Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE XVIII.

LA

De la remife des tributs.

A maxime des grands empires d'o rient, de remettre les tributs aux provinces qui ont fouffert, devroit bien être portée dans les états monarchiques. Il y en a bien où elles eft établie: mais elle accable plus que fi elle n'y étoit pas, parce que le prince n'en levant ni plus ni moins, tout l'état devient folidaire. Pour foulager un village qui paye mal, on charge un autre qui paye mieux; on ne rétablit point le premier, on détruit le fecond. Le peuple eft défefpéré entre la néceffité de payer de peur des exactions, & le danger de payer crainte des furcharges.

Un état bien gouverné doit mettre, pour le premier article de fa dépense, une fomine réglée pour les cas fortuits. Il en eft du public comme des particuliers, qui fe ruinent lorsqu'ils dépensent exactement les revenus de leurs terres.

A l'égard de la folidité entre les habitans du même village, on a dit (a), (a) Voyez le traité des finances des Romains, ch. II, imprimé à Paris, chez Briaffon, 1740.

Tome II.

B

qu'elle étoit raifonnable, parce qu'on: pouvoit fuppofer un complot frauduleux de leur part: mais où a-t-on pris que, fur des fuppofitions, il faille établir une chofe injufte par elle-même & ruineufe pour l'état ?

CHAPITRE XIX.

Qu'est-ce qui eft plus convenable au prince & au peuple, de la ferme ou de la régie ..des tributs?

Arégie eft l'adminiftration d'un bon pere de famille, qui leve lui-mêine avec économie &avecordre fesrevenus. Par la régie, le prince eft le maître de preffer ou de retarder la levée des tributs, ou fuivant fes befoins, ou fuivant ceux de fes peuples. Par la régie, il épargne à l'état les profits immenfes des fermiers, qui l'appauvriffent d'une infinité de manieres. Par la régie, il épargne au peuple le fpectacle des fortunes fubites qui l'affligent. Par la régie, l'argent levé paffe par peu de mains; il va directement au prince, & par conféquent revient plus promptement au peuple. Par la régie, le prince épargne :

au peuple une infinité de mauvaifes lois qu'exige toujours de lui l'avarice importune des fermiers, qui montrent un avantage préfent dans des réglemens funeftes pour l'avenir.

Comme celui qui a l'argent eft toujours le maître de l'autre, le traitant se rend defpotique fur le prince même; il n'eft pas légiflateur, mais il le force à donner des lois.

J'avoue qu'il eft quelquefois utile de commencer par donner à ferme un droit nouvellement établi: il y a un art & des inventions pour prévenir les fraudes que l'intérêt des fermiers leur fuggere & que les régiffeurs n'auroient fu imaginer; or le fyftême de la levée étant une fois fait par le fermier, on peut avec fuccès établir la régie. En Angleterre l'administration de l'accife & du revenu des poftes, telle qu'elle eft aujourd'hui, a été empruntée des fermiers.

Dans les républiques, les revenus de l'état font prefque toujours en régie. L'établiffement contraire fut un grand vice du gouvernement de Rome (a).

(a) Céfar fut obligé d'ôter les publicains de la province d'Afie, & d'y établir une autre forte d'adminiftration, comme nous l'apprenons de Dion. Et Taq

Le lot de ceux qui levent les tributs eft des richeffes; & les récompenfes de ces richeffes, font les richeffes mêmes. La gloire & l'honneur font pour cette nobleffe qui ne connoît, qui ne voit, qui ne fent de vrai bien que l'honneur & la gloire. Lerefpe&t & la confidération font pour ces miniftres & ces magiftrats qui, ne trouvant que le travail après le travail, veillent nuit & jour pour le bonheur de l'empire.

10

[ocr errors][ocr errors][ocr errors]

LIVRE XIV.

Des Lois, dans le rapport qu'elles ont avec la nature du climat.

CHAPITRE PREMIER..
Idée générale.

[ocr errors]

'IL eft vrai que le caractere de l'efprit & les paffions du cœur foient extrêmement différentes dans les divers climats, les lois doivent être relatives & à la différence de ces paffions & à la différence de ces caracteres.

CHAPITRE

IL

Combien les hommes font différens dans les divers climats.

L'AIR froid (4) refferre les extrémités

des fibres extérieures de notre

corps; cela augmente leur reffort, &

(a) Cela paroît même à la vue: dans le froid on paroît plus maigre.

« PreviousContinue »