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L'Egypte, du temps des Perfes, ne confrontoit point à la mer rouge: elle ne contenoit (a) que cette lifiere de terre longue & étroite que le Nil couvre par fes inondations, & qui eft refferrée des deux côtés par des chaînes de montagnes. Il fallut donc découvrir la mer rouge une feconde fois, & l'océan une feconde fois; & cette découverte appartint à la curiofité des rois Grecs.

On remonta le Nil, on fit la chaffe des éléphans dans les pays qui font entre le Nil & la mer, on découvrit les bords de cette mer par les terres : Et comme cette découverte fe fit fous les Grecs, les noms en font Grecs, & les temples font confacrés (b) à des divinités Grecques.

Les Grecs d'Egypte purent faire un commerce très-étendu ; ils étoient ma tres des ports de la mer rouge; Tyr, rivale de toute nation commerçante, n'étoit plus: ils n'étoient point gênés par les anciennes (c) fuperftitions du pays; l'Egypte étoit devenue le centre de l'univers.

(a) Strabon, liv. XVI. (b) Ibid.

(c) Elies leur donnoient de l'horreur pour les Etrangers

Les rois de Syrie laifferent à ceux d'Egypte le commerce méridional des Indes, & ne s'attacherent qu'à ce commerce feptentrional qui fe faifoit par l'Oxus & la mer Cafpienne. On croyoit dans ces temps-là que cette mer étoit une partie de l'océan feptentrional (a): & Alexandre, quelque temps avant fa mort, avoit fait conftruire (b) une flotte, pour découvrir fi elle communiquoit à l'océan par le Pont-Euxin, ou par quelqu'autre mer orientale vers les Indes. Après lui Séleucus & Antiochus eurent une attention particuliere à la reconnoître: ils y entretinrent (c) des flottes. Ce que Seleucus reconnut fut appelé mer Séleucide : ce qu'Antiochus découvrit fut appelé mer Antiochide. Attentifs aux projets qu'ils pouvoient avoir de ce côté-là, ils négligerent les mers du midi; foit que les Ptolomée, par leurs flottes fur la mer rouge, s'en fuffent déjà procuré l'empire; foit qu'ils euffent · découvert dans les Perfes un éloignement invincible pour la marine. La côte

(a) Pline, liv. II, ch. LXVIII, & fiv. VI, ch. 1x & XII. Strabon, liv. XI. Arrien, de l'expéd, d'Alex, liv. III, p. 74, & liv, V. p. 104.

(b) Arrien, de l'expéd. d'Alex. liv, VII,
(c) Pline, liv. II, ch, LXtv,

du midi de la Perfe ne fourniffoit point de matelots; on n'y en avoit vu que dans les derniers momens de la vie d'Alexandre, mais les rois d'Egypte, maîtres de l'île de Chypre, de la Phénicie, & d'un grand nombre de places fur les côtes de l'Afie mineure, avoient toutes fortes de moyens pour faire des entreprifes de mer. Ils n'avoient point à contraindre le génie de leurs fujets; ils n'avoient qu'à le fuivre.

On a de la peine à comprendre l'obftination des anciens à croire que la mer Cafpienne étoit une partie de l'océan. Les expéditions d'Alexandre, des rois de Syrie, des Parthes & des Romains, ne purent leur faire changer de pensée: c'eft qu'on revient de fes erreurs le plus tard qu'on peut, D'abord on ne connut que le midi de la mer Cafpienne, on la prit pour l'océan ; à mesure que l'on avança le long de fes bords du côté du nord, on crut encore que c'étoit l'océan qui entroit dans les terres : En fuivant les côtes, on n'avoit reconnu du côté de l'eft que jufqu'au Jaxarte, & du côté de l'oueft que jufqu'aux extrémités de l'Albanie. La mer, du côté du nord, étoit

váfeufe (a), & par conféquent très-peu propre à la navigation. Tout cela fit que l'on ne vit jamais que l'océan.

L'armée d'Alexandre n'avoit été, du côté de l'orient, que jufqu'à l'Hypanis, qui eft la derniere des rivieres qui fe jettent dans l'Indus. Ainfi le premier commerce que les Grecs eurent aux Indes fe fit dans une très-petite partie du pays. Séleucus Nicator pénétra jufqu'au Gange (b): & par-là on découvrit la mer où ce fleuve fe jette, c'est-àdire, le golfe de Bengale. Aujourd'hui l'on découvre les terres par les voyages de mer; autrefois on découvroit les mers par la conquête des terres.

Strabon (c), malgré le témoignage d'Appollodore, paroît douter que les rois (d) Grecs de Bactriane foient allés plus loin que Séleucus & Alexandre. Quand il feroit vrai qu'ils n'auroient pas été plus loin vers l'orient que Séleucus ils allerent plus loin vers le midi : ils découvrirent (e) Siger & des ports dans (a) Voyez la carte du czar.

(b) Pline, liv. VI, ch. XVII. (c) Liv. XV.

(d) Les Macédoniens de la. Bactriane, des Indes & de l'Ariane s'étant féparés du royaume de Syrie, formerent un grand état.

(e) Apollonius Adramittin, dans Strabony Иv, XI,

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le Malabar, qui donnerent lieu à la navigation dont je vais parler.

Pline (a) nous apprend qu'on prit fuc ceffivement trois routes pour faire la navigation des Indes. D'abord on alla du promontoire de Siagre à l'île de Patalene, qui eft à l'embouchure de l'Indus on voit que c'étoit la route qu'avoit tenue la flotte d'Alexandre. On prit enfuite un chemin plus court (b) & plus sûr; & on alla du même promontoire à Siger. Ce Siger ne peut être que le royaume de Siger dont parle Strabon (c), que les rois Grecs de Bactriane découvrirent. Pline ne peut dire que ce chemin fût plus court, que parce qu'on le faifoit en moins de temps; car Siger devoit être plus reculé que l'Indus, puifque les rois de Bactriane le décou vrirent. Il falloit donc que l'on évitât par-là le détour de certaines côtes, & que l'on profitât de certains vents. Enfin, les marchands prirent une troifieme route ils fe rendoient à Canes ou à Océlis, ports fitués à l'embouchure de la mer rouge, d'où par un vent d'ouest,

(a) Liv. VI, ch. XXIII.

b) Piine, liv. VI, ch. xxII.
e) Liv. XI, Sigertidis regnum

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