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qui faifoient le commerce d'économie. Elles mettoient dans leur négoce les obfcurités qu'elles vouloient elles avoient tous les avantages que les nations intelligentes prennent fur les peuples ignorans.

L'Egypte éloignée par la religion & par les mœurs, de toute communication avec les étrangers, ne faifoit guere de commerce au dehors: elle jouiffoit d'un terrain fertile & d'une extrême abondance. C'étoit le Japon de ces tempslà: elle fe fuffifoit à elle-même.

Les Egyptiens furent fi peu jaloux du commerce du dehors, qu'ils laifferent celui de la mer rouge à toutes les petites nations qui y eurent quelque port. Ils fouffrirent que les Iduméens, les Juifs & les Syriens y euffent des flottes. Salomon (a) employa à cette navigation des Tyriens qui connoiffoient ces mers.

Jofephe (b) dit que fa nation, uniquement occupée de l'agriculture, connoiffoit Peu la mer: auffi ne fut-ce que par occafion que les Juifs négocierent dans la mer rouge. Ils conquirent fur les

(a) Livre III. des Rois, chap. Ix; Paralip. liv. I chap. VIII.

(b) Contre Appion.

Iduméens Elath & Afiongaber, qui leur donnerent ce commerce: ils perdirent ces deux villes, & perdirent ce commerce auffi.

Il n'en fut pas de même des Phéniciens: ils ne faifoient pas un commerce de luxe, ils ne négocioient point par la conquête; leur frugalité, leur habileté leur induftrie, leurs périls, leurs fatigues, les rendoient néceffaires à toutes les nations du monde.

Les nations voifines de la mer rouge ne négocioient que dans cette mer & celle d'Afrique. L'étonnement de l'univers à la découverte de la mer des Indes, faite fous Alexandre, le prouve affez. Nous avons (a) dit qu'on porte toujours aux Indes des métaux précieux & que l'on n'en rapporte (6) point: les flottes Juives qui rapportoient par la mer rouge de l'or & de l'argent, revenoient d'Afrique, & non pas des Indes.

Je dis plus; cette navigation fe faifoit fur la côte orientale de l'Afrique ; & l'état où étoit la marine pour lors, prouve

(a) Au chapitre I. de ce Livre.

(b) La proportion établie en Europe entre l'or & l'argent, peut quelquefois faire trouver du profit à prendre dans les Indes de l'or pour de l'argent; mais c'eft peu de chose.

affez qu'on n'alloit pas dans des lieux bien reculés.

Je fais que les flottes de Salomon & de Jozaphat ne revenoient que la troifieme année; mais je ne vois pas que la longueur du voyage prouve la grandeur de l'éloignement.

Pline & Strabon nous difent que le chemin qu'un navire des Indes & de la mer rouge, fabriqué de joncs, faifoit en vingt jours, un navire Grec ou Romain le faifoit en fept (a). Dans cette proportion, un voyage d'un an pour flottes Grecques & Romaines, étoit à peu près de trois pour celles de Sa

lomon.

Deux navires d'une vîteffe inégale ne font pas leur voyage dans un temps proportionné à leur viteffe: la lenteur produit fouvent une plus grande lenteur. Quand il s'agit de fuivre les côtés, & qu'on fe trouve fans ceffe dans une différente pofition; qu'il faut attendre un bon vent pour fortir d'un golfe, en avoir un autre pour aller en avant, un navire bon voilier profite de tous les temps favorables, tandis que l'autre

(a) Voyez Pline, liv. VI. chap. xx11 ; & Strabon,

liv. XV.

reste dans un endroit difficile, & attend plufieurs jours un autre changement.

Cette lenteur des navires des Indes qui dans un temps égal ne pouvoient faire que le tiers du chemin que faifoient les vaiffeaux Grecs & Romains, peut s'expliquer par ce que nous voyons aujourd'hui dans notre marine. Les navires des Indes qui étoient de jonc, tiroient moins d'eau que les vaiffeaux Grecs & Romains qui étoient de bois, & joints avec du fer.

On peut comparer ces navires des Indes à ceux de quelques nations d'aujourd'hui dont les ports ont peu de fond: tels font ceux de Venife, & même en général de l'Italie (a), de la mer Baltique & de la province de Hollande (b). Leurs navires qui doivent en förtir & y rentrer, font d'une fabrique ronde & large de fond; au lieu que les navires d'autres nations qui ont de bons ports, font par le bas d'une forme qui les fait entrer profondément dans l'eau. Cette mécanique fait que ces derniers navires,

(a) Elle n'a prefque que des rades; mais la Sicile a de très-bons ports.

(b) Je dis de la province de Hollande; car les ports de celle de Zélande font affez profonds.

naviguent plus près du vent, & que les premiers ne navigent prefque que quand ils ont le vent en poupe. Un navire qui entre beaucoup dans l'eau, navige vers le même côté à prefque tous les vents; ce qui vient de la réfiftance que trouve dans l'eau le vaiffeau pouffé par le vent, qui fait un point d'appui, & de la forme longue du vaiffeau qui eft préfenté au vent par fon côté, pendant que par l'effet de la figure du gouvernail on tourne la proue vers le côté que l'on fe propofe; enforte qu'on peut aller très-près du vent, c'eft-à-dire, très-près du côté d'où vient le vent. Mais quand le navire eft d'une figure ronde & large du fond, & que par conféquent il enfonce peu dans Feau, il n'y a plus de point d'appui; le vent chaffe le vaiffeau, qui ne ne peut réfifter, ni guere aller que du côté oppofé au vent. D'où il fuit que les vaiffeaux d'une construction ronde de fond, font plus lents dans leurs voyages: 1°. ils per dent beaucoup de temps à attendre le vent, fur-tout s'ils font obligés de chanfouvent de direction : 2°. ils vont plus lentement, parce que n'ayant pas de point d'appui, ils ne fauroient porter autant de voiles que les autres. Que fi

ger

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