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aux principes du gouvernement; car nous ne faifons rien de mieux que ce que nous faifons librement, & en fuivant notre génie naturel,

Qu'on donne un efprit de pédanterie à une nation naturellement gaie, l'état n'y gagnera rien, ni pour le dedans, ni pour le dehors. Laiffez-luifaire les chofes frivoles férieufement, & gaiement les chofes férieuses.

CHAPITRE VI.

Qu'il ne faut pas tout corriger.

Q

U'ON nous laiffe comme nous fommes, difoit un gentilhomme d'une nation qui reffemble beaucoup à celle dont nous venons de donner une idée. La nature répare tout. Elle nous a donné une vivacité capable d'offenfer,

&

propre à nous faire manquer à tous les égards; cette même vivacité eft corrrigée par la politeffe qu'elle nous procure, en nous infpirant du goût pour le monde, & fur-tout pour le

commerce des femmes.

Qu'on nous laiffe tels que nous fommes. Nos qualités indifcrettes, jointes à

notre peu de malice, font que les lois qui gêneroient l'humeur fociable parmi nous, ne feroient point convenables.

CHAPITRE V II.

Des Athéniens & des Lacédémoniens.

LES continupit quiavoit

Es Athéniens, continuoit ce gentil

quelque rapport avec le nôtre. Il mettoit de la gaieté dans les affaires; un trait de raillerie lui plaifoit fur la tribune comme fur le théâtre. Cette vivacité qu'il mettoit dans les confeils, il la portoit dans l'exécution. Le caractere des Lacédémoniens étoit grave, férieux fec, taciturne. On n'auroit pas plus tiré parti d'un Athénien en l'ennuyant, que d'un Lacédémonien en le divertiffant.

CHAPITRE VIII.
Effets de l'humeur fociable.

PLU

LUS les peuples fe communiquent, plus ils changent aifément de manieres, parce que chacun eft plus un fpectacle pour un autre ; on voit mieux

les

les fingularités des individus. Le climat qui fait qu'une nation aime à fe communiquer, fait auffi qu'elle aime à changer; & ce qui fait qu'une nation aime à changer, fait auffi qu'elle fe forme le goût.

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La fociété des femmes gâte les moeurs, & forme le goût: l'envie de plaire plus que les autres, établit les établit les parures; & l'envie de plaire plus que foi-même établit les modes. Les modes font un objet important à force de fe rendre l'efprit frivole, on augmente fans ceffe les branches de fon commerce (a).

CHAPITRE IX.

De la vanité & de l'orgueil des nations.

L

A vanité eft un auffi bon reffort

pour un gouvernement, que l'orgueil en eft un dangereux. Il n'y a pour cela qu'à fe repréfenter, d'un côté, les biens fans nombre qui réfultent de la vanité; de là le luxe, l'industrie, les arts, les modes, la politeffe, le goût: & d'un autre côté, les maux infinis qui naiffent de l'orgueil de certaines nations; (a) Voyez la fable des abeilles.

Tome II.

I

CHAPITRE X.

Du caractere des Espagnols, & de celui des Chinois.

Es divers caracteres des nations font

Lendies de vertus & de vices, de bonnes & de mauvaises qualités. Les heureux mélanges font ceux dont il réfulte de grands biens, & fouvent on ne les foupçonneroit pas; il y en a dont il réfulte de grands maux, & qu'on ne foupçonneroit pas non plus,

La bonne foi des Espagnols a été fameufe dans tous les temps. Juftin (a) nous parle de leur fidélité à garder les dépôts; ils ont fouvent fouffert la mort pour les tenir fecrets. Cette fidélité qu'ils avoient autrefois, ils l'ont encore aujourd'hui.Toutes les nations qui com mercent à Cadix, confient leur fortune aux Efpagnols, elles ne s'en font jamais repenties. Mais cette qualité admirable, jointe à leur pareffe, forme un mélange dont il réfulte des effets qui leur font pernicieux les peuples de l'Europe font fous leurs yeux tout le commerce de leur monarchie.

(a) Liv. XLIII,

Le caractere des Chinois forme un autre mélange, qui eft en contrafte avec le caractere des Efpagnols. Leur vie précaire (a) fait qu'ils ont une activité prodigieufe, & un défir fi exceffif du gain, qu'aucune nation commerçante ne peut se fier à eux (b). Cette infidélité reconnue leur a confervé le commerce du Japon; aucun négociant d'Eu rope n'a ofé entreprendre de le faire fous leur nom, quelque facilité qu'il y eût à l'entreprendre par leurs provinces maritimes du nord.

JE

CHAPITRE X I.
Réflexions.

E n'ai point dit ceci pour diminuer rien de la diftance infinie qu'il y a entre les vices & les vertus : à Dieu ne plaife! J'ai feulement voulu faire com prendre que tous les vices politiques ne font pas des vices moraux, & que tous les vices moraux ne font pas des vices politiques; & c'eft ce que ne doivent point ignorer ceux qui font des lois qui choquent l'efprit général.

(a) Par la nature du climat & du terrain. (b) Le Pere du Halde, tom. II.

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