hui en orient comme elles étoient il y a mille

ans.

(a) On voit, par un fragment de Nicolas de Damas recueilli par Conftantin Porphyrogenete, que la coutume étoit ancienne en orient, d'envoyer étrangler un gouverneur qui déplaifoit; elle étoit du temps des Medes.

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Que les mauvais légiflateurs font ceux qui ont favorisé les vices du climat, & les bons font ceux qui s'y fons oppofés.

L

que le

ES Indiens croient repos & le néant font le fondement de toutes chofes, & la fin où elles aboutiffent. Ils regardent donc l'entiere inaction comme l'état le plus parfait & l'objet de leurs défirs. Ils donnent au fouverain être (b) le furnom d'immobile. Les Siamois croient que la félicité (c) fuprême confifte à n'être point obligé d'animer une machine & de faire agir un corps.

(b) Panamanack. Voyez Kircher.

(c) La Loubere, relation de Siam, p. 446.

Dans ces pays, où la chaleur exceffive énerve & accable, le repos eft fi délicieux, & le mouvement fi pénible, que ce fyftême de métaphyfique paroît naturel; & (a) Foë, légiflateur des Indes, a fuivi ce qu'il fentoit, lorfqu'il a mis les hommes dans un état extrêmement paffif: mais fa doctrine, née de la pareffe du climat, la favorifant à fon tour, a caufé mille maux.

Les légiflateurs de la Chine furent plus fenfés, lorfque confidérant les hommes, non pas dans l'état paifible où ils feront quelque jour, mais dans l'action propre àleur faire remplir les devoirs de la vie, ils firent leur religion, leur philofophie & leurs lois toutes pratiques. Plus les caufes phyfiques portent les hommes au repos, plus les caufes morales les en doivent éloigner.

(a) Foë veut réduire le cœur au pur vide. « Nous » avons des yeux & des oreilles ; mais la perfection eft » de ne voir ni entendre: une bouche, des mains &c, » la perfection eft que ces membres foient dans l'inac »tion. » Ceci eft tiré du dialogue d'un Philofophe ChiBois, rapporté par le P. du Halde, tom. III.

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