Page images
PDF
EPUB

& les fignes fe reffemblent toujours. Dans les premiers pays, rien ne peut être caché, parce que le raviffeur porte toujours avec lui des preuves de fa conviction: cela n'eft pas de même dans les autres.

[ocr errors]

CHAPITRE

XVII.

Des lois politiques, chez les peuples qui n'ont point l'ufage de la monnoie.

[ocr errors]

E qui affure le plus la liberté des peuples qui ne cultivent point les terres, c'eft que la monnoie leur eft inconnue. Les fruits de la chaffe, de la pêche, ou des troupeaux, ne peuvent s'affembler en affez grande quantité, ni fe garder affez, pour qu'un homme fe trouve en état de corrompre tous les autres: au lieu que, lorfque l'on a des fignes de richeffes , on peut faire un amas de ces fignes, & les diftribuer à qui l'on veut.

Chez les peuples qui n'ont point de monnoie, chacun a peu de befoins, & les fatisfait aifément & également. L'égalité eft donc forcée; auffi leurs chefs ne font-ils point defpotiques.

CHAPITRE XVIII.
Force de la fuperftition.

I ce que les relations nous difent eft

Svei, la conftitution d'un peuple de

la Louisianne, nommé les Natchés, déroge à ceci. Leur chef (a) difpofe des biens de tous fes fujets, & les fait travailler à sa fantaisie; ils ne peuvent lui refufer leur tête; il eft comme le grandfeigneur. Lorfque l'héritier préfomptif vient à naître, on lui donne tous les enfans à la mamelle, pour le fervir pendant fa vie. Vous diriez que c'eft le grand Séfoftris. Ce chef eft traité dans fa cabane avec les cérémonies qu'on feroit à un empereur du Japon ou de la Chine.

Les préjugés de la fuperftition font fupérieurs à tous les autres préjugés, & fes raifons à toutes les autres raifons, Ainfi, quoique les peuples fauvages ne connoiffent point naturellement le defpotifme, ce peuple-ci le connoît. Ils adorent le foleil: & fi leur chef n'avoit pas imaginé qu'il étoit le frere du foleil, ils n'auroient trouvé en lui qu'un mifé rable comme eux.

(a) Lettres édif. vingtieme recueil,

CHAPITRE

XIX.

De la liberté des Arabes, & de la fervitude:

des Tartares.

Es Arabes & les Tartares font des peuples pafteurs. Les Arabes fe trouvent dans les cas généraux dont nous avons parlé, & font libres; au lieu que les Tartares (peuple le plus fingu lier de la terre ) fe trouvent dans l'efcla-vage politique (a). J'ai déjà (b) donné quelques raifons de ce dernier fait: en voici de nouvelles.

Ils n'ont point de villes, ils n'ont point de forêts, ils ont peu de marais; leurs rivieres font prefque toujours glacées, ils habitent une immenfe plaine ils ont des pâturages & des troupeaux, & par conféquent des biens: mais ils n'ont aucune espece de retraite ni de défenfe. Si-tôt qu'un kan eft vaincu, on lui coupe la tête (c); on traite de la

(a) Lorfqu'on proclame un kan, tout le peuple s'écrie: Que fa parole lui ferve de glaive.

(b) Liv. XVII. chap. V.

(c) Ainfi il ne faut pas être étonné fi Mirivéis;‹ s'étant rendu maître d'Ifpahan, fit tuer tous les prin ces du fang.

même maniere fes enfans ; & tous fes fujets appartiennent au vainqueur. Om ne les condamne pas à un efclavage: civil; ils feroient à charge à une nation: fimple, qui n'a point de terres à cultiver, & n'a befoin d'aucun fervice do-meftique. Ils augmentent donc la nation. Mais au lieu de l'efclavage civil, on conçoit que l'efclavage politique a dû s'introduire..

En effet, dans un pays où les diver fes hordes fe font continuellement la guerre & fe conquierent fans ceffe les unes les autres; dans un pays où, par la mort du chef, le corps politique de chaque horde vaincue eft toujours dé-truit, la nation en général ne peut guere: être libre: car il n'y en a pas une feule: partie qui ne doive avoir été un trèsgrand nombre de fois fubjuguée.

Les peuples vaincus peuvent confer ver quelque liberté, lorfque, par la force: de leur fituation, ils font en état de faire des traités après leur défaite. Mais les Tartares toujours fans défenfe, vain-cus une fois, n'ont jamais pu faire des› conditions.

J'ai dit, au chapitre II, que les habi-tans des plaines cultivées n'étoient guere

libres des circonftances font que les Tartares, habitant une terre inculte, font dans le même cas.

L

CHAPITRE X X.
Du droit des gens des Tartares.

ES Tartares paroiffent entr'eux doux & humains; & ils font des conquérant très-cruels ils paffent au fil de l'épée les habitans des villes qu'ils prennent; ils croient leur faire grace lorfqu'ils les vendent ou les diftribuent à leurs foldats. Ils ont détruit l'Afie depuis les Indes jufqu'à la Méditerranée; tout le pays qui forme l'orient de la Perfe en eft resté défert.

Voici ce qui me paroît avoir produit un pareil droit des gens. Ces peuples n'avoient point de villes; toutes leurs guerres fe faifoient avec promptitude & avec impétuofité. Quand ils efpéroient de vaincre, ils combattoient; ils augmentoient l'armée des plus forts, quand ils ne l'efpéroient pas. Avec de pareilles coutumes, ils trouvoient qu'il étoit contre leur droit des gens, qu'une ville qui ne pouvoit leur réfifter les arrêtât.

« PreviousContinue »