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CHAPITRE XXIX.

Efprit fanguinaire des Rois Francs.

CLO

LOVIS n'avoit pas été le feul des princes chez les Francs, qui eût entrepris des expéditions dans les Gaules; plufieurs de fes parens y avoient mené des tribus particulieres: & comme

il

y eut de plus grands fuccès, & qu'il put donner des établiffemens confidérables à ceux qui l'avoient fuivi, les Francs accoururent à lui de toutes les tribus, & les autres chefs fe trouverent trop foibles pour lui réfifter. Il forma le deffein d'exterminer toute fa maison, & il y réuffit (a). Il craignoit, dit Grégoire de Tours (b), que les Francs ne priffent un autre chef. Ses enfans & fes fucceffeurs fuivirent cette pratique autant qu'ils purent: on vit fans ceffe le frere, l'oncle, le neveu, que dis-je ? le fils le pere, confpirer contre toute fa famille. La loi féparoit fans ceffe la monarchie; la crainte, l'ambition & la cruauté vouloient la réunir.

(a) Grégoire de Tours, liv. II.

{2} ibid.

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CHAPITRE XX X.

Des affemblées de la nation chez les Francs. Na dit ci-deffus, que les peu

ON

ples qui ne cultivent point les terres, jouiffoient d'une grande liberté. Les Germains furent dans ce cas. Tacite dit qu'ils ne donnoient à leurs rois ou chefs qu'un pouvoir très-modéré (a); & Céfar (b), qu'ils n'avoient pas de magiftrat commun pendant la paix, mais que dans chaque village les princes rendoient la juftice entre les leurs. Auffi les Francs dans la Germanie n'avoient-ils point de roi, comme Grégoire de Tours (c) le prouve trèsbien.

« Les princes (d), dit Tacite, déli»berent fur les petites chofes, toute la

(a) Nec regibus libera aut infinita poteftas. Ceterùm neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, &c. De morib. Germ.

(b) In pace nullus eft communis magiftratus ; feď principes regionum atque pagorum inter fuos jus dicunt's De bello Gall. lib. VI.

(c) Liv. II.

(d) De minoribus principes confultant, de majori bus omnes; ità tamen ut ea quorum penes plebem arbisrium eft, apud principes quoque pertractentur. De mo rib. Germs

nation fur les grandes; de forte pour>> tant que les affaires dont le peuple » prend connoiffance font portéés » de même devant les princes. » Cet ufage fe conferva après la conquête comme (a) on le voit dans tous les

monumens.

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Tacite (b) dit que les crimes capitaux pouvoient être portés devant l'affemblée. Il en fut de même après la conquête, & les grands vaffaux y furent jugés.

СНАРITRE X X X I.

De l'autorité du clergé dans la premiere

C

race.

HEZ les peuples barbares, les prêporttres ont ordinairement du pouvoir, parce qu'ils ont & l'autorité qu'ils doivent tenir de la religion, & la puiffance que chez des peuples pareils donne la fuperftition. Auffi voyonsnous, dans Tacite, que les prêtres étoient fort accrédités chez les Germains, qu'ils

(a) Lex confenfu populi fit & conftitutione regis. Capitulaires de Charles le Chauve, an. 864. art. 6.

(b) Licet apud concilium accufare & difcrimen capitis intendere. De morib. Germ

mettoient la police (a) dans l'affemblée du peuple. Il n'étoit permis qu'à (b) eux de châtier, de lier, de frapper: ce qu'ils faifoient, non pas par un ordre du prince, ni pour infliger une peine mais comme par une infpiration de la divinité, toujours préfente à ceux qui font la guerre.

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Il ne faut pas être étonné fi, dès le commencement de la premiere race, on voit les évêques arbitres (c) des jugemens, fi on les voit paroître dans les affemblées de la nation, s'ils influent fi fort dans les réfolutions des rois, & fi on leur donne tant de biens.

(a) Silentium per Sacerdotes, quibus & coercendi jus eft, imperatur. De morib. Germ.

(b) Nec regibus libera aut infinita poteftas. Ceterùm neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, nifi facerdotibus eft permiffum; non quafi in pœnam, ducis juffu, fed velut Deo imperante, quem adeffe bellatoribus credunt. Ibid.

nec

(c) Voyez la conftitution de Clotaire de l'an 560 ¿ article 6.

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Des Lois, dans le rapport qu'elles ont avec les principes qui forment l'efprit général, les mœurs & les manieres d'une nation.

CHAPITRE PREMIER.

C

Du fujet de ce livre.

ETTE matiere eft d'une grande étendue. Dans cette foule d'idées qui fe préfentent à mon efprit, je ferai plus attentif à l'ordre des chofes qu'aux chofes mêmes. Il faut que j'écarte à droite & à gauche, que je perce, & que je me faffe jour.

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